Imágenes de páginas
PDF
EPUB

*

[ocr errors]

fon'audace feroit bientôt punie comme elle le méritoit. Dites à votre Maître, répondit-elle, que dans peu je lui ferai favoir moi-même qui je fais. Elle s'avance auffi-tôt vers le fleuve qui donne fon nom au pays. L'Inde. Elle avoit fait préparer un grand nombre de barques. Le paffage lui en fut lontems difputé: mais après un fanglant combat, elle mit les ennemis en fuite. Plus de mille barques de leur côté furent coulées à fond, & elle fit fur eux plus de cent mille prifonniers. Animée par cet heureux fuccès, elle avança auffi-tôt dans le pays, aiant laiffé foixante mille hommes pour garder le pont de bateaux qu'elle avoit fait conftruire. C'eft ce que demandoit le Roi, qui exprès avoit pris la fuite, afin de lui donner lieu de s'engager dans l'intérieur du pays. Quand il l'y crut affez avancée, il tourna face. Alors fe donna un fecond combat, plus fanglant encore que le premier. Les faux éléphans ne foutinrent pas lontems le choc des véritables. Ceux-ci mirent l'armée en déroute, écrasant tout ce qu'ils rencontroient. Sémiramis fit ce qu'elle put pour rallier & ranimer fes troupes,

mais inutilement. Le Roi la voiant dans la mélée, s'avança contre elle, & la bleffa en deux endroits, mais fans que ces plaies fuffent mortelles. La viteffe de fon cheval la déroba à la pourfuite des ennemis. Comme on couroit en foule vers le pont pour repaffer le fleuve, le defordre & la confufion, inévitables dans de telles conjonctures, y firent périr un grand nombre de troupes. Quand elle eut mis en fûreté celles qui avoient pu fe fauver, elle rompit le pont, & par là arrêta les ennemis, à qui le Roi,

pour

obéir à un oracle, avoit défendu de pourfuivre plus loin Sémiramis, & de paffer le fleuve. Cette Princeffe aiant fait à Bactre l'échange des prifonniers, retourna dans fes Etats, y ramenant à peine le tiers de fonarmée, qui, felon Ctéfias, étoit de trois cens mille hommes de pié,& de cinquante mille chevaux, fans compter les chameaux & les chars armés en guerre, dont le nombre étoit très confidérable. Elle eft la feule, & Alexandre après elle, qui ait ofé porter la au dela du fleuve de l'Inde.

guerre

Je ne puis pas n'être point frapé d'une difficulté que l'on peut faire fur

tout ce que j'ai raporté d'extraordinaire de Ninus & de Sémiramis, qui paroit ne pouvoir gueres convenir à des tems fi proches du déluge: je veux dire cette multitude de troupes, cette nombreuse cavalerie, ces chars armés de faulx, ces tréfors immenfes d'or & d'argent, qui fentent plus les tems poftérieurs ; & il en faut dire autant de la magnificence des bâtimens qui leur font attribués. Il ya bien de l'apparence que les hiftoriens grecs, qui font venus tant de fiecles après,trompés par la reffemblance des noms par l'ignorance des dates, & par quelques raports des événemens, ont pu attribuer à des princes anciens ce qui appartenoit aux rois poftérieurs, & charger un feul des exploits & des entreprises qui doivent être partagées fucceffivement entre plufieurs.

[ocr errors]

Sémiramis, quelque tems après fon retour, découvrit que fon fils lui dreffoit des embuches, & qu'un de fes principaux Officiers s'étoit offert à lui préter fon miniftére. Elle fe reffouvint alors de l'oracle de Jupiter Ammon, & avertie que la fin de fa course approchoit, fans faire fouffrir aucune peine à cet Officier qu'elle

Tom. 3. pag. 343. &c.

Lib. 1.cap.2.

avoit arrété, elle abdiqua volontairement l'empire, remit le gouvernement entre les mains de fon fils, & fe déroba à la vûe des hommes dans l'ef pérance de jouir bientôt des honneurs divins, comme l'oracle le lui avoit promis. En effet on dit qu'elle fut honorée par les Affyriens comme une divinité fous la forme d'une colombe. Elle avoit vécu foixante-deux ans dont elle en avoit régné quarantedeux.

On peut voir dans les Mémoires de l'Académie des Belles Lettres deux favantes differtations fur l'empire des Affyriens,& en particulier fur le régne & les actions de Sémiramis..

Ce que dit Juftin de Sémiramis, qu'après la mort de fon mari, n'ofant ni remettre l'empire à fon fils qui étoit encore trop jeune,ni s'en charger elle-même ouvertement, elle gouverna fous le nom & fous l'habit de Ninyas; & qu'après avoir régné de la forte pendant plus de quarante ans, devenue paffionnée pour fon propre fils elle voulut le porter au crime, & en fut tuée : tout cela, dis-je, eft tellement deftitué de toute vraisemblance, que je croirois perdre le tems fi j'en

treprenois de le réfuter. Il faut pour-
tant avouer que prefque tous les au-
teurs qui ont parlé de Sémiramis, ne
nous donnent
pas une idée fort avan-
tageufe de la pureté de ses mœurs.
Jene fai fi le régne éclatant de cette
Princeffe n'a pas en partie engagé

Platon à foutenir dans fes livres de la Lib.'s. de

457.

République, que les femmes, auffi-Rep. pag.451bien que les hommes, doivent être admifes au maniement des affaires publiques, à la conduite des guerres, au gouvernement des Etats ; &, par une conféquence néceffaire, qu'on doit les appliquer aux mêmes exercices dont on fait ufage par raport aux hommes pour leur former le corps & l'efprit. Il n'excepte pas même de ces exercices ceux où la coutume étoit de combattre entiérement nuds, pré- Em tendant que les femmes feroient fuffi-da vi famment vétues & couvertes de leur ἱματίων αμε

vertu.

On eft furpris avec raison de voir un philofophe, d'ailleurs fi éclairé, renoncer fi ouvertement aux maximes les plus communes & les plus naturelles de la modeftie & de la pudeur, vertus qui font le principal ornement du fexe; & infifter i fortement fur

« AnteriorContinuar »