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Wag. 41°

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frere aîné qui n'avoit point laiffe
d'enfant mâle; & il fut roi en effet
pendant quelques jours. Mais, dès
que la groffeffe de la belle-four fut
connue, il déclara que la roiauté ap-
partenoit à l'enfant qui en naîtroit,fi
c'étoit un fils & dès ce moment il
adminiftra le roiaume comme fon
tuteur. Cependant la veuve lui en-
voia dire fous main, que s'il vouloir
lui promettre de l'époufer quand il
feroit roi, elle feroit périr fon fruit.
Une propofition fi déteftable fit hor
reur à Lycurgue: il diffimula néan-
moins, & amufant cette femme par
différens prétextes, il la mena jufqu'à
fon terme. Quand l'enfant fut né,
le déclara roi, & le fit nourrir avec
grand foin. La joie que fa naiffance
caufa au peuple, le fit nommer CHA-

RILAUS.

il

L'Etat étoit pour lors dans un grand défordre, l'autorité des Rois étant abfolument méprifée, & celle des Loix encore plus. Nul frein ne pouvoit retenir l'audace du peuple qui alloit tous les jours en croiffar. Lycurgue conçut le hardi deffein de réformer en tout le gouvernement de Lacédémone: & pour être en éta

d'y 'établir de plus fages réglemens, il
jugea à propos de faire plufieurs voia-
ges, afin de connoître
par lui-même
les différentes mœurs des peuples, &
de confulter ce qu'il y avoit de per-
fonnes plus habiles & plus expéri
mentées dans l'art de gouverner. Il
commença par l'île de Créte, dont
les loix dures & auftéres étoient fort
célébres: il paffa de là en Afie, où

régnoit une conduite toute oppofée:
& enfin il fe rendit en Egypte, le do-
micile des fciences, de la fagefle, &
des bons confeils..

Sa longue abfence ne fervit qu'à le pag. 45% faire plus defirer de fes citoiens; & les Rois mêmes prefférent fon retour, fentant bien qu'ils avoient befoin de fon autorité pour contenir le peuple dans le devoir & dans l'obéiffance. Dès qu'il fut retourné à Sparte, il travailla à changer toute la forme du gouvernement, perfuadé que quel ques loix particuliéres ne produiroient pas un grand effet.

Mais avant que d'exécuter fon def fein, il alla à Delphes pour confulter Apollon ; & après avoir offert fon facrifice, ilreçut cet oracle fi célébre, dans lequel la Prétreffe l'appelloit

Pag. 42.

il

Ami des dieux, & dieu plutôt qu'hom
me. Et quant à la grace qu'il avoit
demandée de pouvoir établir de bon-
nes loix dans fon pays, elle lui dé.
claroit que
le dieu avoit exaucé fes
priéres, & que la République qu'il
alloit former, feroit la plus excel
lente République qui eût jamais été.
Etant revenu à Lacédémone,
commença par gagner les principaux
de la ville, à qui il communiqua fes
vûes; & s'étant affuré de leur confen-
tement, il vint dans la place publi-
que accompagné de gens armés, pour
étonner & pour intimider ceux qui
voudroient s'opposer à fon entre-
prise.

On peut rappeller à trois principaux établissemens la nouvelle forme de gouvernement qu'il introdui fit à Lacédémone.

I. ETABLISSEMENT. Sénat. DE TOUS les nouveaux établiffemens de Lycurgue, le plus grand & le plus confidérable fut celui du Sénat, lequel, comme dit Platon, tempérant la puiffance trop abfolue des rois par une autorité égale à la leur, fut la principale caule du falut de cet Etat.

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Car, au lieu qu'auparavant il étoit toujours chancelant, & qu'il panchoit tantôt vers la tyrannie par la violence des rois, tantôt vers la Démocratie par le pouvoir trop abfolu du peuple; ce Sénat lui fervit comme d'un contrepoids qui le maintint dans l'é quilibre, & qui lui donna une affiette ferme & affurée : les vingt-huit * Sénateurs qui le compofoient fe rangeant du côté des Rois quand le peuple vouloit fe rendre trop puiffant, & fortifiant au contraire le parti du peuple quand les Rois vouloient porter trop loin leur autorité.

Lycurgue aiant ainfi tempéré le gouvernement,ceux qui vinrent après lui trouvérent la puiffance des Trente, qui compofoient le Sénat, encore trop forte & trop abfolue: c'eft pourquoi ils lui donnèrent un frein en lui oppofant l'autorité des Ephores envi- Ephere ron cent trente ans après Lycurgue.gnifie ControlLes Ephores étoient au nombre de deur. cinq, & ne demeuroient qu'un an

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Inspe

en charge. Ils étoient tous tirés du Arift. lib. 23 peuple, & par là reffembloient affez de Rep. pag. aux Tribuns du peuple chez les Ro

Ce Confeil étoit compo- y comprenant les deux

fé de trente perunes, en Rois.

321.

mains. Ils avoient droit de faire arréter les Rois, & de les faire mener en prifon, comme cela arriva à l'égard de Paufanias. Ce fut fous le roi Théopompe que commencérent les Ephores. Sa femme lui aiant reproché qu'il laifferoit à fes enfans la roiauté beaucoup moindre qu'il ne l'avoit reçûe, il lui répondit: An contraire, je la leur laifferai plus grande, parce qu'elle fera plus durable.

Le gouvernement de Lacédémone n'étoit donc pas purement monarchique: les Grands y avoient beaucoup de part, & le peuple n'en étoit pas exclus. Toutes les parties de ce corps politique, à mesure qu'elles confpiroient au bien général, y trouvoient le leur : en forte que, malgré l'inquiétude & l'inconftance du cœur humain, qui foupire toujours après le changement, & ne fe guérit jamais de fon dégoût pour l'uniformité, Lacédémone pendant plus de fept cens ans fe maintint dans l'obferva tion de fes loix.

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