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à l'ennemi pleins de confiance, com-
me étant affurés de la protection di-
vine, &, pour me fervir de l'expref-
fion de Plutarque, comme fi Dieu
étoit préfent, & combattoit avec
eux : ὡς τῷ θεῷ συμπαρόντΘ.

Quand ils avoient rompu & mis
en fuite leurs ennemis, ils ne les
pourfuivoient qu'autant qu'il le fa-
loit
pour s'affurer la victoire : après
quoi ils fe retiroient, eftimant qu'il
n'étoit ni glorieux, ni digne de la
Gréce, de tailler en piéces des gens
qui cédent & qui fe retirent. Et cela
ne leur étoit pas moins utile qu'ho-
norable: car leurs ennemis, fachant
que tout ce qui réfistoit étoit passé au
fil de l'épée, & qu'ils ne pardonnoient
qu'aux fuiards, préféroient ordinai-
rement la fuite à la réfiftance.

Quand les premiers établiffemens de Lycurgue furent reçus & confirmés par l'ufage, & que la forme de gouvernement qu'il avoit établie parut affez forte & affez vigoureuse pour fe maintenir d'elle-même & pour fe conferver: comme Platon dit de Dieu, qu'après avoir ache

a Ce paffage de Platon | lieu de croire que ce Philo A dans le Timée, & donne Sophe avoit lu ce que Moyst

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vé de créer le monde, il fe réjouit lorfqu'il le vit tourner & faire fes premiers mouvemens avec tant de jufteffe & d'harmonie; ainfi le Légiflateur de Sparte, charmé de la grandeur & de la beauté de fes loix, fentit un redoublement de plaifir quand il les vit, pour ainfi dire, marcher feules & cheminer fi heu-reusement.

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Mais defirant, autant que cela dé pendoit de la prudence humaine, de les rendre immortelles & immuables, il fit entendre au peuple qu'il lui reftoit encore un point le plus important & le plus effentiel de tous, fur * lequel il vouloit confulter l'oracle d'Apollon; & en attendant, il les fit tous jurer que jusqu'à ce qu'il fût de retour ils maintiendroient la forme de gouvernement qu'il avoit établie. Quand il fut arrivé à Delphes, il confulta le dieu pour favoir fi fes loix étoient bonnes & fuffifantes pour rendre les Spartiates heureux & vertueux. La Prétreffe lui répondit qu'il ne manquoit rien à fes loix, & que tant que

dit de Dieu quand il crea erane valde bona. Oz. 1 te monde Vidit Deus 31,

4nca quæ fecerat, &

Sparte les obferveroit, elle feroit la plus glorieuse ville du monde, & jouiroit d'une parfaite félicité. Lycurgue envoia cette réponse à Sparte, & troiant fon miniftére confommé, il mourut volontairement à Delphes, en s'abstenant de manger. Il étoit perfuadé que la mort meme des grands perfonnages & des hommes d'Etat ne doit pas être oifive ni inutile à la République, mais une fuite de leur miniftére, une de leurs plus importanLes actions, & celle qui leur doit faire autant ou plus d'honneur que toutes les autres. Il crut donc qu'en mourant de la forte il mettoit le fceau & le comble à tous les fervices qu'il avoit rendus pendant fa vie à ses citoiens, puifque fa mort les obligeroit à garder toujours fes ordonnances, qu'ils avoient juré d'obferver inviolablement jufqu'à fon re

tour.

En expofant les fentimens de Lycurgue fur fa propre mort, tels que Plutarque les a marqués, je fuis bien éloigné de les approuver : & j'en dis autant de plufieurs faits pareils, que je raporte quelquefois fans y joindre de reflexion, mais fans prétendre y

donner d'approbation. Les prétendus fages du paganifme n'avoient fur l'article dont il s'agit ici,comme fur beaucoup d'autres, que des lumiéres fort bornées,& mélées d'épaiffes ténébres. Ils établiffoient ce principe admira. ble, qu'on trouve dans plufieurs de leurs écrits: Que l'homme, placé dans le monde comme dans un pofte par fon Général, ne ne peut le quitter que par le commandement exprès de celui de qui il dépend, c'est-àdire de Dieu même. Ils le regardoient auffi quelquefois comme un coupable condanné à une trifte prifon, d'où il pouvoit defirer de fortir, mais d'où il ne lui étoit permis de fortir en effet que par l'ordre du Magiftrat & de la Juftice, & non en brifant fes chaînes, ni en forçant les portes du cachot. Ces idées font belles, parce qu'elles font vraies : mais

a Vetat Pythagoras injuffu Imperatoris, id eft Dei, de præfidio & ftatione vite decedere. Cie. de fene&t. n. 73.

Cato fic abiit è vita, ut caufam moriendi na&tum fe efle gauderet.Vetat enim dominans ille in nobis Deus injuffu hinc nos fuo demigrare. Cùm verò caufam juftam Deus ipfe dederit, ut tune So

'

crati, nunc Catoni, fæpe multis: næ ille, medius fidius, vir fapiens, lætus ex his tenebris in lucem illam excefferit. Nec ta men illa vincula carceris ruperit; leges enim vetant: fed, tanquam à magiftratu, aut ab aliqua poteftate legitima, fic à Deo evocatus atque emif fus, exierit. Id. 1.Tufc. Quaft. q. 74. Zvj

l'application qu'ils en faifoient étoit
fauffe, en prenant pour un ordre ex-
près de la divinité, ce qui n'étoit
qu'un effet de leur foibleffe ou de
leur orgueil, qui les portoient à fe
donner la mort à eux-mêmes, soit
pour se délivrer des peines de cette
vie, foit pour immortalifer leur nom
dans la postérité, comme cela arri-
va à Lycurgue, à Caton, & à tant
d'autres.

REFLEXIONS fur le gouvernement
de Sparte, & fur les loix de Lycurguer
1. Chofes louables dans les loix
de Lycurgue.

58. IL FAUT bien, à n'en juger même
que par l'événement, qu'il y eût danis
les loix de Lycurgue un grand fonds
de fageffe & de prudence, puifque tant
qu'elles furent obfervées exactement
à Sparte, & elles le furent pendant
plus de cinq cens ans, cette ville fut si
puiffante & fi floriffante. C'étoit moins,
dit Plutarque en parlant des loix de
Sparte, le gouvernement & la police
d'une ville ordinaire, que la conduite
& le réglement d'un homme fage qui
paffe toute fa vie dans les exercices

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