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à celui des dieux. On leur érigea sur le champ des ftatues dans la placep ublique, honneur qui jufques-là n'avoit encore été rendu à perfonne. La vûe feule de ces ftatues, expofées en fpectacle aux yeux de tous les citoiens, rallumoit en eux la haine & l'exécration de la tyrannie, & renouvelloit de jour en jour dans leurs efprits une vive reconnoiffance pour ces généreux défenfeurs de la liberté, qui n'avoient pas craint de lui facrifier leur vie, & de la fceller de id. cap. 8. leur fang. Alexandre le Grand, qui favoit combien leur fouvenir étoit préfent aux Athéniens, & jusqu'où ils portoient leur zêle à cet égard, crut leur faire un fenfible plaifir en leur renvoiant les ftatues de ces deux grands homines qu'il trouva dans la Perfe après la défaite de Darius, & que Xerxès avoit autrefois enlevées Id. lib. 7 d'Athénes. Cette ville, dans le tems 34.cap. 8. qu'elle fut délivrée, n'avoit pas borné fa reconnoiffance aux feuls auteurs de fa liberté: elle l'étendit jufqu'à une femme, qui fignala fon courage dans cette occafion. C'étoit une courtifane, appellée Lionne, qui par les charmes de fa beauté, & par fon

cap. 23. & 1.

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adreffe à toucher la lyre, s'étoit par-
ticuliérement attaché Harmodius &
Ariftogiton. Après leur mort, le Ty-
ran qui favoit qu'ils n'avoient rien
de caché pour cette femme, la fir
mettre à la queftion pour tirer d'elle
le nom des conjurés. Elle fouffrit les
tourmens avec une conftance invin-
cible, & expira au milieu des fuppli
ces, montrant que fon fexe eft plus
courageux & plus capable de fecret
qu'on ne penfe. Les Athéniens ne
laifférent pas périr la mémoire d'une
action fi glorieufe. Sa qualité de cour-
tifane fembloit en ternir l'éclat : ils la
diffimulérent, & la couvrirent, en
érigeant à fon honneur une ftatue de
Lionne, qui étoit fans langue.

Plutarque, dans la vie d'Ariftide P. 335 I raconte une chofe qui fait beaucoup d'honneur aux Athéniens, & qui marque jufqu'où alloit leur reconnoiffance pour leur Libérateur, & leur ref pect pour fa mémoire. Ils apprirent que la petite fille d'Ariftogiton étoit à Lemnos, où elle vivoit dans un état très-pitoiable, fans pouvoir fe marier à caufe de fon extrême mifére. Le peuple la fit venir à Athénes, & la mariant à un des plus riches & des

plus confidérables partis de la ville, il lui donna pour dot une terre dans le bourg de Potamos.

Il fembloit qu'Athénes, en recouvrant fa liberté, eût auffi recouvré fon ancien courage. Sous les Tyrans, elle avoit agi avec lenteur & nonchalance, fachant que c'étoit pour eux qu'elle travailloit. Depuis qu'elle en fut délivrée, elle montra toute une autre activité, parce qu'elle travailloit pour elle-même.

Elle ne jouit pas d'abord néanmoins d'une tranquillité parfaite. Deux de fes citoiens, Clifthéne de la famille des Alcméonides, & Ifagoras, qui étoient les plus puiffans de la ville, fe difputant l'un à l'autre l'autorité, y formérent deux faations. Le premier, qui avoit attiré le peuple dans fon parti,en changea la conftitution, & au lieu des quatre Tribus dont il avoit été composé jusques-là, il en établit dix, auxquelles il donna les noms des dix enfans. d'Ion, que les hiftoriens grecs donnent pour le pere & le premier auteur de la nation. Ifagoras, fe voiant inférieur en crédit à fon rival, eut recours aux Lacédémoniens. Cléo

méne, l'un des deux Rois de Sparte, obligea Clifthéne de fortir de la ville avec fept cens familles qui étoient attachées à fon parti. Mais elles y rentrérent bientôt avec leur Chef, & furent rétablies dans tous leurs biens.

Les Lacédémoniens, piqués de dépit & de jaloufie contre Athénes qui prétendoit ne point dépendre d'eux, & & d'ailleurs fe repentant d'en avoir challé les Tyrans fur la foi d'un oracle dont ils avoient reconnu depuis la fourberie, fongérent à y rétablir Hippias, l'un des enfans de Pififtrate, & pour cet effet le firent venir de Si gée où il s'étoit retiré. Ils propoférent leur deffein dans une affemblée des Députés de leurs alliés, du fecours defquels ils vouloient fe fortifier pour ne point manquer leur coup Le Député de Corinthe parla le premier. Il marqua fon étonnement, de ce que les Lacédémoniens, ennemis déclarés pour eux-mêmes de la tyrannie qu'ils avoient en horreur, vouloient l'établir ailleurs, & il mit dans tout fon jour l'injufte & cruelle domination des Tyrans, dont Corinthe fa patrie avoit fait tout récemment

une tifte expérience. Tous les autres alliés applaudirent à fon difcours. Ainfi l'entreprise échoua, & n'eut d'autre effet que de découvrir la baffe jaloufie des Lacédémoniens, & de les couvrir de honte.

Hippias, déchu de fon espérance, fe retira en Afie chez Artapherne Gouverneur de Sardes pour le Roi de Perse, & n'oublia rien pour l'engager porter fes armes contre Athénes

à

en lui faifant entendre que la prise d'une ville fi puiffante le rendroit maître de toute la Gréce. Artapherne fomma les Athéniens de rétablir fur le trône Hippias à quoi ils ne répondi rent que par un refus net & abfolu, Voila quelle fut l'origine & l'occafion des guerres des Perfes contre les Grecs, lefquelles feront la matiére des volumes fuivans,

ARTICLE NEUVIE'M E.

HOMMES ILLUSTRES, qui fe font diftingués dans les fciences.

JE commence par les Poetes, parce qu'ils ont l'ancienneté fur les autres.

HOMERE

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