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qu'il avoit envie d'être de la partie, & comme il ne pouvoit que la rendre encore plus divertil fante, par l'originalité avec laquelle il traiteroit fon fujet, je lui propofai d'être des nôtres. Il rejetta mon compliment d'abord avec beaucoup d'humilité; je repartis, il fe rendit enfin avec un air de confiance pour lui même qui carac◄ térife ordinairement les ignorants. Je compris que notre petite compagnie fe promettoit un plaifir bien nouveau de l'addition que le Campagnard feroit à notre Hiftoire; nous ne perdîmes point notre fujet de vue; c'étoit l'amour : & chacun, après avoir pris à fon tour un gros bâton qui nous fervoit de pincettes, & remué des tifons qui étoient bien, je commençai ainfi de l'aveu de tout le monde ; & par droit d'avis, peutêtre, mon cher, aurez vous trouvé trop long le fujet qui conduit à notre Hiftoire; mais le fujet eft une petite Hiftoire auffi; & comme je n'ai eu deffein que de vous divertir, peu m'a dû importer que ce foit, ou par le fujet ou par l'Hiftoire. Revenons au fait : car le Bel-Efprit pétille de curiofité de m'entendre entamer matiere, & d'envie de la continuer ; le Campagnard ouvre de grands yeux, avec un filence refpecTome XII.

M

tueux pour la partie fpirituelle à laquelle il eft affocié ; la Dame, par des yeux languiffants, m'annonce qu'elle eft impatiente de fentir quelque fituation touchante; la jeune Demoiselle montre un empreffement vif & naturel, excité fans doute par le nom d'amour dont l'idée la réjouit, & le vieillard....... & le vieillard tient un verre de vin qui s'échauffe entre fes mains; commençons, de peur qu'il ne s'aigriffe.

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LES AVENTURES

Du fameux Amandor & de la belle & intrépide Ariobarfane.

IL y avoit à quelques lieues de Paris un Gentilhomme d'environ trente-cinq ou quarante ans, qui demeuroit dans fon Château; près de ce Château, fa demeure, étoit celui d'une veuve àpeu-près du même âge; ces deux voifins étoient amoureux l'un de l'autre ; le voifinage avoit fait l'union de leurs cœurs: ajoutez à cela une certaine conformité de fentiments & de caractere. Le Gentilhomme, que je nommerai Amandor, avoit

été près de trois mois paffionné de la veuve, fans qu'il eût ofé hafarder l'aveu de fa tendreffe: un air fier, une délicateffe infinie qu'il avoit remarquée dans la Dame, l'avoient toujours retenu.

Il en étoit donc au troifieme mois de fon fecret amoureux, quand un matin s'en-allant voir cet objet refpectable de fes amours, il le rencontra dans une espece de petit bois ou garenne près de fon Château. Cette Dame sembloit chercher les fentiers les plus fombres & les plus épais pour lire un livre qu'elle tenoit à la main, & dont la lecture fembloit l'affecter de beaucoup de plaifir. Amandor l'aborda d'un air tendre & craintif: puis-je me flatter, lui dit-il, d'une voix humble, que vous voudrez bien un moment vous diftraire de l'occupation où vous êtes, pour me donner la douceur de votre conversation; ce compliment étoit trop refpectueux pour être rebuté, auffi n'eut-il pas un fi mauvais fort. Quelque agré ment que je trouve à lire, j'y renonce avec plaifir pour avoir celui de m'entretenir avec vous, répon dit-elle. Après ces mots, Amandor lui demanda quel étoit le livre qu'elle lifoit: c'eft un Roman, -dit-elle, dont les Amants ont des fentiments qui me charment. Ah! que l'amour eft aimable de la manière dont ils le fefoient, J'avoue qu'une

femme feroit trop heureufe, fi elle inspiroit une tendreffe du caractere de celle dont ils étoient remplis; que de précautions pour éviter de manquer de refpect! que d'aveux arrachés par un excès de langueur! que de timidité! ils n'ont pas plutôt dit qu'ils aiment, qu'ils fe croient perdus & coupables; ils fe condamnent à la mort; ils vont la chercher dans un exil éternel, fi l'on ne les retient: mais ce font de nobles criminels, qui, au milieu de la crainte, confervent une jufte fierté digne d'accompagner leur crime, fi leur aveu ne déplaît abfolument pas; s'il touche, que de raviffements ! que d'extafes, d'innocentes careffes! Ah! Monfieur, vous m'en voyez encore toute pénétrée; le fiècle eft corrompu; on ne vit plus comme autrefois; la plus noble paffion aujourd'hui n'eft qu'une bagatelle; les Amants font effrontés; les Dames ont perdu leur pouvoir, & elles n'ont confervé que le droit d'enflammer, fans avoir, comme autrefois, celui de commander aux cœurs, & d'être l'arbitre de la fortune & de la destinée de leurs Amants. Non, non, Madame, lui répondit vivement Amandor : il en eft encore à qui la corruption du fiècle n'a point ravi ce droit. Ce que vous me dites eft-il bien poffible? répartit la Dame d'un air embarraffé; ( car j'ai ou

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