Imágenes de páginas
PDF
EPUB

283

AVANT-PROPOS

DE L'AUTEUR.

JE ne fçais fi les adorateurs d'Homere

ne regarderont pas le Télémaque travesti comme une production facrilége & digne du feu peut-être même que, dans les tranfports d'admiration qu'ils ont pour le divin Homere, l'Auteur de cette Parodie burlefque, & fon efprit impie retourneroient au néant, fi leurs imprécations pouvoient autant que pouvoit jadis le courroux des Fées : mais heureusement pour moi, les dévots du divin Homere, pour moyens de vengeance contre la profanation de fa divinité, n'ont qu'un ref sentiment, dont l'effet ne paffe pas l'expreffion.

N'eft-il pas étrange que l'impunité

le

tu

fuive des crimes pareils au mien ? mais heureusement pour moi les adverfaires de cette Religion infortunée, ne périclitent ni dans ce monde ni dans l'autre. Homere, tu t'es acquis un culte fouvent auffi fcrupuleufement obfervé que vrai; je n'ôfe dire plus mais fi le mépris de ce culte eft fans vengeance, n'es donc qu'un homme. Parlez, adorateurs; eft-ce un blafphême que de le penfer & de l'écrire Homere étoit-il un homme une imagination hyperbolique vous dira que non. Mais répondez pertinemment oui fans doute, direzvous c'étoit un homme, mais au-deffus du refte des hommes, & qui, par un efprit inimitable, a féduit celui des autres, jufqu'à leur arracher un éloge au¬ delà des bornes de la raifon. On l'a nommé le divin Homere, & cette épithète eft l'effet d'une admiration outrée ; mais cet excès fait la preuve de fupério rité fur tous les efprits: il paffoit les

[ocr errors]

idées ordinaires ; il a mérité qu'on s'emportât pour lui jufqu'au faux. Nous y voilà; le nom de Divin eft donc comme une débauche d'efprit, une folie fpirituelle qu'on a faite pour lui. Peut-être pourroit-on vous prouver que cette folie, excufable dans les premiers temps, eft dans le nôtre une extravagance fans fujet. Mais quoi qu'il en foit, c'étoit un homme que cet Homere; toutes les perfonnes fenfées en conviennent. Ah! Meffieurs faites donc grâce à un homme qui, du merveilleux, du fublime & de l'héroïque d'Homere, a fait fes efforts pour en tirer du comique! Quel tort lui fais-je ? Ses Héros refteront admirables chez lui, pendant que ceux que je lui fubftitue feront rifibles chez moi.

Mais, profane que vous êtes, me direz-vous, c'est sur ces Héros que vous avez imaginé vos monftres? ce n'est pas ainsi qu'en a agi le grand - homme qui n'a pas dédaigné de tirer des portraits

de la fageffe & de l'héroïsme d'après les modeles que lui fourniffoit notre Homere. A cela je réponds que chacun a fa maniere de tourner les chofes, & & que toutes les manieres font également louables, auffitôt qu'elles font également instructives. Ce difcours vous furprend ; votre efprit irrité n'a garde de foupçonner de l'utile dans un renverfement épouvantable des caracteres que vous admirez : voici cependant la premiere inftruction qu'il vous offre.

Vous y connoîtrez le néant d'une gran deur profane & la facilité qu'il y a de donner une face rifible à des chofes qui, malgré l'impofteur & le brillant afpect avec lequel on vous le représentoit, ont pour principes le ridicule le plus groffier & le plus méprifable, qui eft la vanité. Cette découverte vous conduira infenfiblement à avouer que dans le fond le mépris eft juftement dû à des Héros dont les vertus ne font, à vrai dire, que

« AnteriorContinuar »