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diftinguer votre augufte fang d'avec le vil fang des autres. Au furplus je n'ai pas rendu la diftinction bien difficile à faire enfant noble; c'eft le fils

ce n'eft pas même un d'un miférable esclave

que vous voyez à côté du vôtre; ainfi la différence eft fi énorme entr'eux, que votre pénétration va fe jouer de cette foible épreuve où je la mets.

THÉODOSE,

Ah! le malin vieillard!

THEOPHILE.

Au refte, Seigneur, ajouta-t-il, je me fuis ménagé un moyen fûr de reconnoître votre fils; il n'eft point confondu pour moi : mais s'il l'eft pour vous, je vous avertis que rien ne m'engagera à vous le montrer, à moins que le Roi ne me l'ordonne, Seigneur, dit alors le Prince à

fon

pere, d'un air un peu confus & prefque la Jarme à l'œil, ordonnez-lui donc qu'il me le rende. Moi, Prince, lui répartit le Roi; faites-vous réflexion à ce que vous me demandez? eft-ce que la nature n'a point marqué votre fils? Si rien ne vous l'indique içi, fi vous ne pouvez le retrouver fans que je m'en mêle, eh! que deviendra l'opinion fuperbe que vous avez de votre fang? Il faudra donc renoncer à croire qu'il eft d'une autre sorte

que celui des autres, & convenir que la nature, à cet égard, n'a rien fait de particulier pour nous! THÉODOSE.

Il avoit plus d'efprit que moi, s'il répondit à cela. THEOPHILE.

L'Hiftoire nous rapporte qu'il parùt rêver un inftant, & qu'enfuite il s'écria tout-d'un-coup: Je me rends, Seigneur, c'en eft fait; vous avez trouvé le fecret de m'éclairer; la nature ne fait que des hommes & point de princes; je conçois maintenant d'où mes droits tirent leur origine; je les fefois venir de trop loin, & je rougis de ma fierté paffée. Auffitôt le vieux Seigneur alla prendre le petit Prince qu'il préfenta à fon pere, après avoir tiré, de deffous les linges qui l'enveloppoient, un billet que le Roi lui-même y avoit mis pour le reconnoître. Le Prince, en pleurant de joie, embraffa fon fils, remercia mille fois le vieux Seigneur qui avoit aidé le Roi dans cet innocent artifice, & voulut tout de fuite qu'on lui apportât l'enfant efclave dont on s'étoit fervi pour l'inf truire, & qu'il embraffa à fon tour comme en reconnoiffance du trait de lumiere qui venoit de le frapper. Je t'affranchis, lui dit-il, en le pressant entre fes bras; on t'élevera avec mon fils; je lui apprendrai ce que je te dois; tu lui ferviras de

leçon comme à moi, & tu me feras toujours cher, puifque c'est par toi que je fuis devenu raison

nable.

THEODOSE.

Votre Prince me fait pleurer.

THEOPHILE KU

ان

'Ah! mon fils, s'écria lors le Roi, pénétré d'attendrissement, que vous êtes bien digne aujourd'hui d'être l'héritier d'un empire! que tant de raison & tant de grandeur vous vengent bien de P'erreur où vous étiez tombé!.

THÉODOSE.

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Ah! que je fuis content de votre Hiftoire! me voilà bien raccommodé avec la comparaifon du valet-de-pied ; je lui ai autant d'obligation que le Prince en avoit au petit efclave. Mais, ditesmoi, Théophile, ce que vous venez de dire, & qui eft fi vrai, tout le monde le fçait-il comme il faut le sçavoir? Je cherche un peu à m peu à m'excufer: la plupart de nos jeunes gens ne s'y trompentils pas? je vois bien qu'ils me mettent au-deffus d'eux; mais il me femble qu'ils ne croient pas que tour homme, dans la nature, eft leur femblable: ils s'imaginent qu'elle a auffi un fang à part pour eux; il n'eft nifi beau, ni fi diftingué que le mien,

men

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mais il n'eft pas de l'efpece de celui des autres !

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THEOPHILE.

Que non-feulement ces jeunes-gens ne fçavent pas que tout eft égal à cet égard, mais que des perfonnages très-graves & très-sensés l'oublient: je dis qu'ils l'oublient, car il est impossible qu'ils l'ignorent; & fi vous leur parlez de cette égalités ils ne la nieront pas: mais ils ne la fçavent que pour en difcourir, & non pas pour la croire; ce n'eft pour eux qu'un trait d'érudition, qu'unë morale de converfation, & non pas une vérité d'ufage.

THTHEODOSE.

J'ai encore une queftion à vous faire; ne ditön pas fouvent, en parlant d'un homme qu'on eftime, c'est un homme qui fe reffent de la nobleffe de fon fang how it be sup THEOPHILEovedì el mali

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Oui; il y a des gens qui s'imaginent qu'un fang tranfmis par un grand nombre d'ayeux nobles, qui ont été élevés dans la fierté de leur rang; ils s'i maginent, dis-je, que ce fang, tout venu qu'il eft d'une fource commune, a acquis, en paffant; de certaines impreffions qui le diftinguent d'us fang reçu de beaucoup d'ayeux d'une petite con

dition; & il fe pourroit bien effectivement que cela fît des différences: mais ces différences fontelles avantageufes? produifent-elles des vertus ? contribuent-elles à rendre l'âme plus belle & plus faifonnable? & la nature là-deffus fuit elle la vanité de notre opinion? Il y auroit bien de la vision à le croire, d'autant plus qu'on a tant de preuves du contraire: ne voit-on pas des hommes du plus bas étage qui font des hommes admirables?

THÉODOSE.

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Et l'Hiftoire ne nous montre-t-elle pas de grands Seigneurs par la nitiffance, qui avoient une âme indigne? Allons, tout eft dit fur cet article; la nature ne connoît pas les nobles; elle ne les exempte de rien; ils naiffent fouvent auffi infirmes de corps, auffi courts d'efprit que les autres. THEOPHILE.

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Ils meurent de même, fans compter que la fortune fe joue de leurs biens, de leurs honneurs; que leur famille s'éteint ou s'éclipfe. N'y a-t-il pas une infinité de races, & des plus illuftres qu'on a perdu de vue; que la nature a continuées, mais que la fortune a quittées ; & dont les defcendants méconnus rampent apparemment dans la foule, labourent ou mendient, pendant que de BIC.

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