France par votre canal, mon Reverend Pere, quelques legeres qu'elles foient, feront d'un grand fecours à cette nombreu fe & illuftre famille dépouillée de fes biens, & conftamment perfecutée pour fon attachement à la Foy.

Le 13 de Decembre le Regulo fit appeller les domeftiques du Prince nouvellement décedé, c'est-à-dire, ceux qui avoient été autrefois à fon fer vice, & leur permit de tranf porter le corps de leur anciens Maître à la fépulture de fes an cêtres, & de l'y enterrer auprès de celui de fa femme. (Le Prin ce Jean avoit eu une premie re femme qui étoit morte affez jeune, & avoit épousé enfuite la Princeffe Cecile. ) Les domeftiques étoient extrêmement pauvres depuis la confif

cation générale des biens de leurs Maîtres: ils ne laifferent pas néanmoins de prendre des habits de deuil, & de disposer toutes chofes pour les obfeques du Prince, qui furent finies au 29 du même mois.

L'enterrement fe fait de deux manieres parmi les Tartares Mantcheoux : chez les uns on enterre le corps avec le cercueil; les autres brûlent l'un & F'autre, ramaffent les cendres, & les renferment dans une urne qu'ils mettent en terre, & ils élevent enfuite au-deffus un monument: c'eft cette dernie remaniere qui eft en ufage dans la famille du Prince Jean.

Sebastien Ly & François Tcheou, tous deux Chrétiens, & anciens domeftiques du Prince, avoient une extrême envie de voir le corps de leur Maître, &

de retirer les faintes Reliques qu'il portoit toûjours fur lui: ils prirent le temps le plus propre à ouvrir le cercueil fans être apperçûs; mais leur pieufe curiofité leur coûta cher. Le garde de la fépulture qui étoit infidéle, fe doutant de leur deffein, obfervoit attentivement leurs démarches, & les ayant furpris, il fit grand bruit, & les menaça de les déferer aux Mandarins, & de les accufer d'avoir violé le cercueil, pour fatisfaire à leuravarice, ce qui eft à læ Chine un crime digne de mort. Ils ne pûrent l'appaifer qu'à foree d'argent, & avec promeffe de remettre dans le cercueil ce qu'ils en avoient tiré : ils eûrent néanmoins l'adreffe de fe referver plufieurs chofes à l'infçû dus Garde ; après quoi on mit le feu au cercueil

Parmi ceux qui se trouverent à cette cérémonie, il y eut des Infidéles qui vouloient que tout généralement fût réduit en cendres felon la coûtume: Les Chrétiens tâcherent de fauver quelques offemens, & comme la pieté eft induftrieufe, ils y réüffirent. Ils fe faifirent auffi des chaînes qu'ils retirerent des cendres: mais ils trouverent de nouvelles oppofitions de la part du Garde: Sa raifon étoit que les chaînes du Prince Jofeph ayant été portées au Tribunal on ne manqueroit pas de lui demander celles du Prince Jean, dont, en qualité de Garde de la fépulture, il devoit répondre: Sebaftien lui promit de les lui repréfenter s'il étoit néceffaire les autres Chrétiens fe firent fa caution: on ne putrien gagner für cet efprit intereffe, & il ne

fe laiffa enfin fléchir qu'à la promeffe qu'on lui fit de lui donner une nouvelle fomme d'argent, encore fuivit-il les Chré tiens, qui emportoient ces chaî nes, jufqu'au lieu où elles des voient être déposées.

Comme le chemin lè plus court pour retourner à Peking. étoit de paffer pardevant l'Egli fe des Jefuites Portugais, ils les remirent au Pere Suarez en préfence du Garde, qui reçût alors l'argent dont on étoit convenu avec lui. Les Chrétiens vinrents enfuite me trouver pour me rendre compte de ce qui s'étoit paffé à l'ouverture du cercueik Ils m'affûrerent qu'ils n'avoient pas trouvé le moindre vestige de corruption ni de mauvaife odeur; qu'on eût dit que le Prince ne faifoit que d'expirer ce qui ne pouvoit pass attribuer