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LETTRE

DU P. PARENNIN

MISSIONNAIRE

DE LA COMPAGNIE DE JESUS. Au P. D. H. de la même Compagnie.

A Peking ce 15 Sep tembre 1728.

MON REVEREND PERE

La Paix de N. S.

La derniere Lettre que j'eus l'honneur de vous écrire le 26 XX. Rec. A

Septembre de l'année 17277 vous informoit dans un grand détail de l'heroïque fermeté des Princes du Sang Imperial de la Chine, dont la foy n'a pu être ébranlée, ni par la dégradation de leur rang, ni par la confifcation de tous leurs biens, ni par les rigueurs d'une dure prifon, ni par les menaces d'une mort infâme & cruelle. Peu de temps après ma Lettre écrite, il me vint des nouvelles du Prince Jean Lou; elles m'apprenoient qu'il étoit mort le is de Septembre dans fa prifon de Tci nan fou, capitale de la Province de Chantong, qui étoit le lieu de fon banniffement. Le Prince Jean Sou, qui étoit prifonnier à Peking, fe trouvoit alors dangereufement malade, & il mourut le 13 Novembre. Je ne dois pas vous laiffer ignorer

les circonftances d'une mort fi glorieufe, qui eft le fruit d'une longue fuite de mauvais traitemens, que fon attachement au Chriftianifme lui a procuré. Depuis le 8 Septembre qu'on le transfera de fa prifon dans celle où étoit mort le Prince Joseph, ainfi que je vous le racontois dans mes dernieres Lettres, on n'a pu rien apprendre de l'état où il fe trouvoit. Nul domeftique ne pouvoit approcher des prifons, les Soldats même qui faifoient la garde, n'ofoient parler aux prifonniers, & il ne leur étoit permis que de répondre quand ils étoient appellez, ou de faire paffer par le tour,ce qu'on accordoit chaque jour,pour leur fubfiftance.

Mais deux mois après, c'està-dire, le 8 Novembre, Paul Su vint m'avertir que le Prince

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Jean étoit malade à l'extrémité,
qu'il ne prenoit plus que du ris
clair, & qu'il avoit beaucoup
de peine à fe traîner jufqu'au
tour pour le recevoir. Le troi-
fiéme Regulo que l'Empereur
avoit chargé de tout ce qui con
cernoit ces Illuftres prifonniers,
ne fut pas plûtôt informé du
danger où étoit le Prince, qu'il
ordonna à fes gens d'ouvrir la
prifon, & de porter au malade
tout ce qu'il fouhaitteroit. Le
Princeréponditd'une voixmou
rante, que déformais il n'avoit
plus befoin de rien, & qu'il ne
penfoit plus qu'à fe préparer à
la mort.

Auffi-tôt le Regulo fit appel-
ler Pou ta che, (c'eft le chef de
banniere dont j'ai déja parlé ) &
il lui dit que Sourghien, (c'eft le
nom Tartare du Prince Jean)
étant fur le point de mourir dans

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in temps où l'on célébroit la haiffance de l'Empereur, il n'étoit pas poffible de prendre les ordres de Sa Majefté; qu'il falloit attendre que la fête fût paffée, & que cependant il croïoit qu'on devoit renfermer le corps dans un cercueil, & le dépofer dans un lieu convenable.

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Qu'eft-il befoin d'attendre » l'ordre de l'Empereur, répon » dit brufquement Pou ta che ss croyez-vous que Sourghien » doive être traité plus favora blement que fon frere, dont » les cendres ont été jettées » dans la boue, & foulées aux » pieds? Le Regulo pfus humain » ne fut pas de cet avis.

Le 13 du même mois on vint lui dire que le malade venoit d'expirer: il ordonna qu'on mît fon corps dans un cercueil, & qu'on le tranfportât dans un

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