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8.6.

ne fit quitter à perfonne la vraye Religion. Alors Huneric s'avifa d'ôter les penfions aux Catholiques qui étoient à fa Cour, & de les envoier travailler à la campagne. Ainfi des hommes nez libres & delicats furent conduits dans les plaines d'Utique pour couper les bleds à la plus grande ardeur du foleil. Un d'eux avoit la main feche depuis long-tems; & comme on le forçoit à travailler, nonobftant une excufe fi legitime, il fut gueri par les prieres de tous les autres. Tel fut le commencement de la perfecution d'Huneric. Il étoit cruel même envers les fiens; car pour affurer le roiaume à fes enfans, il fit mourir fes autres parens les plus proches. Il fit brûler un Evêque Arien nommé Jocondus, qu'ils appelloient leur Patriarche, & plufieurs de leurs Prêtres & de leurs Diacres.

Environ deux ans avant la perfecution generale, plufieurs perfonnes eurent des vifions qui furent prifes pour des avertiffemens du Ciel. L'un vit l'Eglife de Faufte, alors la principale de Carthage, ornée à l'ordinaire, tapiffée & éclairée d'un grand nombre de cierges & de lampes; mais comme il s'en réjouiffoit, tout-d'un-coup ces lumieres furent éteintes, & fuivies de tenebres & de puanteur; & une multitude de gens vêtus da blanc, qui étoient dans l'Eglife, en fut chaffée par des Ethiopiens. Celui qui avoit eu cette vifion la raconta à l'Evêque Eugene, en prefence de Victor Evêque de Vite, qui a écrit cette hiftoire. Un autre vit un grand monceau de bled encore mêlé avec fa paille, dont un grand vent d'orage emporta toute la paille, & laiffa le grain: enfuite vint un grand homme d'un vifage & d'un habit éclatant, qui commença à nettoier le grain rejettant tout ce qui étoit maigre & mal nourri, en forte qu'il le reduifit à un petit monceau. L'Evêque Quintien crut être fur une montagne,

d'où

d'où il voioit un troupeau innombrable de brebis, & au milieu deux chaudieres bouillantes, avec des bouchers qui tuoient ces brebis & les jettoient dans ces chaudieres; en forte que tout le troupeau fut confumé. Quelques autres eurent des vifions femblables.

Huneric ordonna d'abord que perfonne ne fer- .7. vît dans fon palais, ou n'exerçât de fonctions publiques, qu'il ne fût Arien : & il y eut un grand nombre qui renoncerent à leurs charges pour conferver la foi. Illes chaffa enfuite de leurs maifons, les dépouilla de tous leurs biens, & les relegua en Sicile & en Sardaigne. Il ordonna auffi que les biens des Evêques catholiques appartiendroient au fifc après leur mort; & qu'on ne pourroit ordonner le fucceffeur, qu'il n'eût paié au fifc cinq cens föls d'or. Mais fes domeftiques lui reprefenterent que l'on traiteroit de même ou plus rigoureusement les Evêques Ariens en Thrace & ailleurs ce qui l'obligea à revoquer cette ordonnance. Il fit enfuite affembler les vierges facrées, les fit vifiter honteufement par des matrônes de fa nation, & les fit tourmenter pour les obliger à dépofer contre les Evêques. On les fufpendoit avec de grands poids aux pieds, on leur appliquoit des lames de fer rouge fur le dos, fur le ventre, le fein, les côtez: les preffant de dire que les Evêques & les Clercs catholiques abufoient d'elles. Plufieurs moururent de ces tourmens, d'autres en demeurerent courbées : mais elles ne donnerent aucun prétexte de calomnier l'Eglife.

III. Confeffeurs exi

lez.

Enfuite Huneric envoia en exil dans le defert des Evêques, des Prêtres, des Diacres & d'autres Catholiques, au nombre de quatre mil neuf cens foixante & feize; entre lefquels il y avoit n. 8. plufieurs gouteux, plufieurs à qui leur grand âge avoit fait perdre la vûë. Felix d'Abbirite Evêque A 3

depuis

,

depuis quarante-quatre ans étoit paralytique; en forte qu'il avoit perdu tout fentiment & même la parole. Les Evêques catholiques ne fachant comment l'emmener firent demander au Roi qu'on le laissât à Carthage où il mourroit bientôt. Le Roi répondit: S'il ne peut fe tenir à cheval, qu'on l'attache avec des cordes à des boeufs indomptez pour le mener où j'ai ordonné. Il fallut le porter fur un mulet lié en travers comme une piece de bois. On assembla tous ces Confeffeurs dans les deux villes de Sicca & de Larée, où les Maures devoient les venir prendre pour les .9 mener dans le defert. On les enferma premierement dans une prifon, où leurs confreres avoient permiffion d'entrer, de prêcher & celebrer les divins Myfteres. Il y avoit avec eux plufieurs jeunes enfans, dont quelques-uns étoient tentez par leurs meres, qui pour les tirer de ce peril vouloient les faire rebaptifer: mais aucun ne se laissa feduire.

#.10.

Les Confeffeurs furent enfuite refferrez dans une prifon plus étroite: on ne permit plus de les vifiter, & les gardes furent châtiez rudement. Les prifonniers étoient entaffez l'un fur l'autre, fans avoir aucune efpace, pour s'écarter en fatisfaifant aux neceffitez naturelles, ce qui produifit bien-tôt une infection & une horreur plus infupportable que tous les tourmens. Leurs confreres, & entre autres Victor l'hiftorien, aiant trouvé moien d'y entrer fecretement, s'enfoncerent dans l'ordure jufqu'aux genoux. Enfin les Maures leur ordonnerent à grand bruit de se preparer à marcher. Ils fortirent donc un dimanche, fales comme ils étoient, non feulement par leurs habits, mais par la tête & le vifage, & toute549. 9. fois ils chantoient: Telle eft la gloire de tous fes Saints. Cyprien Evêque d'Unizibe les confoloit, & leur donna tout ce qu'il avoit, defirant

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d'être

d'être emmené avec eux. Il fouffrit beaucoup dans la fuite, & fut envoié en exil après une rude prifon. Le peuple accouroit de tous côtez pour voir les faints Confeffeurs : les chemins étoient trop étroits, & les fideles couvroient les vallées & les montagnes portant des cierges à leurs mains, & jettant leurs enfans aux pieds des Saints. Ils leur crioient: A qui nous laiffez-vous en courant au martyre, qui baptifera ces enfans? qui nous donnera la penitence & la reconciliation? qui nous enterrera après la mort? qui offrira le divin facrifice avec les ceremonies ordinaires? que ne nous eft-il permis d'aller avec vous?

On remarqua une femme qui portoit un fac & tenoit un enfant par la main, & lui difoit: Cours mon petit maître, vois-tu tous ces Saints, comme ils fe preffent d'aller recevoir la couronne? Ceux qui accompagnoient les Confeffeurs la reprirent de ce qu'elle vouloit aller avec tant d'hommes. Elle leur dit: Priez pour moi & pour cet enfant, qui eft mon petit-fils. Je fuis fille du défunt Evêque de Zurite, j'emmene cet enfant, de peur que l'ennemi ne le trouve feul, & ne l'entraine à la mort. Les Evêques lui répondirent, baignez de larmes : La volonté de Dieu foit faite. Ils marchoient de nuit plus que de jour, à n. 11. caufe de l'ardeur du foleil, & lageoient avec grande incommodité dans des caves qui leur étoient preparées. Pendant la marche quand les vieillards ou les jeunes gens les plus foibles n'en pouvoient plus, on les piquoit avec des lards, ou on leur jettoit des pierres pour les preffer. Enfuite on commanda aux Maures de lier par les ". 12. pieds ceux qui ne pouvoient marcher, & de les trainer comme des bêtes mortes, par des lieux rudes & pierreux, où d'abord leurs habits furent déchirez, & enfuite leurs membres. L'un avoit la tête caffée, l'autre le côté fendu plufieurs A 4

mou

IV. Conferen

née.

n. 13.

moururent, que l'on enterra comme l'on pût le long des grands chemins. Les autres arriverent dans le defert où on les menoit, & on leur donna pour nourriture de l'orge comme à des chevaux; encore leur ôta-t-on ensuite. Ce lieu étoit plein de fcorpions, & d'autres bêtes venimeufes, qui ne firent toutefois mourir aucun de ces ferviteurs de Dieu.

Le jour de l'Afcenfion 483 en prefence de Rece ordon, ginus, Ambaffadeur de l'Empereur Zenon, Huneric envoia à l'Evêque Eugene un édit, pour le faire lire dans l'Eglife; & il l'envoia auffi par des couriers dans toute l'Afrique. Il y parloit ainfi: An. 483. Huneric Roi des Vandales & des Alains, à tous les Evêques Homooufiens. Ils vous a été fouvent défendu de tenir des affemblées dans le partage des Vandales, de peur que vous ne feduifiez les Ames chrétiennes. On a trouvé que plufieurs y ont celebré des Meffes, au mépris de cette défenfe, foûtenant qu'ils confervent l'integrité de la foi chrétienne. C'eft pourquoi ne voulant point fouffrir de fcandale dans les provinces que Dieu nous a données, nous avons ordonné du confentement de nos faints Evêques, que vous veniez tous à Carthage le jour des calendes de Février prochain pour difputer de la foi avec nos Evêques, & prouver par les Ecritures la créance des Homooufiens, que vous foûtenez. Donné le treiziéme des calendes de Juin, la feptiéme année du regne d'Huneric; c'eft-à-dire, le vingtiéme de Mai 483. Les Evêques qui fe trouverent prefens furent étrangement confternez à la lecture de cet édit: il leur parut être le signal de la perfecution, particulierement ces paroles Ne voulant point fouffrir de fcandale dans nos provinces; comme s'il difoit: Nous n'y voulons point fouffrir de Catholique. Après avoir deliberé, ils ne trouverent point d'autre remede, que

3. 14:

de

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