Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de tenter d'amolir ce cœur barbare, en lui faifant presenter une remontrance dreffée par l'Evê- AN. 483. que Eugene.

Elle contenoit en fubftance, que s'agiffant de la caufe commune, il falloit auffi appeller les Evêques d'outre mer. La réponse du Roi fut: Soumettez toute la terre à ma puiffance, & je ferai ce que vous dites. Eugene repliqua : Il ne faut pas demander l'impoffible, j'ai dit que fi le Roi veut connoître nôtre foi, il peut envoier à fes amis, c'est-à-dire, aux Princes catholiques: j'écrirai auffi à mes confreres, afin qu'ils vien nent, pour vous montrer avec nous nôtre foi commune, & principalement l'Eglife romaine, qui eft le chef de toutes les Eglifes. Eugene parloit ainfi, non que l'Afrique manquât de perfonnes capables de refuter les objections de leurs adverfaires, mais pour faire venir des Evêques, qui n'étant point fujets des Vandales leur parlaffent avec plus de liberté, & qui puffent témoi

gner à toute la terre l'oppreffion que fouffroient

les Catholiques. Huneric n'eut point d'égard à n.16.
cette remontrance: mais il chercha divers pre-
textes, pour perfecuter les Evêques qu'il appre-
noit être les plus fçavans. Il envoia une fecon-
de fois en exil l'Evêque Donatien, après lui avoir
fait donner cent cinquante coups de bâton. Il
bannit de même Prefidius de Suffetule. Il fit bat-
tre Manfuetus, Germain, Fufculus, & plufieurs
autres. Cependant il défendit qu'aucun des fiens
ne mangeât avec les Catholiques, qui fe réjoui-
rent de cette défense.

V.

Miracle de

Il y avoit à Carthage un aveugle nommé Felix, très-connu dans la ville. La nuit de l'Epiphanie, faint Eugeil lui fut dit en fonge: Leve-toi, va trouver mon ne. ferviteur l'Evêque Eugene, & lui dis que je t'ai n. 17. envoié à lui. Et à l'heure qu'il benira les fonts

baptifmaux, il touchera tes yeux, & tu recou- AN. 484.

A 5

vreras

vreras la vûë. L'aveugle croiant que c'étoit un AN. 484. fonge ordinaire ne voulut pas fe lever; s'étant r'endormi il reçut le même ordre une feconde fois, & enfin une troifiéme avec de grands reproches. Il éveille le garçon qui luy donnoit la main, il va en diligence à la bafilique de Faufte, & après avoir prié avec beaucoup de larmes, il s'adreffe à un Soûdiacre nommé Peregrin, le priant d'avertir l'Evêque qu'il avoit un fecret à lui dire. L'Evêque dit qu'on le fit entrer. Le peuple chantoit déja par toute l'Eglife les prieres nocturnes. L'aveugle declare à l'Evêque fa vifion, & lui dit Je ne vous quitterai point, que vous ne m'ayez rendu la vûë, comme le Seigneur vous l'a ordonné. Eugene lui dit : Retirez-vous, mon frere; je fuis un pecheur & le dernier des hommes, puifque Dieu m'a refervé à ces malheureux tems. L'aveugle lui tenant les genoux, repetoit la même priere. Eugene voiant sa foi, & preffé par l'heure de l'office, marche avec lui vers les fonts accompagné de fon Clergé. C'étoit la coutume d'Afrique, comme de quelques autres Eglifes, de donner à l'Epiphanie le baptême folemnel, comme à Paques & à la Pentecôte.

L'Evêque Eugene étant arrivé aux fonts, fe mit à genoux, & avec de grands gemiffemens fit la benediction de l'eau, & aiant achevé la priere, il fe leva, & dit à l'aveugle: Je vous ai déja dit, mon frere Felix, que je fuis un homme pecheur; mais je prie le Seigneur, qui a daigné yous vifiter, de vous donner felon vôtre foi, & de vous ouvrir les yeux. En même tems il fit fur fes yeux le figne de la croix, & l'aveugle recouvra la vûë. L'Evêque le retint auprès de lui, jufques à ce que tous fuffent baptifeż, de peur que le peuple ne l'écrasât en s'empreffant pour le voir; enfuite on fit connoître le miracle à toute l'Eglife. Felix accompagna. l'Evêque, mar

chant

chant à l'Autel, & fit fon Offrande en action-degraces. L'Evêque l'aiant reçue la mit fur l'Autel, AN. 484. & le peuple témoigna fa joie par de grands cris. Auffi-tôt on en porta la nouvelle au Roi, qui fit prendre Felix pour fçavoir de lui la verité de la chofe. Il raconta tout comme il s'étoit paffé. Les Evêques des Ariens difoient, qu'Eugene l'avoit fait par malefice : & s'ils avoient pû, ils auroient fait mourir Felix: car il étoit fi connu, qu'on ne pouvoit cacher le miracle.

[ocr errors]

VI:

[ocr errors]

Le premier de Février, jour marqué pour la conference, étant proche, les Evêques vinrent Conferen non feulement de toute l'Afrique, mais des îles ce rompue, fujettes aux Vandales. Ils étoient accablez de douleur. On gardale filence pendant plufieurs jours, jufqu'à ce qu'Huneric eut feparé les plus habiles, pour les faire mourir fur des calomnies. Il fit brûler un des plus fçavans nommé Letus, après l'avoir tenu long-tems en prifon : penfant intimider les autres par fon exemple. Enfin, on vintà la conference, dans le lieu marqué par les Ariens; les Catholiques choifirent dix d'entre eux, qui devoient répondre pour tous: afin d'ôter aux Ariens le pretexte de dire, qu'ils les avoient accablez par leur multitude. Cyrile étoit affis avec les fiens, en un lieu élevé fur un trône magnifique au lieu que les Catholiques étoient debout. Ils dirent: On doit garder l'égalité dans une conference, & il doit y avoir des Commiffaires pour examiner la verité. Qui fera ici cette fonction? Un notaire du Roi répondit: Le Patriarche Cy-rile a dit... Les Catholiques l'interrompirent, & demanderent par quelle autorité Cyrile prenoit ce titre. Alors les Ariens commencerent à faire du bruit, & à calomnier les Catholiques; & parce qu'ils avoient demandé, que s'il n'y avoit point de Commiffaires, du moins les plus fages du peuple fuffent fpectateurs: on ordonna de donA. 6

ner

ner cent coups de bâton à tous les Catholiques AN. 484.qui étoient prefens. Alors l'Evêque Eugene s'écria Que Dieu voie la violence qu'on nous fait, & la perfecution que nous fouffrons. Les Evêques catholiques dirent à Cyrile, Faites vôtre propofition. Il répondit, Je ne fçai pas le latin. Son pretexte étoit que les Vandales, comme les autres barbares parloient la langue Tudesque. Les Evêques catholiques répondirent : Nous fçavons certainement, que vous avez toûjours parlé latin: ainfi vous ne devez pas apporter cette excufe vu principalement que c'eft vous qui avez allumé ce feu. Comme il vit les Evêques catholiques mieux preparez au combat qu'il ne penfoit: il emploia diverses chicanes, voulant abfolument éviter la conference. Les Catholiques l'avoient bien prevû; & avoient écrit une profeffion de foi, qu'ils firent lire publiquement.

Victor lib.

3.

ce,

Elle eft fort ample, & contient d'abord l'explication de l'unité de substance en Dieu avec la Trinité de perfonnes. La neceffité d'emploier le mot grec homoonfios. Enfuite on prouve par l'Ecriture, que le Fils eft de même fubftance que le Pere, qu'ils font égaux, qu'il y a deux natures en JESUS-CHRIST, comment fa generation eft inexplicable, comment le Pere non engendré, & le Fils engendré font de même substancomment la fubftance de Dieu eft indivifible. Que le Saint-Efprit eft confubftantiel au Pere & au Fils, & que fous le feul nom de Dieu les trois Perfonnes font comprises. Les Evêques s'étendent particulierement fur la Divinité du Saint-Efprit, & concluent en ces mots : Telle eft nôtre foi appuiée fur l'autorité des Evangeliftes & des Apôtres, & fondée fur la focieté de toutes les Eglifes catholiques du monde : dans laquelle par la grace de Dieu tout-puiffant, nous efperons perfeverer jufques à la fin de cette vie.

Ce

Ce memoire a été envoié le douziéme des calendes de Mai par Janvier de Zattare & Villatique AN. 484. de Cafes-moyennes, Evêques de Numidie, Boniface de Foratiane & Boniface de Gratiane, Evêques de la province Byzacene. La date répond au vingtiéme d'Avril 484.

A la lecture de cette confeffion de foi, les Ariens s'écrierent, fe plaignant que leurs adver- Id. lib.49 faires priffent le nom de Catholiques; & auffitôt ils rapporterent au Roi, qu'ils avoient fait du bruit, pour éviter la conference. Alors il envoia fecretement par toutes les provinces un decret, qu'il tenoit tout prêt : en vertu duquel, tandis que les Evêques étoient à Carthage, 'il fit fermer en un jour toutes les Eglifes d'Afrique, & donna à fes Evêques tous les biens des Eglifes & des Evêques catholiques: appliquant aux Catholiques les peines portées contre les Heretiques par les loix des Empereurs. Dans cet édit Huneric dit: que les Evêques Homooufiens étant arrivez à Carthage pour la conference; après y avoir demeuré du tems, ont encore obtenu un délai de quelques jours. Quand ils ont dit, ajoûte-t-il, qu'ils étoient prêts au combat, nos Evêques leur ont propofé qu'ils prouvaffent par l'Ecriture l'Homooufion ou du moins qu'ils condamnaffent, ce que plus de mille Evêques affemblez aux Conciles de Rimini & de Seleucie, ont condamné: ils n'en ont voulu rien faire, tournant tout en fedition, par le moien du peuple qu'ils avoient excité; en forte qu'on n'a pû en venir à la difpute. Enfuite il leur donne un délai pour meriter le pardon, jufques au premier de Juin de la même année huitième de fon regne; c'est-à-dire, 484. l'édit eft daté du vingt-cinquiéme Février.

VII.

Après avoir envoié cet édit, Huneric commanda de chaffer hors de Carthage tous les Evê- Evêques ques qui y étoient affemblez, fans leur laiffer ni

che

chaffez.

n.3.

« AnteriorContinuar »