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vous, mon cher comte; tous nos illustres en seroient jaloux. Les lettres de votre neveu ont avec les vôtres un air de famille; il m'écrit de Lille, que mon frère a la plus jolie maîtresse du monde, mais que cette charmante personne a une jambe de bois; ce qui donne lieu à des méprises plaisantes, que votre neveu décrit le plus joliment. Il me semble que je préférerois quelques charmes de moins et une jambe de plus; non pas de bois, s'entend.

Je me suis fait écrire chez la marquise de Villeroy, qu'on ne voit point, je ne sais trop pourquoi. Hier je menai vos enfans au bois de Boulogne ; on y dansoit, ce qui les amusa beaucoup. La marquise de Montmorency est malade; je passai auprès d'elle avant hier une partie de l'après dîner; elle eut un petit cercle de femmes de son âge, qui ne aissèrent point regretter l'absence des hommes. On me fit lire haut une lettre de madame de Bussy, fort

bien écrite; je fus tentée d'en lire une beaucoup plus jolie; je n'osai jamais, je l'aurois pu cependant : à la place je fis voir celle du dragon, qui fit rire tout monde, et madame de Médavy, jusqu'aux larmes. Mais dites-moi donc de m'aller habiller, cher comte; il est huit heures, et j'ai deux visites indispensables à faire avant de me rendre à l'hôtel de Crequi où je dois souper.

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V. LETTRE.

15 Septembre 1674.

J'AI tant d'affaires, mon cher Adolphe, depuis la mort de mon frère, et si peu de lumières sur la situation où il a laissé sa fortune, dont je voulois vous dire au moins quelque chose, que toutes ces raisons m'ont fait différer de répondre à vos deux charmantes lettres. Vous me faites justice, lorsque vous

affirmez que je rendrois avec joie la plus riche succession, pour le rappeler au monde. Je n'avois pas pour lui cette amitié intime qui rend ces espèces de pertes si cruelles et si accablantes; mais il me plaisoit; et si je n'avois pas à m'en louer, je n'eus du moins jamais sujet de m'en plaindre. Il étoit jeune; il avoit de la bravoure, de la gaieté, de l'esprit; l'âge peut-être nous auroit plus particulièrement liés: enfin sa mort m'a touchée véritablement ; je le regrette fort, et les embarras, suites nécessaires de ce malheureux événement, m'importunent et m'attristent. Il nous revient de tous côtés qu'il a prodigieusement dissipé, et qu'il laisse beaucoup de dettes. Jusqu'à présent peu de créanciers se présentent; tout cela s'éclaircira: ce qui est certain, c'est que je ferai tous les sacrifices, sans craindre que l'âge de ma majorité, éloignée de quatre ans, apporte changement à ma façon de sentir et de penser là-dessus;

máis si cela m'arrivoit, je trouverois dans M. de L*** un maître, ou plutôt un conseiller sévère qui me rameneroit bientôt à mes premiers principes. Vous connoissez son élévation, cher Adolphe; nous l'aimons et nous l'estimons tous deux. Tel est l'aseendant du vrai, mérite et de la vertu, qu'il nous nécessite à aimer celui qui met entre nous une infranchissable barrière, et qu'il rend notre cœur inaccessible au desir peutêtre naturel de la voir un jour se briser. Levoilà qui rentre cet ami si religieusement, mais si chèrement respecté ; il faut bien aller audevant de lui, chercher à le distraire de toute la fatigue que mes ennuyeuses affaires lui donnent, et lui parler de vous, cher Adolphe, pour le mettre en gaieté. » Le cheva» lier de Rohan est à la Bastille; on a » sur lui d'horribles soupçons. «

Q

VI LETTRE.

3 Octobre 1674.

UE Vous dites bien!

que vous pen

sez bien! mais surtout que vous sentez bien, cher Adolphe! Mon Dieu que je suis vaine d'avoir un ami comme vous! J'irois trop-loin si je m'abandonnois au sentiment de vous en dire davantage. Croiriez-vous que je me suis fait presque violence pour ne pas faire

voir votre lettre toute entière à M. de L***? Il seroit en vérité digne de cette confiance; il seroit même capable de nous en aimer encore plus.

Je pense que nous sommes certains de l'état de la succession de mon malheureux frère ; il n'a point fait de tes tament; on a simplement trouvé dans son secrétaire un billet 'portant ces mots: » Je prie mon beau-frère et ma

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