Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» sœur, si je suis tué, (car je ne prévois » pas devoir mourir sitôt d'une autre » manière) de veiller à l'acquit de mes >> dettes qui peuvent monter tout au plus >> à 80,000 livres. Ils feront le traitement >> que bon leur semblera à mes domestiques, qui sont tous fort jeunes, et >> qui me pilloient avec émulation; j'excepte mon cocher qui me sert depuis cinq ans avec une exactitude » rare et une probité plus rare encore. » J'espère que le chevalier de Blémur » permettra, en considération de notre » intime amitié, que je tienne pour re>> çus les deux mille écus qu'il me doit, >> dont le billet qu'on trouvera dans mon » porte-feuille, lui sera remis déchiré. » Je prie le même chevalier de Blémur >> d'accepter mon épée, mes deux pis» toléts, mon nécessaire, et mon chien » de chasse favori, appelé Nemrod. » M. de L*** a fait assembler les domestiques de mon frère (il en avoit sept), leur a lu l'article qui les con

cerne, leur a donné deux louis et leur habit à chacun, comme aumône peutêtre mal faite, leur a-t-il dit; et, en leur présence, il a donné un contrat de cent écus de rente au cocher, vingtcinq louis d'argent comptant, et l'a pris à son service, ainsi que le petit postillon, dont le cocher de mon frère lui a rendu bon témoignage, ce qui lui a valu cinquante écus de gratification.

Il faut à présent, mon cher comte, vous mettre au fait de la fortune que laisse ce pauvre marquis. Sa terre de C*** est affermée 19,500 livres ; deux qu'il a en Touraine sont affermées, l'une 11,400 livres, et l'autre 5,200 1. Il a de plus deux fort belles maisons, l'une au fauxbourg Saint-Germain l'autre au Marais; la première louée mille écus, la seconde 2300 livres. Il y a encore pour environ 40,000 livres de contrats, qui avec le mobilier paieront la majeure partie des dettes, lesquelles, sans le courant, montent à

74,000 livres. On a trouvé 8000 livres d'argent comptant chez lui. Vous voyez à quel point le dérangement de ce jeune homme a été exagéré. Telle est la solidité des ouï-dire, auxquels je vous ai l'obligation, cher Adolphe, de ne plus croire un mot. Adieu bien vîte; voilà de belles dames qui m'obligent, à mon grand regret, de vous quitter.

VII. LETTRE.

18 Octobre 1674.

Vous me remerciez, mon cher

comte, d'entrer avec vous dans le détail des choses qui m'intéressen; il semble que je vous fasse grace et faveur: eh mon Dieu! ne vous dois - je donc cette confiance? N'est-ce pas pas

vous parler de vous que vous parler de moi? Que vous entrez sensiblement et honnêtement dans tous mes sentimens

1

pour M. de L***! Notre amitié, trop tendre peut-être, me semble se sanctifier par l'hommage que nous rendons à toutes ses nobles et excellentes qualités : qu'il seroit coupable de tromper un homme si droit et si bon, qui vous aime si véritablement, qui me laisse une si parfaite liberté, qui me donne tant de preuves d'estime! Je ne puis vous rendre tout ce qu'il m'a dit d'honnête et de délicat sur la fortune que la mort cruelle de mon frère me laisse; il me plaint de l'avoir épousé; il blâme la précipitation de mon oncle à m'établir: quand il auroit différé jusqu'à ce moment, dit-il, je n'ai que 21 ans; quelle presse de marier une fille de seize, dont l'unique frère est au service, à un homme de 43, dont les blessures l'ont mis hors d'état de faire la guerre? Je ferois, dans ma position présente, un mariage bien plus avantageux. Que vous manque-t-il donc, lui dis-je, à cela près de la jeunesse dont je fais

peu de cas? N'avez-vous pas une grande naissance, beaucoup de fortune; et, ce que je prise infiniment davantage, cette considération que donnent la vertu, l'esprit et la valeur? Ne me rendez-vous pas heureuse par votre amitié, vos procédés, votre complaisance? Depuis près de six ans que j'ai le bonheur de vivre avec vous, je ne puis vous reprocher qu'un refus. Quel est-il, m'a-t-il demandé vivement? - Vous ne voulez point que mademoiselle votre fille sorte de Sainte-Marie, et je desirerois qu'elle fût dans un couvent qui me laissât maîtresse de l'avoir de tems en tems quelques jours auprès de moi; elle me plaît; elle est disposée à m'aimer; comme votre fille elle m'intéresse. Je crois bien, m'a-t-il dit, qu'elle annonce de l'intelligence; mais son cœur.....Et que pouvez-vous reprocher à son cœur? yous ne le connoissez pas. La pauvre enfant fut mise au couvert deux jours avant la mort de madame de L**

« AnteriorContinuar »