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que je l'aime aussi; car je gage que c'est le père des MM. de R***. Ah! maman, il leur écrit des lettres si tendres! je n'en recevrai jamais comme celles-là.- Pourquoi, mon enfant? je vous en écrirai de semblables, quand Oui, vous

Vous serez au couvent.

maman; mais mon papa............ Nous avons ce soir un grand souper. Ce ne sont pas ceux qui me plaisent; ils valent mieux cependant que les petits soupers mal assortis, tels qu'on en fait chez madame de Pont, et chez quelques autres. La marquise de Montmorency dit qu'il n'y a que madame de Coulanges et moi à qui il appartienne de donner des petits soupers par excellence. Mais elle préfère les miens, par la raison que M. de L n'est pas M. de Coulanges, et que son cuisinier est meilleur que le sien. Elle justifie toujours solidement ses goûts, cette marquise. Bon soir, cher comte.

X V. LETTRE.

2 Mars 1675.

M. DE L*** vous dira lui-même, mon cher Adolphe, combien il approuve la conduite que vous avez tenue. Il pense que de cent personnes qui se seroient trouvées dans la même circonstance, quatre-vingt-dix auroient fait plus ou moins de sottises. Indépendamment de toutes les ressources que fournit un esprit aussi éclairé que le vôtre, vous avez un avantage inappréciable; celui de ne jamais mettre d'humeur dans les affaires. Il revient ici de tous côtés, des biens infinis de vous; jugez comme je les accueille! On vous a hautement applaudi à la cour, et le roi plus hautement qu'aucun autre. Il parla mardi, près d'un quart d'heure, à son coucher, de

votre sagesse, de votre modération, et finit en disant: On pouvoit faire de cette tracasserie quelque chose de sérieux, et cela m'auroit fort déplu.

Ma grossesse me paroît certaine ; cependant j'attendrai quelque tems encore pour en parler à M. de L***. Plaise à Dieu que je lui donne un fils qui soit digne un jour de le représenter!

Je menai ma belle-fille hier à BelleChasse. J'ai donné la préférence à cette maison, comme moins éloignée de moi. Il y a près de quarante pensionnaires: plusieurs ont des femmes de chambre; distinction que je n'approuve point, et que je refuse. Il n'y a point d'abbesse ✦ ce que je voulois éviter, et pour cause ; je sais par expérience tous les inconvéniens de leur petite cour. La première maîtresse des demoiselles de Belle-Chasse me plaît fort: c'est une fille de condition, agée de quarante ans, dont la figure est imposante; elle parle bien; elle a de la politesse, et

me paroît avoir beaucoup de raison. Ma belle - fille a versé des torrens de larmes en nous quittant; et la vie qu'elle a menée avec nous, ne pouvant pas occasionner une douleur si vive, j'en donne tout l'honneur à son attachement pour moi, qui est extrême. Cette séparation qui me touche moimême, se trouve fort adoucie par celle de ma méchante petite fille, qui a suivi sa sœur au couvent, et qui a quitté pere, mère, bonne, camarades, sans le moindre regret.

M. de L*** se charge de vous dire les nouvelles. La marquise de Montmorency a un gros rhume et un peu de fièvre depuis dix jours: je vais la voir autant qu'il m'est possible; et quand je puis, je lui mène l'abbé d'Effiat. Il y a plus de six semaines que je n'ai apperçu madame de Fiesque ; à peine le carême pourra-t-il suffire à la remettre des agitations du carnaval. Pour moi, je n'ai été qu'à deux bals, un de la

ville, un de la cour: il me semble que la femme d'un homme de l'âge et de la considération de M. de L***, doit user discrètement de ces sortes de plaisirs ; ce sont de petits principes de conduite que je me fais, auxquels il ne met pas du sien. Vous savez qu'il est impossible d'être plus maîtresse que je le suis de faire ce qui me plaît, d'aller où je veux; et rien n'enchaîne comme cette plénière liberté, ce me semble. Les maris s'ingénient bien mal d'en user si différemment; d'être inquiets, jaloux, assidus: une tenace assiduité est un véritable espionnage; il faut absolument haïr un personnage aussi désobligeamment importun.

On dit assez de bien du nouveau confesseur du roi (1). Mais voilà madame d'Asserac que je vois descendre de carrosse; madame d'Asserac, amie

(1) Le père de la Chaise, homme de condition, neveu du père Coton, confesseur de Henri IV.

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