Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mière place, est le premier objet de notre attention; enfin il sera bien difficile, s'il nous fait des tracasseries avec la puissance qui nous l'envoie : plaisanterie cessante; il vous aime et vous estime, cher comte, en homme qui se connoît en mérite. Le sien nous plaît fort, et nous regretterions de le retenir, si peu de tems, si nous ne savions qu'il ne nous quitte que pour vous aller retrouver. Je ne vous ai pas fait une réponse plus prompte, parce que vous m'avez mandé que vous alliez faire un petit voyage chez le président de Maliverny, dont vous avez oublié de me donner l'adresse. J'ai partagé vos beaux citrons, comme de votre part, avec la marquise de Montmorency: voilà-t-il une délicatesse? Cette attention lui a fait plaisir. Nous soupâmes hier chez madame de Coulanges, et nous y menâmes votre ambassadeur. Il y tint fort bien sa place. M. de Coulanges n'y étoit pas. Je trouve la marquise de Mont

morency un peu injuste à son égard. Bien des gens me conviennent plus que lui, mais beaucoup plus encore me conviennent moins: s'il vouloit être un peu moins plaisant, faire moins de chansons, ou les faire meilleures, permettre que sa femme parlât plus que lui, je vous assure qu'il me paroîtroit fort aimable. J'ai fait venir hier ma belle-fille dîner avec nous, ce qui l'a transportée de joie; mais la rentrée au couvent le soir a été douloureuse. Je vais la faire venir à présent toutes les semaines. Elle a été assez bien reçue de M. son père; cependant les premières impressions s'effacent lentement. Vous pensez bien que je n'ai pas oublié de prier vos enfans, pour que la fête fût complète. On s'est fait réciproquement beaucoup de politesses, et l'on s'est conté bien des choses; puis l'on s'est donné rendezvous à la semaine prochaine. La pauvre madame de C*** se meurt d'étisie : c'est très-visiblement le chagrin qui l'a con

duite à cette extrémité. Elle ne veut voir, et ne voit que madame de Kerkado, qui lui rend tous les soins d'une tendre et solide amitié. Le commandeur ne s'en inquiète pas davantage que s'il ne l'eût jamais connue. La beauté qui le tient sous son empire, ou qui est sous le sien, ne méritoit assu rément pas ce sacrifice; mais l'eût-elle mérité, pardonne-t-on à un homme de cinquante ans d'être infidèle? Qu'en pensez-vous, cher Adolphe?

XVIII. LETTRE.

16 Mai 1675.

M. DE TURENNE est parti du onze; vous le devez savoir, mon cher Adolphe. Il desiroit très-sincérement sa retraite: il a fait de vives instances pour l'obtenir; mais le roi n'a pu se résoudre à laisser reposer encore ce général aussi heureux que grand. Nous lui donnâmes

à dîner peu de jours avant son départ: il fut d'une tristesse que tout le monde remarqua, et qui m'est de mauvais augure. Madame de C *** est morte depuis trois jours; elle fait le comte de M*** son légataire universel, donne ses diamans à madame la comtesse de Kerkado, et laisse un tableau d'un assez grand prix à son infidèle. Elle a fait son testament les derniers jours de sa vie. Je la trouve bien bonne d'avoir conservé le moindre sentiment pour un homme qui le méritoit si peu. Sạ fortune passoit vingt mille livres de

rentes.

On a prêté à M. de L un fort gros recueil manuscrit de lettres de Guy Patin; je le parcours avec assez de plaisir: il y a des choses ennuyeuses; mais on y en trouve de fort bonnes, écrites avec franchise et liberté. Il étoit l'ennemi juré du cardinal, des jésuites, de l'antimoine et des apothicaires, et se montre très-favorable aux frondeurs.

Il faut nous résoudre, dit-il, à éprouver

ce que dit l'écriture sainte Malheur : à la terre qui est gouvernée par une femme! malheur encore plus grand å celle qui se laisse gouverner par un étranger! Il dit, en parlant des moines: Qu'ils vivent de l'adresse de nous promettre, par leurs prières telles quelles, le paradis qu'ils n'ont point, pour l'argent que nous avons. Grand partisan de la saignée, il en fit faire huit du bras, de neuf onces chaque, à son beau-père âgé de quatre-vingts ans, malade d'une inflammation de poitrine, et le tira d'affaire. Le médecin me paroît, en cette occasion, avoir été aussi hardi que le vieillard étoit robuste.

Nous partons demain pour Atis, jusqu'au dix du mois prochain : nous y aurons mesdames de Gouville, de Roquépine, le chevalier de Pont, le comte d'Ossemont, l'abbé de Fieubet. Tout cela est excellent; mais nous n'aurons ni madame de Montmorency, ni l'abbé d'Effiat.

« AnteriorContinuar »