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III. LETTRE.

10 Juillet 1674.

Je vous approuve et je vous remer

cie, mon cher Adolphe, d'avoir enfin donné un grand souper : vous êtes obligé à une représentation qui n'est pas trop dans votre goût, mais dont vous tirerez l'avantage d'une distraction qui yous est nécessaire. D'ailleurs on auroit trouvé mauvais, avec quelque raison, que vous différassiez plus longtems de voir et de recevoir du monde. Vous serez loué de ne pas souffrir qu'on joue dans votre maison aucun jeu de hasard, et d'établir que celui de commerce soit médiocre. Je ne suis point en peine sur votre conduite dans aucun genre; vous voyez et vous pensez parfaitement.

On fait ici de grands projets de fêtes

dont je me contenterai d'entendre les relations; c'est bien assez de donner de grands dîners et de grands soupers chez soi; cette manière de voir beaucoup de monde est encore la plus commode. La marquise de Montmorency qui soupoit hier ici, me parla de vous avec beaucoup d'intérêt; plus je la vois, et plus je m'accommode d'elle; sa société m'est infiniment plus agréable que celle de toutes les autres femmes de mon âge malheureusement pour moi, madame de Nemours prend une moitié de sa vie. A propos de jeunes femmes, madame de Scudery disoit chez moi l'autre jour, en s'adressant à madame de Médavy : Mon Dieu, madame, que tout ce qui nous suit est sot! puis, me voyant sourire: Madame, me dit-elle, cela ne vous regarde en aucune manière ; vous êtes de la troisième génération qui, si l'on en juge, par vous, ne ressemble surement pas à la seconde. Je pris la répa

A y

ration pour ce qu'elle valoit; je n'en desirois ni pour ma génération, ni pour la précédente, étant absolument de l'avis de madame de Scudery. Nous avons souvent fait cette remarque, vous et moi, cher comte, que l'agrément et l'esprit s'étoient arrêtés chez les gens de cinquante ans. Il est vrai qu'équitablement nous nous exceptions l'un et l'autre. Je ne vous parle point des mariages ni des autres nouvelles. M. de Benserade est un gazetier qui ne vous laisse pas desirer de supplément; d'ailleurs vous savez qu'à l'exception de ce qui regarde mes amis, je mets aux petites nouvelles de société beaucoup d'indifférence; et que pour celles de la guerre, je ne suis pas digne d'en parler. Ma belle-fille a une coqueluche violente; je voudrois l'avoir auprès de moi: M. son père est là-dessus inexorable; il a pour elle une indifférence qui me peine, et que je ne conçois pas ma fille est l'objet de toute sa

tendresse ; il lui trouve des perfections dont je n'apperçois pas même les pronostics, à moins que la méchanceté n'en soit un. Je hais les préventions, et je me tiens en garde contre elles. Vous avez fortifié dans mon esprit cette aversion naturelle, et j'aime à me retracer tout ce que je dois, mon cher comte, à notre intime liaison.

ON

IV. LETTRE.

10 Août 1674.

N ne peut rien ajouter, mon cher Adolphe, à la relation que vous fait M. de L*** de la sanglante journée de Senef. Ce vous est une nouvelle occasion d'admirer la valeur et les autres qualités de M. le Prince, votre héros. Augmentez la liste des blessés, du marquis de Villeroy, qui l'a été légèrement au pied ; ce qui peut s'ap

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peler une bonne fortune dans l'étendue du mot. Je suis fort aise que vous commenciez à vous accoutumer aux visages de M* et sur-tout que vous ayiez trouvé deux ou trois personnes avec qui l'on puisse causer un peu agréablement. Je compte et j'espère que vous en rencontrerez quelques autres encore, tout difficile que vous êtes. Je voudrois que vous ne songeassiez à moi qu'avec sensibilité et sans amertume. Croyez que je ne vous dis pas la centième partie de ce que votre absence me fait souffrir; mais je baisse la tête sous l'impérieuse loi de la nécessité; et lorsque je me sens trop accablée de l'étendue de ma perte, je me reproche de me trop occuper de mes intérêts, et je redeviens généreuse à vous les sacrifier. Ce que vous me mandez de la marquise de Parade est bien plaisant. Si je ne connoissois votre sévère exactitude, je penserois que vous avez embelli la scène. Personne n'écrit comme

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