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mais j'ai dû respecter les engagemens que j'avois pris.

Ces Lettres plairont moins, ce me semble, aux personnes d'esprit qu'aux personnes sensibles : elles n'ont ni la légèreté, ni la variété, ni les tours de celles de madame de Sévigné; mais il est facile de s'appercevoir que madame de Sévigné écrivoit pour la postérité, et que madame de L***, au contraire, ne mettoit aucune prétention dans ses Lettres, et n'imaginoit sûrement point qu'elles dûssent être conservées. Le style en est simple et naturel ; je ne le crois cependant ni sans agrément, ni sans grâce, et plusieurs personnes de goût en ont la même opinion: d'ailleurs il est aisé de sentir que madame

de L***, pleine d'une passion dont elle étoit sans cesse occupée

de se défendre, n'a pu donner à son style cette liberté, cette gaieté, ce mouvement dont peut-être elle eût été capable, si son cœur et son esprit eussent été plus calmes. Il est inutile de porter les réflexions plus loin; c'est au public à juger si ces Lettres sont, ou ne sont pas dignes de lui. Elles ont été copiées avec une fidélité scrupuleuse, et l'on ne s'est pas même permis d'en faire disparoître les incorrections.

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J'avertis que le nom du couvent de mademoiselle de L*** étant par-tout effacé, je me suis cru permis de hasarder le nom de Belle-Chasse, pour éviter le petit désagrément de ne pas pouvoir

fixer son idée sur un nom quelconque; désagrément que je n'ai pu sauver, par rapport à madame de L*** et au comte de R***.

Bougnet

LETTRES

LETTRES

DE MADAME

LA COMTESSE DE L

A MONSIEUR

LE COMTE DE R***.

LETTRE IT.

4 Juin 1674.

JE le sais, je le sens, mon cher Adolphe, le regret de vous éloigner de moi, absorbe tous ceux que vous y pourriez joindre: eh! quel éloignement encore? quelle absence, dont on

A

ne peut ni prévoir, ni calculer le terme? J'en suis accablée, malgré tout ce courage que vous me reprochez souvent. Est-il une perte qui puisse m'affliger autant que la vôtre ? en est-il une qui entraîne autant de privations? Mon cœur et mon esprit se trouvent également malheureux : vous faisiez le bonheur de l'un, et le charme de l'autre. Je ne fais pas une réflexion, pas une comparaison qui n'ajoute à ma douleur; mais enfin votre fortune, les intérêts de vos enfans, de votre maison, de votre réputation, tout exigeoit ce sacrifice. J'ai dû vous aider à céder à de si grandes considérations, je l'ai fait, et je ne m'en repens pas. Nos sentimens réciproques ne perdront rien de leur vivacité, de leur solidité, de leur tendresse à cette absence, quelque durée qu'elle puisse avoir; ils en accroîtront au contraire: car, s'il est dans le cœur humain de desirer même un bonheur souvent inconnu, avec quelle ardeur

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