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2. C..12.

L. 4. c. 15.

3.6.49.

teur, dans l'endroit que vous venez de lire, eft de cette derniere efpece.. Ne pourroit-on pas compter, dit Eugene, entre les négligences vicieuses, une conftruction qui eft fort familiere au Traducteur ? En voici des exemples.

Notre mérite ne confifte pas dans les joies & les goûts fpirituels..

Remettant à Dieu le temps & la ma-niere en laquelle il lui plaira de vous vi→ Liter..

Qui peut feul lui donner un fecours & une confolation parfaite.

Toute la hauteffe & l'éclat du monde, étant comparé à votre éternelle gloire n'eft que folie & que vanité.

A ce que je vois, dit Arifte, le Traducteur a bien en tête la hauteffe; & it. ne tiendra pas à lui que toutes les Grandeurs de l'Univers ne partagent. avec le Grand Turc un titre qui luicft propre, & que perfonne ne lui a: encore difputé. Si le Traducteur en eft cru,on dira bien-tôt la hauteffe des. Rois, la hauteffe des Papes, la hautesse des Anges, la hauteffe de Dieu, comme il dit la hauteffe du monde, & là bauteffe des Saints Peres..

genre

Mais, pour vous dire mon fenti ment fur ce que vous me demandez, quand deux fubftantifs de différent se rencontrent, comme joies & goûts, temps & maniere, fecours & confolation, hauteffe & éclat, ce n'est pas abfolument une faute de faire rapporter l'adjectif au dernier fubftantif, & de dire, les joies & les goûts fpirituels; le temps & la maniere en laquelle, un fecours & une confolation parfaite; la hauteffe & l'eclat du monde étant comparé. Quoique ces conftructions foient irrégulieres à l'égard du premier fubftantif, & que Spirituels, en laquelle, parfaite, comparé, ne s'accordent pas avec joies, temps, fecours, hauteffe, on ne laiffe pas de parler & d'écrire ainfi communément, comme a remarqué Vaugelas. A la vérité, ceux qui fe piquent d'une grande jufteffe doivent éviter cela comme un écueil, felon l'avis de Malherbe, & de Vaugelas même ;: & je m'étonne que le Traducteur de Imitation, au lieu d'éviter cet écueil, y donne à toute heure, & de tout fon

cœur.

Ce qui m'étonne le plús, dit Eu-

B. 3. c. 14.

L. 4. c. 10.

Z..3. c. 8.

gene, c'eft qu'il donne quelquefois dans le galimatias. Ecoutez les endroits fuivans..

A la vue de l'abîme de vos jugemens, dans lefquels je ne trouve en moi autre chofe que le péché & le néant.

Le remede à ce mal eft de n'avoir aucun égard à ces phantômes qu'il nous préfente; mais d'en rejetter au contraire contre lui-même toute l'abomination & toute l'horreur..

Les moindres étincelles de cette efti me présomptueuse de moi-même feront comme éteintes & étouffées dans cet abime de mon néant, fans qu'elles en puis-fent reffortir jamais.

Vraiment, dit Arifte, fi ce n'estlà du galimatias, c'eft quelque chofe qui en approche. Vos jugemens dans téfquels je ne trouve en moi : En rejettant contre lui-même toute l'abomination & toute l'horreur : Les étincelles de l'eftime de moi-même éteintes & étouffées dans l'abîme de mon néant, fans qu'elles en puiffent ressortir jamais. Ce font des façons de parler fi particulieres & fi myftérieufes, que j'ai bien de la peine à les comprendre. Après tout, fi le Traducteur eft obfcur &

guindé en quelques endroits, ce n'eft: pas la faute de l'Auteur, qui eft partout clair & fimple, comme vous favez. Mais peut-être que ce qui vous refte à lire eft plus net & plus aifé à

entendre..

Il s'eft fait

trois Editions depuis celle

Nous ne finirions jamais, dit Eugene, fi je vous lifois tous les endroits que j'ai marqués. Il n'y a pas un chapitre fur lequel je n'aie plufieurs doutes. Cependant, ajouta-il, l'Imitation de Jefus-Chrift eft le plus petit: Livre de ces Meffieurs ; & de tous leurs Livres, c'eft celui qui a eu le plus de cours : on en a fait jufqu'à treize éditions, & mon Imitation eft de la derniere, comme vous voyez.. Je conclus de tout cela, dit Arifte, la que les plus grands Maîtres font capables de fe méprendre quelquefois; & que les dernieres éditions ne font pas toujours correctes, quoiqu'elles foient revues & corrigées. Je penfe pour moi, reprit Eugene,, fil'on voit peu de livres François où l'on ne puiffe trouver quelque chofe à dire, il faut s'en prendre à la délicateffe du fiecle, & à la perfection de la langue, plutôt qu'aux

que

qua

Auteurs des Livres. Car enfin on veut aujourd'hui dans le langage des lités, qu'il eft affez difficile de lier en-femble: une grande facilité, & une: grande exactitude; des paroles harmonieufes, mais pleines de fens; de la brieveté, & de la clarté; une expreffion très- fimple, & en même temps très-noble; une extrême pureté, une naïveté admirable, & avec cela je ne fai quoi de fin & de piquant. Il n'appartient pas à toutes fortes de gens de parvenir jufques-là. On a beau lire les bons Livres, & voir le grand monde; on ne fait rien, fi la nature ne s'en mêle. Pour bien profiter de la lecture & de la converfation, il faut avoir du naturel pour la langue, beaucoup d'efprit, beaucoup de jugement, & même beaucoup d'honnêteté: je prends ce mot dans un fens qu'on lui a donné depuis peu ; & j'entends par honnêteté une certaine polite ffe naturelle,. qui fait que les honnêtes gens ne gardent pas moins de bien-féances dans ce qu'ils difent, que dans ce qu'ils font. Ceux qui ont ces avantages. n'ont pas befoin, comme les autres.

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