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leur

propre poids au lieu d'où elles font forties.

Un Mathématicien de notre temps penfe que le flux & reflux vient du balancement que le globe de la terre a fur fon axe : comme fi la terre s'inclinant deux fois le jour du midi au feptentrion, & puis fe relevant du feptentrion au midi, faifoit aller & revenir les eaux, felon la diverfité de ces mou

vemens.

Ceux qui n'y entendent point de fineffe décident la chofe par une voie plus courte & plus aifée : ils difent fans tant de façon, que la mer a d'elle-même cette agitation périodique; ou qu'un Ange n'a point d'autre affaire que de balancer ainfi fes flots.

Les plus fins ont recours aux aftres. Les uns veulent que le Soleil dilate les eaux par fa chaleur; que les eaux étant dilatées, & demandant un plus grand espace, elles fe répandent fur le rivage, & qu'après elles reviennent dans leur lig

Ses changemens me font changer.

par l'inclination naturelle qu'elles ont à fe refferrer.

Les autres rapportent tout à la Lune, comme à l'aftre qui domine fur les corps humides, & qui a une telle fympathie avec la mer, que F'une change régulierement comme l'autre ce qui a donné lieu à une devife, laquelle a pour corps une mer fous une Lune, & pour ame ces paroles,

:

con fus mudanças me mudo. Ces Philofophes, qui s'attachent à la Lune, expliquent leur opinion en diverfes manieres. Il y en a qui donnent aux influences de cet aftre une vertu à peu près femblable à celle de l'aimant : ils difent que la Lune attire les eaux à foi par une vertu fecrette, & qu'elle en forme une boffe, qui, venant à s'ouvrir, se répand de part & d'autre fur les bords, d'où ces eaux fe retirent enfuite pour le rétablir en leur état naturel.

Quelques-uns foutiennent que la Lune, paffant far la mer, preffe

l'air entre fon globe & cet élément : que l'air preffe enfonce l'eau & la fait renfler des deux côtés; ce qui fait le flux: que l'eau fe défenfle, & fe remet peu à peu en fa premiere fituation, à mesure que la Lune paffe; ce qui fait le reflux.

Mais de tous les Philofophes les plus plaifans à mon gré, fur ce fujet, font ceux qui tiennent que ce mouvement eft une fievre, laquelle a fes accès, fes redoublemens & fes symptomes. Ils font de grands raifonnemens pour établir leur doctrine; & ils difent entre autres chofes, que comme la fievre fe forme par l'amas de quelques humeurs, dont il fe fait une efpece de levain, qui aidé d'un agent extérieur, ce font leurs termes, s'échauffe peu à peu, fe pourrit, s'enfle, & corrompt toute la maffe du fang; ainfi le mouvement dont nous parlons s'excite par le moyen des vapeurs que la Lune tire du fond de la mer, lefquelles étant élevées fe cuifent, fe pourriffent, & fe

fermentent par l'impreffion de cet aftre, jufqu'à ce qu'il s'en faffe un levain, qui altere & qui gonfle toute la mer.

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Au refte ils trouvent des convenances admirables entre cette fievre & les nôtres. Ils penfent expliquer fort bien, fuivant leurs principes, d'où vient le friffonnement & le tremblement des flots; pourquoi l'eau croît & décroît peu à peu, & à des heures réglées. Ils difent que la mer fe purge de temps en temps, comme les malades ont coutume de faire; & que tous fes excrémens ne font pas de la nature de l'ambre gris: car ils ajoutent que près de Meffine elle fe décharge réglément de certaines matieres fort puantes, & qu'à Venise elle laiffe après fon reflux une trèsmauvaise odeur. Ils difent même qu'elle n'eft pas exempte des fueurs de la fievre, & que les écumes salées, qu'elle jette durant les grandes tempêtes & fes grands flux, font les fueurs de fes grands accès.

A ce que je vois, dit Arifte en riant > ces purgations & ces fueurs lui font affez inutiles: car enfin elle est toujours agitée de fa fievre, & il ne s'en faut rien que je ne la compare à ces fiers animaux que la fievre ne quitte jamais, & dont elle imite fi bien les mugiffemens quand elle eft irritée. Pourquoi ne le feriez-vous pas, répondit Eugene ? Les Pythagoriciens, les Platoniciens, & les Stoïciens qui étoient pour le moins auffi raifonnables & auffi fages que Vous ont bien cru que la mer étoit un grand animal, qui faifoit le flux en pouffant fon haleine, & le reflux en la retirant. Il n'y a rien de mieux imaginé, dit Arifte; & c'est dommage › ajouta -t-il, que quelqu'un de ces Philofophes n'ait vécu jufqu'au fiecle paffé: il n'auroit pas eu de peine à rendre raifon pourquoi l'an 1550. le flux & le reflux ceffa un jour entier aux côtes de Flandres, & parut trois fois en neuf heures à l'embou

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