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flux, fi j'ofe parler de la forte, font encore plus étranges que celles de la lune; & je ne vois pas que cet aftre,tout changeant qu'il eft, puiffe être la caufe de tant de diverses agitations. En voici d'autres qui ne font pas moins irrégulieres, ni moins furprenantes.

Én de certains ports très-éloignés les uns des autres, & fitués fous des climats différens, le flux de chaque jour est le même ; & dans quelques ports voifins il eft inégal. Ainfi, par exemple l'eau eft encore haute à Amfterdam, quand elle baiffe aux côtes de Frife.

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En quelques lieux la mer s'enfle jufques à la hauteur de quatre-vingts coudées, comme on voit aux ports de Bretagne en d'autres endroits elle s'éleve à peine d'un pied, ou d'un demi pied, comme à Marseille, à Ancone, & aux Ifles de l'Amérique.

pas

Le flux & le reflux ne fe fair peu à peu par tout: il y a des côtes où la mer vient avec tant de pré

cipitation & tant de violence, qu'elle couvre en un inftant tout le rivage; & d'où elle fe retire si vîte qu'elle femble difparoître tout d'un coup. Il y en a auffi où le reflux fe fait avec beaucoup de vîteffe, quoique le flux s'y falle très-lente

ment.

En quelques rivages les eaux s'étendent fur la terre plus qu'en d'autres. Dans la plupart des côtes de Flandres, la mer fe répand jufques à neuf mille pas : en Angleterre elle fait remonter la Tamife jufques à cinquante mille pas. A Cambaya elle occupe environ trente lieues: elle n'en occupe que deux proche la ville de Panama. Dans l'Amérique elle repouffe la riviere des Amazones. jufqu'à cent lieues; elle repoufle encore plus loin le fleuve de Saint Laurent dans le Canada; quoique ces deux rivieres foient plus larges dans leur embouchure, que n'eft la mer Méditerranée en quelques endroits.

Tout cela eft fort bizarre, comme

vous voyez ; &, pour bien démêler un mouvement hi régulier & fi icrégulier tout ensemble, il faudroit trouver une caufe qui en expliquât tous les accidens & toute l'hiftoire. C'eft ce que les Philofophes n'ont point encore fait, & ce qu'ils ne feront jamais.

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Après tout, je leur pardonne dit Arifte, de n'être pas plus éclairés dans une matiere auffi obfcure que celle-là. Et moi, reprit Eugene, je ne leur pardonne pas, de vouloir connoître ce que Dieu veut qu'ils ignorent. Il y a des myfteres dans la nature. comme dans la grace, incomprehenfibles à l'efprit humain la fageffe ne confifte à en avoir l'intelligence, mais à fçavoir que les plus intelligens ne font pas capables de les comprendre. Ainfi le meilleur parti pour nous eft de confeffer notre ignorance, & d'adorer humblement la fageffe de Dieu, qui a voulu que ce fecret fût caché aux hommes.

pas

:

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mirabilis in

nus.

Pj. 92.

Vous le prenez bien, répondit Arifte, & affurément nous ne fçaurions mieux faire vous & moi, que Mirabiles ela d'entrer dans les pensées d'un grand tiones maris, Prophete, en nous écriant avec lui, altis Domi. à la vue de cet élément : Les élévations de la mer font admirables. Le Seigneur eft admirable dans les eaux. On peut fans doute y admirer Dieu comme dans fa parfaite image, dit Eugene: car enfin la mer repréfente non feulement fa grandeur, fon immenfité, les abîmes de fa providence & de fa fageffe; mais encore fa miféricorde & fa juftice, la pureté & la plénitude de fon être. C'est ce qu'un de mes amis a exprimé affez heureufement en ces

vers:

Son calme nous fait voir un Dieu plein de douceur ;

Sa colere, d'un Dieu le courroux formidable;

Et fon affreuse profondeur,

Des deffeins éternels l'abîme impénétrable.

Comme Dieu, dans fon fein, parmi fes flots d'azur

Elle ne fouffre rien d'impur:

Immenfe comme lui, toujours pleine & féconde,

Elle donne toujours, fans jamais s'épuifer;

Et, fans jamais fe divifer,

Elle répand par tout les trésors de fon onde.

Mais ne remarquez-vous pas, pourfuivit Arifte, que la mer à plufieurs faces; &, que fi d'un côté elle est l'image de Dieu, de l'autre elle eft l'image du monde, & de la vanité des chofes humaines. Ces calmes & ces tempêtes qui fe fuccedent à toute heure ; ces flots qui fe pouffent & qui fe choquent fans ceffe; ces vents favorables, & ces vents contraires ; ces navigations heureuses, & ces naufrages qui fe font fouvent jufques dans le port tout cela n'eft-il pas une fidele peinture de ce qui fe paffe dans la vie? Y a-t-il une mer plus inconftante que la cour des Princes ?

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