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l'Aigle de Gratiani ne roulent que fur l'oppofition, comme vous voyez; & pour le Diable en feu, il ne fonde pas la reffemblance dont il s'agit. La penfée du Comte Espagnol n'eft pas précisément de fe comparer avec le Démon; il ne dit pas, je fouffre beaucoup, &je ne me repens point: mais il dit je fouffre davantage, & je me repens moins. A la vérité ce fens-là eft plus délicat que l'autre, pour exprimer une paffion exceffive cependant, quelque délicat qu'il foit, il ne convient pas à la devife. Ce fymbole eft, fi vous voulez, quelque chofe de plus beau qu'une devife; mais enfin ce n'en eft point une.

Ne pourroit-on pas, dit Eugene, trouver de la comparaifon dans ce fymbole, en ditant du Diable mas penado, y menos arrepentido ; & en expliquant la penfée du Comte de cette forte, Plus le Démon fouffre, moins il fe repent; ainfi, plus je fouffre en aimant moins je me repens d'aimer ?

Vraiment, dit Arifte, vous le prenez bien ; & je ne doute prefque pas que votre explication ne soit la meilleure.

Au refte la métaphore dont je parle, ajouta-t-il, eft une métaphore en figure, &, comme l'appelle un bel efprit de delà les monts, Una metaphora in fatto. Emanuele C'est une métaphore peinte & visible

Tefauro.

qui frappe les yeux ; au lieu que celles des Orateurs & des Poëtes frappent feulement l'oreille. Si bien que les devises peuvent être comprises parmi ces métaphores qu'Ariftote nomme Ai d'inves des peintures & des images. CepenKhet. lib. 3. dant ces figures métaphoriques font accompagnées de quelques paroles;

μεταφοραί.

C. 1.11.

& en cela elles font femblables aux métaphores communes. Car enfin, quoi qu'en difent quelques Auteurs Italiens, la devife eft un compofé de figures & de paroles.

L'Aigle qui étoit représentée dans les drapeaux des Légions Romaines; le Sphinx qui étoit gravé fur le cachet d'Augufte, n'étoient rien moins que des devifes: non plus que ces paroles de Céfar Borgia,

Aut Cafar, aut nihil :

Etre Céfar, non plus que celles de Jean de Meou n'êtrerien. dicis,

Et que ne

peut l'A

mour.

E che non puote Amore?
La figure feule ne fait qu'un fymbole

J

:

hieroglyphique & les paroles feules.
ne font qu'un dicton, ou tout au plus
qu'u
'une fentence. Il faut une figure &.
des paroles pour faire une vraie De-
vife. Un Italien a dit affez plaifam- Scipione
ment qu'un mot fans figure eft un fan- Ammirato.
tôme plutôt qu'une devife; ou bien
que c'eft un de ces efprits follets, dont
on entend les paroles, & dont on ne
voit point le corps. Una fantafima più-
tefto che imprefa; ò pur un di questi spiriti
folletti, che n'udiamo le parole, ma non
ne vediamo i corpi.

On a donné à la figure le nom de
Corps, & aux paroles celui d'Ame;
parceque, comme le corps & l'amet
joints enfemble font un compofé na-
turel, certaines figures & certaines
paroles étant unies font une Devise.
Je dis certaines figures & certaines pa-
roles: car toutes fortes de figures &
toutes fortes de paroles n'y. font pas
propres ; & il faut obferver exacte-
ment quelles font les conditions des
unes & des autres. Voici celles qui re-
gardent les Figures, où les Corps.

Les Figures qui entrent dans la compofition de la Devise ne doivent avoir rien de monftrueux ni d'irrégulier;rien

Je les tiens

qui foit contre la nature des chofes, ou contre l'opinion commune des hommes: comme feroient des ailes attachées à un animal qui n'en a point; un aftre détaché du Ciel. Selon cette regle, ce ne font pas des devifes, que la tortue à laquelle un Prince de Salerne donna des ailes avec ce mot,

Amor addidit :

de l'Amour. ni celle que Cofme de Medicis couvrit d'une voile de navire enflée par le vent, avec ces paroles,

Hâte toi lentement.

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Vous n'irez pas plus loin.

De peur qu'il ne rem

monde.

Feftina lentè.

On peut mettre dans le même rang l'Aigle de l'Empire enchaînée aux Colonnes d'Hercule,

Non ultra metas, pour marquer la retraite de Charles V. de devant Mets : & le Croiffant avec une colonne entre fes deux pointes, qu'elle empêche de fe joindre,

Ne totum impleat orbem, pliffe & fon pour exprimer que Marc-Antoine Cocercle & le lonne empêcha les Turcs, par l'avantage qu'il eut fur eux à la bataille de Lepante, d'étendre par tout leurs conquêtes.

Il ne faut pas auffi unir ensemble des figures qui ne fe rencontrent point

d'ordinaire, & qui n'ont nulle liaison d'elles-mêmes, comme feroient trois oifeaux enfilés en l'air d'une même flêche, tels que font les trois Alerions de Godefroi de Bouillon, auxquels il ajouta ces paroles,

Soit par un

coup du ha

Dederitne viam cafufve, Deufve. Je juge par-là, dit Eugene, que ce zart, ou du n'eft pas une devife réguliere qu'une Cic. fleur de Souci expofée à un miroir ardent qui reçoit les rayons du foleil, & qui les réfléchit fur elle, avec ce mot,

Je meurs

regarde.

Muero porque te mira : que ce n'en eft pas une que celle qui parcequ'il te fut prife par M. le Chevalier d'Harcourt au Carouzel des Thuilleries. C'étoit une Croix.de Lorraine dans un Soleil qui jette des rayons fur une Croix de Chevalier, & des foudres fur des Croiffans, avec ces paroles,

D'un côté

& de l'autre

Hinc lumen, hinc fulmina. Vous en jugez bien, repartit Arif la lumiere, te: & la raifon eft que la devife étant les foudres. effentiellement une métaphore & un fymbole naturel, elle doit être fondée fur quelque chofe de réel & de certain, & non pas fur le hazard ou fur Fimagination; joint que s'il étoit permis de faire de ces unions bizarres &

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