Nolite cre Y en a-t-il même une plus périlleufe? De quelque côté qu'on fe tourne, ce ne font qu'écueils d'autant plus dangereux, qu'ils font couverts. Le vent le plus favorable eft quelquefois le plus contraire; & fi nous en croyons un faint Pere, qui regardoit le monde comme nous, dans le rapport qu'il a avec la mer, il en faut tout craindre jufqu'à la bonace. Ne vous y fiez effe fecuri. point, dit-il, ne fayez point en affurance. Quoique cette mer foit plus tranFufum æquor quille & plus unie que l'eau d'un étang; cet vix fum- quoiqu'il n'y fouffle qu'un doux zephir ma jacentis il y a des montagnes cachées sous une terga fpiritu furface fi égale. L'ennemi, le péril eft au dedans; ce grand calme eft une tempête. Et de là vient auffi, pourfuivit tes habet. In- Arifte, que ceux qui fe fient à ces belles apparences font toujours trompés. Licèt in mo dum ftagni arridcat; li elementi crifpentur : magnos hic campus mon tùs inclufum eft periculum, intùs eft hoftis. Tranquillitas ifta tempeftas eft. S. Hier. Ep. ad Heliodor, Mifero nochiero, Dentro aquell' onda, Paifque le monde eft une mer, dit Eugene, je ne m'étonne pas que tous les plaifirs qu'on y goûte foient détrempés d'amertume, & que les biens qu'on y poffede foient de la nature de ces eaux falées, qui allument la foif au lieu de l'éteindre. Ce qui m'étonne, dit Arifte, c'eft que la plupart des hommes trouvent de la douceur dans cette amertume, & qu'ils boivent l'eau de la mer comme du lait, pout ufer d'un mot de l'Ecriture fainte. Mais, puifque nous voilà fur la morale, continuat-il, quel moyen de voir qu'un peu de fable dompte toute la fureur de la mer, fans nous faire des reproches à nous-mêmes du déreglement de nos paffions, que rien ne peut vaincre. Il est vrai, reprit Eugene, que cette obéiffance de la mer a quelque chofe d'étonnant : car on di Inundationé maris quafi Deuter. 33.. lac fugent.. roit que quand elle eft courroucée elle va inonder toute la terre : cependant elle s'arrête tout court à fon rivage, & ces montagnes d'eau, qui menacent le monde d'un fecond déluge, fe brifent à un grain de S. Bafil. Se fable. Un Pere Grec a dit, ce me len, orar. 1. femble, que quelque furieufe que foit la mer, en approchant de fes bords, elle y voit écrit un ordre de Dieu qui lui défend de paffer outre ; & qu'alors elle fe retire par respect en courbant les flots, comme pour adorer le Seigneur, qui lui a marqué des bornes, Vfque huc venies , non proce Cet ordre de Dieu, dit Arifte, est conçu en des termes bien précis dans les faintes Ecritures: Vous & viendrez jufqu'ici, & vous n'irez pas des ampliùs. plus avant. Oui, reprit Eugene; & Job. 6. 38.11. ces paroles font fi bien marquées fur le rivage, que rien ne les fçauroit effacer ce que Dieu écrit fur pouffiere eft immuable; ce que la peu à peu les arcs de triomphe, les obélifques & les maufolées, abolit tous les jours les noms & les titres qui font gravés fur ces magnifiques monumens. La mer & fon fable, interrompit Arifte, me font fouvenir d'une affez jolie avanture. Une femme, fe promenant un jour au bord de la mer, écrivit avec fon doigt ces mots fur le fable: Antes muerta que mudada. Celui pour qui ces paroles étoient écrites vint un peu après. Ayant reconnu la main de la perfonne qu'il aimoit, il fut d'abord fort touché de voir des marques de fa fidélité & de fa conftance. Mais, comme il prenoit plaifir à relire ces paroles, un flot de la mer les couvrit, & les effaça en même temps. Cela le fit rentrer en luimême ; &, quelque violente que fût fa paffion, il reconnut fur le champ qu'il n'étoit pas trop fage d'ajoûter foi à des chofes dites par une femme, & écrites fur du fable. Mirà el amor lo que ordena, Mais pour revenir à ce que je vous › on Je comprends affez, dit Arifte, pourquoi les plaifirs du monde font pleins d'amertume; mais je ne comprends pas pourquoi les eaux de l'Océan font ameres. C'eft auffi une chofe affez difficile à comprendre, repliqua Eugene, & les Sçavans y font à peu près auffi empêchés qu'au flux & au reflux :: |