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qui lui eft naturelle, & en quoi confifte fa principale beauté.

Il y a du corail qui n'eft point rouge, dit Arifte; on en voit de blanc, de noir, de vert, de jaune, de cendré, & d'une certaine efpece où toutes ces couleurs font mêlées ensemble on en rencontre même quelquefois des branches dont une feule a trois couleurs diftinctes l'une de l'autre.

A ce que je vois, dit Eugene, la nature s'égaye & fe joue dans la production du corail, auffi-bien que dans celle des coquilles. Ouï fans doute, reprit Arifte : & delà vient que les diverfes fortes de corail ne fervent pas moins à orner les cabinets des curieux, que les différentes efpeces de coquillage. J'ai vû un collier de l'Ordre du SaintEsprit fait d'une feule piece de corail. Il n'y a rien de mieux travaillé, ni de plus rare; & les connoiffeurs admirent cet ouvrage, comme un chef-d'œuvre de la nature & de l'art tout ensemble.

Plin. hift. nat. lib. 32. 6.2.

Les Indiens, poursuivit Eugene, eftiment le corail autant que les perles, & les comptent entre les pierres précieufes: leurs femmes en font des colliers dont elles fe parent dans les réjouiffances publiques : & comme le gui de chêne étoit facré parmi nos Druïdes, les grains de corail ont quelque chofe de divin parmi les fages des Indes: felon eux, c'eft affez de porter ces grains pour être préfervé de tout malheur. Si vous en croyez les hiftoriens de la nature, dit Arifte, le corail défend les maifons de la foudre, & en écarte les mauvais génies: il diffipe les enchantemens & les fortileges. Il arrête du moins le fang, reprit Eugene, & fa cendre bue avec de l'eau eft un remede fouverain contre plufieurs ma- | ladies elle fortifie les yeux : elle réjouit le cœur & la tête : elle guérit les piquûres de l'afpic & du fcorpion : elle chaffe la fievre, l'épilepfie & la pefte.

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:

Les perles mifes en poudre ont peu près la même vertu, dit Arifte:

mais de toutes les productions de la mer, la plus falutaire eft l'ambregris. Il rajeunit les vieillards, & il rend prefque la vie aux morts. Ce

Excrementa

miracula

mundo.

Garaff. de Ambare.

pendant ce n'eft que l'écume & la fuo & noftro bave de la mer courroucée. On ne fait pas trop ce que c'eft, interrompit Eugene, & on ne le connoît gueres que par les effets qu'il produit.

Les uns difent que c'est une efpece de trufe ou de champignon marin, que la tempête arrache du fond de la mer, & qu'elle pouffe au rivage car l'ambre gris ne s'y trouve qu'après une grande agitation des flots; & c'eft un préfent que la mer ne fait aux hommes que dans fa colere.

:

Les autres penfent que c'eft un fouphre, qui, de quelques fontaines où il fe forme, coule dans la mer, s'y durcit, & y prend cette odeur & cette vertu qui le rendent fi pré

cieux,

Il y en a qui fe perfuadent que c'eft quelque chofe de la baleine

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Journal des Voyages de M. de Moncoms. 2. partic.

par

la raifon

que l'ambre-gris s'appelle baleine dans les Royaumes de Maroc & de Fez; qu'il y en a en abondance fur ces côtes de l'Afrique, quand les baleines y font jettées par la violence des tempêtes. Quelques-uns enfin s'imaginent que l'ambre-gris eft la cire & le miel que les mouches font dans le creux des rochers qui font au bord de la mer des Indes: ils difent que ces ruches étant cuites par la chaleurdu foleil, fe détachent par leur propre poids, & qu'elles tombent dans la mer, qui par fon agitation & par fon fel les purifie & les acheve ils foutiennent même qu'une groffe piece d'ambre encore imparfaite ayant été rompue, on avoit trouvé, dans le milieu de fa fubftance, le rayon de cire & de miel enfemble; & que, quand on a fait la diffolution de l'ambre gris avec de l'efprit de vin paffé fur la terre, il reste à la fin une matiere toute femblable au miel. Vous en croirez tout ce qu'il vous plaira. Pour moi,

il m'importe peu que l'ambre gris foit un champignon, une ruche à miel, ou quelqu'autre ehofe.

De quelque nature que foient toures ces riches productions de l'océan, dit Arifte, il faut avouer qu'elles causent mille maux parmi les hommes elles font la matiere de la vanité, de la délicateffe & de la corruption des mœurs; de forte qu'au fentiment d'un Philofophe fort éclairé, il n'y a rien au monde de plus pernicieux que la mer.

Populatio morum atque

luxuria non

aliunde major quam è

concharum Plin. hift. nat. lib.9. cap.34

genere.

Ex tota rerum natura damnofifi

mum mare

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tot pif

Elle eft d'elle-même très-utile, repliqua Eugene ; & les chofes eft; tot moqu'elle produit ne deviennent per-dis, tot mennicieufes que par le mauvais ufage cium faporique nous en efaifons. Le Créateur bus, quibus pretia cal'a rendue féconde pour l'utilité de pinium petous les peuples; & il a voulu qu'el- riculo funt. le eût plufieurs bras & plufieurs golphes, afin que s'entremêlant dans les terres fermes elle nous apportât fes richeffes jufques dans nos villes. C'est notre faute fi nous abufons des biens qu'elle nous fait.

Après ces paroles Arifte & Eugene

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