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pour gendre, nous sommes convenus, la petite fille et moi, que je ferai toutes les nuits le personnage que je fais je m'enveloppe le corps d'un long manteau noir, et je me pends au cou une chaîne de tournebroche, avec laquelle je cours toute la maison, depuis la cave jusqu'au grenier, en faisant tout le bruit que vous avez entendu. Quand je suis à la porte de la chambre du maître et de la maîtresse, je m'arrête et m'écrie: « N'espérez pas que » je vous laisse en repos que vous n'ayez » marié Juanilla avec votre maître-garçon. » Après avoir prononcé ces paroles d'une voix que j'affecte grosse et cassée, je continue mon carillon, et j'entre ensuite par une fenêtre dans un cabinet où Juanilla couche seule, et je lui rends compte de ce que j'ai fait. Seigneur sergent, continua Guillaume, vous jugez bien que je vous dis la vérité; je sais qu'après cet aveu vous pouvez me perdre, en apprenant à mon maître ce qui se passe; mais, si vous voulez me servir au lieu de me rendre ce mauvais office, je vous jure que ma reconnaissance... Et quel service peux-tu attendre de moi? interrompit le soldat.-Vous n'avez, reprit le jeune homme, qu'à dire demain que vous avez vu l'esprit, et qu'il vous a fait si grand'peur... - Comment, ventrebleu! grand'peur! interrompit encore le grivois; vous voulez que le sergent Annibal Antonio Quebrantador aille dire qu'il a eu peur?

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J'aimerais mieux que cent mille diables m'eussent... Cela n'est pas absolument nécessaire, interrompit à son tour Guillaume, et, après tout, il m'importe peu de quelle façon vous parliez, pourvu que vous secondiez mon dessein. Lorsque j'aurai épousé Juanilla, et que je serai établi, je promets de vous régaler tous les jours pour rien, vous et tous vos amis,

Vous êtes séduisant, monsieur Guillaume. s'écria le grivois; vous me proposez d'appuyer une fourberie; l'affaire ne laisse pas d'être sérieuse, mais vous vous y prenez d'une manière qui m'étourdit sur les conséquences. Allez, continuez de faire du bruit et d'en rendre compte à Juanilla, je me charge du reste. En effet, dès le lendemain matin, le sergent dit à l'hôte et à l'hôtesse: « J'ai vu l'esprit, et je l'ai entretenu; il est très raisonnable. Je suis, m'a-t-il dit, le bisaïeul du maître de ce cabaret. J'avais une fille que je promis au père du grand-père de son garçon; néanmoins, au mépris de ma foi, je la mariai à un autre, et je mourus peu de temps après. Je souffre depuis ce temps-là; je porte la peine de mon parjure, et je ne serai point en repos que quelqu'un de ma race n'ait épousé une personne de la famille de Guillaume; c'est pourquoi je reviens toutes les nuits dans cette maison. Cependant, j'ai beau dire que l'on marie ensemble Juanilla et le maître-garçon, le fils de mon petit-fils fait la sourde-oreille, aussi

bien que sa femme; mais dites-leur, s'il vous plaît, seigneur sergent, que, s'ils ne font au plus tôt ce que je désire, j'en viendrai avec eux aux voies de fait; je les tourmenterai l'un et l'autre d'une étrange façon. » L'hôte est un homme assez simple, il fut ébranlé de ce discours; et l'hôtesse, encore plus faible que son mari, croyant déjà voir le revenant à ses trousses, consentit à ce mariage, qui se fit dès le jour suivant. Guillaume, peu de temps après, s'établit dans un autre quartier de la ville le sergent Quebrantador ne manqua pas de le visiter fréquemment ; et le nouveau cabaretier, par reconnaissance, lui donna d'abord du vin à discrétion; ce qui plaisait si fort au grivois, qu'il menait tous ses amis à ce cabaret; il y faisait même ses enrðlements, et y enivrait la recrue. Mais enfin l'hôte se lassa d'abreuver tant de gosiers altérés. Il dit sur cela sa pensée au soldat, qui, sans songer qu'effectivement il passait la convention, fut assez injuste pour traiter Guillaume de petit ingrat. Celui-ci répondit, l'autre répliqua, et la conversation finit par quelques coups de plat d'épée que le cabaretier reçut. Plusieurs passants voulurent prendre le parti du bourgeois; Quebrantador en blessa trois ou quatre, et n'en serait pas demeuré là, si tout à coup il n'eût été assailli par une foule d'archers qui l'arrêtèrent comme un perturbateur du repos public. Ils le conduisirent en prison, où

il a déclaré tout ce que je viens de vous dire : et, sur sa déposition, la justice s'est aussi emparée de Guillaume. Le beau-père demande que le mariage soit cassé; et le Saint-Office, informé que Guillaume a de bons effets, veut connaître de cette affaire.

Vive Dieu! dit don Cléophas, la sainte inquisition est bien alerte! Sitôt qu'elle voit le moindre jour à tirer quelque profit...

-Doucement, interrompit le boiteux; gardez-vous bien de vous lâcher contre ce tribunal, il a des espions partout: on lui rapporte jusqu'à des choses qui n'ont jamais été dites: je n'ose en parler moi-même qu'en tremblant. Au-dessus de l'infortuné Guillaume, dans la première chambre à gauche, il y a deux hommes dignes de votre pitié; l'un est un jeune valet de chambre que la femme de son maître traitait en particulier comme un amant. Un jour le mari les surprit tous deux : la femme aussitôt se met à crier au secours, et dit que le valet de chambre lui a fait violence. On arrêta ce pauvre malheureux, qui, selon toutes les apparences, sera sacrifié à la réputation de sa maîtresse. Le compagnon du valet de chambre, encore moins coupable que lui, est sur le point de perdre aussi la vie. Il est écuyer d'une duchesse à qui l'on a volé un gros diamant; on l'accuse de l'avoir pris ; il aura demain la question, où il sera tourmenté jusqu'à ce qu'il confesse avoir fait le vol; et

toutefois, la personne qui en est l'auteur est une femme de chambre favorite qu'on n'oserait soupçonner.

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Ah! seigneur Asmodée, dit Leandro, rendez, ie vous prie, service à cet écuyer; son innocence m'intéresse pour lui; dérobezle, par votre pouvoir, aux injustes et cruels supplices qui le menacent: il mérite que........... Vous n'y pensez pas, seigneur écolier, interrompit le Diable; pouvez-vous demander que je m'oppose à une action inique, et que j'empêche un innocent de périr ! C'est prier un procureur de ne pas ruiner une veuve ou un orphelin. Oh! s'il vous plaît, ajouta-t-il, n'exigez pas de moi que je fasse quelque chose qui soit contraire à mes intérêts, à moins que vous n'en tiriez un avantage considérable. D'ailleurs, quand je voudrais délivrer ce prisonnier, le pourrais-je?

Comment donc? répliqua Zambullo, estce que vous n'avez pas la puissance d'enlever un homme de la prison ?

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Non, certainement, repartit le boiteux. Si vous aviez lu l'Enchiridion ou Albert-leGrand, vous sauriez que je ne puis, non plus que mes confrères, mettre un prisonnier en liberté; moi-même, si j'avais le malheur d'être entre les griffes de la justice, je ne pourrais m'en tirer qu'en finançant. Dans la chambre prochaine, du même côté, loge un chirurgien convaincu d'avoir, par jalousie, fait à sa

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