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fon

dans la foixante - uniéme année de fon âge, étant né l'an 970. Ce Prince doit tenir un des premiers rangs parmi les héros Musulmans, par les grandes vertus dont il étoit doué, par fon zèle pour la propagation de fa Religion, par courage, fon activité, fa prudence; tel devoit être un Prince qui a fait de fi grandes conquêtes. L'Hiftoire abrégée & imparfaite de fon regne que nous venons de tracer doit nous faire regreter que quelque Ecrivain n'ait pas entrepris de nous faire connoître d'avantage Mahmoud. Quelles lumieres n'en résulteroit-il pas d'ailleurs fur l'Inde qu'il a fi fouvent parcourue. J'ai tâché de rapprocher fous un feul point de vûe tout ce qui m'a été poffible de raffembler dans les manufcrits. Mahmoud, tout héros qu'il étoit, eu de grandes foibleffes, on lui reproche surtout une avidité extrême d'amaffer des richeffes. Avant que de mourir il voulut jouir pour la derniere fois de tous fes thréfors, on les lui apporta en fa préfence, il les examina avec attention, il jettoit de. grands foupirs en les considérant, mais ils n'étoient pas capables de le garantir de la mort. Il falloit les abandonner. Il eut tout lieu de contenter cette paffion; l'Inde qui depuis long-tems n'avoit été expofée à aucune invasion étrangere, étoit le plus riche pays du monde. Mahmoud fit dans fon tems ce que Thamas Kouli-khan a fait de nos jours, mais il pénétra beaucoup plus loin que le conquerant moderne.

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Mahmoud étoit laid de visage, & il s'en affligeoit : il croyoit que la beauté dans un Prince étoit néceffaire, & qu'elle ne contribuoit pas peu à lui gagner le cœur de fes fujets, il craignoit que fa diformité ne les éloignât de fa perfonne. Son Vizir le guérit de cette foibleffe, en lui fuadant que la vertu & les qualités du cœur & de l'efprit étoient la véritable beauté, que la bonne mine n'eft qu'un avantage paffager, auquel on doit d'autant moins faire attention, que fur mille de fes fujets, à peine un le voyoit, au lieu que la vertu du Prince fe faifoit connoître de tous, & qu'elle feule pouvoit le rendre l'objet de leur amour. Mahmoud profita de cet avis, & fut le modele des Rois. Sa laideur lui devint encore utile par les fages refléxions

Après J. C.
Mahmoud,

Dherbelot.

Après J. C
Mahmoud.

qu'elle lui fit faire, que la connoiffance de nos défauts devoit nous porter à excufer ceux des autres.

On rapporte de ce Prince un exemple de juftice bien fingulier,& qui mérite de trouver place dans fon hiftoire. Un D'Herbelos, de fes fujets vint fe plaindre à lui qu'un Turc de fes troupes l'obligeoit à lui abandonner fa femme & fes enfants,& à fortir de la maifon, Mahmoud lui promit justice, & lui ordonna de l'avertir lorfque ce Turc reviendroit. Trois jours après cet homme annonça à Mahmoud que le Turc étoit dans fa maifon. Mahmoud fortit auffi-tôt de fon palais avec quelques gardes, & lorsqu'il fut arrivé dans l'endroit, il fit éteindre toutes les lumieres & tailler en piéce le Turc. L'exécution faite, Mahmoud voulut connoître celui qu'il avoit fait mourir. On ralluma les flambeaux, & lorsqu'il l'eut vû, il fe profterna à terre, rendit graces à Dieu, demanda à manger & fe retira. L'homme étonné de cette conduite, fe jetta à fes pieds, lui demanda pourquoi il avoit fait éteindre la lumiere, pourquoi après la mort du Turc il s'étoit mis en priere,& enfin pourquoi il avoit pû fe réfou dre à prendre un fi mauvais repas? Mahmoud lui répondit avec bonté qu'il avoit crû que l'auteur du crime ne pouvoit être qu'un de fes enfants; mais que voulant lui rendre justice, & craignant d'en être empêché par la tendresse qu'il auroit pu avoir, pour ne point être exposé à sa vûe, il avoit fait éteindre la lumiere pour le punir, qu'ayant enfuite connu que ce Turc ne lui étoit de rien, il en avoit rendu graces à Dieu, & avoit demandé à manger, parce que jufqu'alors, dans le chagrin où il étoit plongé, il n'avoit pû rien prendre. Action fupérieure à celle de ce Romain qui a été fi vantée; Mahmoud s'épargne le barbare fpectacle de la mort de fon fils qu'il condamne au fupplice, & rend en même-tems juftice à un fujet.

Dherbelot.

Mahmoud vainqueur de tant de pays, avoit envoyé une ambaffade extraordinaire vers le Khalif, il ne demandoit pour récompenfe des fervices qu'il avoit rendus à la Religion, qu'un titre d'honneur que les Khalifs étoient feu's en poffeffion de diftribuer. On ne les obtenoit encore qu'avec peine & à force de follicitations. Politique finguliere chez

Mahmoud,

les Orientanx. Un Khalif dépouillé de toute fon autorité voyoit les plus grands Princes lui tenir les étriers ou la bride Après J. C. de fon cheval. Les Sulthans lui rendoient ces devoirs moins par Religion que pour en impofer au peuple qui voyoit fans peine dans le Khalif un Souverain afservi, mais qui exigeoit qu'on lui rendit toute forte de refpects en qualité de Pontife, Mahmoud follicita long-tems un vain titre, & le Khalif ne se réfolut à lui accorder fa demande que dans la crainte qu'il ne tournât fes armes du côté de Bagdad. Encore ufa-t-on d'adreffe, Mahmoud étoit fils d'un esclave, le Khalif lui donna le titre équivoque de Veli, qui fignifie Ami & Seigneur, Serviteur & Valet. Mahmoud qui pénétra l'intention du Khalif, lui envoya un préfent de cent mille piéces d'or pour ajouter une feule lettre qui déterminoit la fignification du mot; le Khalif fit dreffer les patentes que l'on donnoit ordinairement dans ces occafions, & y fit mettre le titre de Vali, c'est-à-dire Maître.

Mahmoud fut enterré à Ghazna dans un palais qu'il avoit fait conftruire des dépouilles de l'Inde, & auquel il avoit donné le nom de Palais de la félicité. Il laiffa l'Empire de Ghazna à fon fils Mohammed. L'aîné nommé Mafoud,avoit eu l'Eraque. Lorsqu'il lui donna cette province, il voulut favoir de fui comment il vivroit avec Mohammed, qu'il nommoit pour lui fuccéder. Mafoud lui répondit : comme vous avez vécu avec votre frere Ifmail. Nous avons vu plus haut que Mahmoud lui avoit enlevé la Couronne, & l'avoit enfermé dans un château. Cette réponse le toucha vivement. Il vit que la difcorde alloit fe mettre entre ses enfants, Mafoud ne voulut jamais jurer qu'il ne feroit point de mal à fon frere, que Mohammed n'eut lui-même juré Aboulfedha de partager avec lui tous les thréfors de Ghazna. Mais Dherbeles, l'intérêt de Mafoud lui fit bien-tôt oublier fes fermens. Il étoit à Ifpahan, où felon d'autres à Hamadan dans l'Eraque, lorfqu'il apprit la mort de fon pere. Il fit fçavoir à fon frere qu'il ne fongeoit point à lui difputer fes Etats, mais qu'il prétendoit être nommé le premier dans la priere publique, c'étoit affez faire connoître qu'il vouloit être regardé comme le maître & le Sulthan, & que Mohammed devoit lui être soumis. Celui-ci le fentit & fe difpofa à fou

Mafoud,

tenir la guerre dont il fe voyoit menacé. Mafoud avoit Après J. C. déja gagné tous les chefs de la milice, Mohammed fut arrêté, dépofé & remis à fon frere. On proclama Mafoud à Ghazna. Ce nouveau Sulthan ne fe vit pas plûtôt affermi fur le thrône qu'il fit arrêter ceux qui avoient confpiré contre Mohammed, leur trahifon fut punie de mort, c'étoit ce qu'ils méritoient. Le malheureux Mohammed eut les yeux crêvés. On dit que les Emirs fe déciderent contre lui, parce que le jour de fon couronnement, la Couronne lui étoit tombée de deffus la tête, ce qu'ils regarderent comme d'un mauvais augure. La fuperftition auteur de tant de maux, le fut de leur conjuration & de leur perte.

L'an 1031. Aboulfedha Abulfa

radge.

Mafoud devenu maître abfolu de tous les Etats de fon pere, fongea (a) à porter la guerre dans des pays où il paroît que Mahmoud n'avoit pas encore pénétré. La grande province de Mekran, fituée au midi du Sedgeftan, devint le théâtre de la guerre; Mafoud en fit la conquête, & parvint jufqu'à Tiz, ville fituée fur le bord de la grande mer des Indes. Par cette conquête les Ghaznevides fe virent maîtres de prefque toute la Perfe, à l'exception de la province de Fars & de tout ce qui eft fitué D'Herbelot le long du golphe Perfique, qui appartenoit à une branche des Bouides établie à Schiras. On prétend que Mafoud voulut rétablir cette maifon dans l'Eraque Perfique, & qu'il rendit cette province à Ala-eddoulet, fils de Kakouïah; mais ce Prince ne la garda pas long-tems, les Seljoucides dont nous parlerons dans la fuite, s'en rendirent les maîtres, détruifirent les Bouides, & enleverent toutes les plus belles provinces des Ghaznevides. Une pefte confidérable qui vint (a) de l'Inde & parcourut les provinces de Ghazna, de Khorafan, de Dgiordgian, de Dgebal Aboulfedha & même la Syrie, affligea enfuite cet Empire.

L'an 103 2.

Quelque tems après, Mafoud qui prétendoit toujours avoir fur l'Eraque Perfique un droit de fouveraineté, fit (b) arrêter Schahriousch qui regnoit dans les villes de Saoueh, de Com & autres voifines. On ignore le sujet qui attira la

(a) l'an 422 de l'Hegire.

L'an 423 de l'Hegire.

(c) L'an 424 de l'Hegire.

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Après J. C.

D'Herbelot

colere du Sulthan fur ce petit Prince; quoiqu'il en foit, il le fit pendre aux murailles de Saoueh. Dans le même tems Maloud. Mafoud perdit fon Grand Vizir nommé Ahmed-el-meimendi, qui avoit fervi avec honneur le Sulthan Mahmoud, auprès du quel il avoit joui d'un très-grand crédit, malgré les intrigues & les cabales que les grands hommes voyent fe former autour d'eux. Protégé par la Sulthane Haram-nour, il fçut toujours triompher de fes ennemis. Il fut le protecteur des Sçavans. Ce fut lui qui fit venir à la Cour de Mahmoud le fameux poëte Ferdoufi, auteur du livre intitulé Schah-nameh, qui contient l'hiftoire des anciens Rois de Perfe.

Ferdoufi le compofa par ordre du Sulthan en foixante mille vers, & en reçut & en reçut foixante mille dragmes d'argent, recompenfe qui parut fi petite aux yeux de l'auteur, qu'il quitta la Cour & alla mourir à Thous fa patrie, où il fe vangea par quelques vers, d'un Prince trop attaché à l'argent. Mafoud donna la charge de Grand Vizir à un autre Ahmed, fils d'Abd-ef-famad. Il perdit en même tems un de fes plus grands Généraux. Altoun-tafeh gouverneur du Kharisme alla faire une courfe dans les pays fitués au-delà du Gihon. Ce grand Capitaine, fur le point de livrer bataille, fut atteint d'une flêche qui lui emporta l'œil, il fut obligé de fe retirer, & mourut de cette bleffure. Son fils Haroun lui fuccéda dans fon gouvernement.

Les Seljoucides dont nous donnerons l'hiftoire, com- L'an 1033.. mençoient à paroître dans la Tranfoxiane; ils avoient paffé Aboulfedha. le fleuve Gihon & s'étoient répandus proche les villes de D'Herbelo Neffa & d'Abiourd; tous les Vizirs de Mafoud lui confeilloient (z) d'arrêter promptement les courfes de ces Turcs, & de les chaffer de fes Etats avant qu'ils devinffent plus. nombreux, & affez puiffans pour les envahir, comme ils le firent dans la fuite. Mafoud fourd à ces confeils, fongea plûtôt, a continuer les conquêtes que fon pere avoit faites dans l'Indoftan. Mahmoud avoit attaqué plufieurs fois le, fort château de Serefti fitué dans la province appellée

(a) I 'an 425 de l'Hegire. .

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