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QUI A REMPORTÉ LE PRIX,

PAR LE JUGEMENT

DE L'ACADÉMIE

DES JEUX ELORAUX,

EN L'ANNÉE M. DCC, XXXVII.

17370

A

LA MORT,

ODE.

C Iel ! il eft donc vrai, peu d'années,

Peut-être peu de jours, peut-être peu d'inftans Améneront ce point marqué des Destinées, Qui pour moi finira le Tems.

Soleil, que tant de fois mes yeux ont vû renaî

tre,

Tu vas donc pour jamais à mes yeux difparoître: Terre, fous moi tu vas crouler.

Tout l'Univers m'échappe & me livre à l'Abîme: J'y touche. Le Torrent entraîne la Victime Sous le coup qui va l'immoler.

L'implacable Mort m'environne :

Je marche à ses côtez; dans ses bras je m'endors Avec les alimens que fon fouffle empoisonne, Je m'incorpore mille Morts.

L'Eau, l'Air, le Feu, la Terre à ma perte con

spirent:

Au dehors, au dedans tour à tour me déchirent,

M'einbrafent, vont me fubmerger.

L'Art m'offre fon fecours : il eft fouvent un piége;

Et jamais je n'échappe au danger qui m'affiége, Qu'à l'aide d'un nouveau danger.

Bientôt de cette Idole altiére,

De ce Corps, qui maîtrife aujourd'hui mon Esprit,

Il ne reftera plus que la vile pouffiére,

Grand Dieu, dont ta main le paîtrit. Bientôt pâle, glacé, livide, infect, horrible Des Infectes rongé... Loin, Image terrible : J'expire, fi tu me pourfuis.

Et d'un rifible orgueil j'ofe encor me repaître, Et je puis, à l'aspect de ce que je vais être, Idolatrer ce que je fuis!

De ce Souffle actif qui m'anime, Qui veut, qui penfe en moi, quel fera le deftin?

Du pouvoir de la Mort trop illuftre Victime,

Pourroit-il fondre dans fon fein?

Dans le fein de la Mort ! lui, dont l'intelligence Embrasse l'Univers, fonde sa propre effence. Lui, qui connoît le Dieu vivant.

Non, non, qui te connoit, fans fin doit te connoître,

Dieu des Dicux: ton idée attachée à fon être

L'a muni contre le Néant.

Ah! mon œil perce le nuage.

Tu m'éclaires: quels biens, quel espoir m'eft permis ?

Torreas de volupté... Seront-ils mon partage? Au Jufte Ceul ils font promis.

L'Impie, en expirant, fondra dans ces Abîmes, Où ta haine éternife un Peuple de Victimes, Qu'à jamais ton bras doit frapper.

Quoi ? Grand Dieu, pour jamais les Cieux ou le Tartare! (a)

L'un ou l'autre m'attend : un Souffle m'en separe, Et le Plaifir peut m'occuper !

(a) On n'eût ofé employer cette expreffion dans une Ode Chrétienne, fi on ne l'eût trouvée dans plufieurs Hymnes de l'Eglife.

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