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acheté trois cens mille fefterces * le baniffement d'un Chevalier Romain; & la mort de fept de fes amis. Le fecondenavoit donné fept cens mille** pour faire fouffrir divers tourments à un autre Chevalier Romain. Ce Chevalier avoit été d'abord condamné au foüet, de-là envoïé aux mines, & à la fin étranglé en prifon. Mais une mort favorable a derobé Honoratus à la juf tice du Sénat. On amena donc Martianus fans Prifcus. Tutius Cerealis. homme Confulaire demanda, que fuivant le privilege des Sénateurs; Prifcus en fût averty: foit qu'il cherchât à luy attirer par-là ou plus de compaffion, ou plus de haine: foit qu'il crut (ce qui me paroît plus vray-femblable) que felon les regles de la Juftice, dans un crime commun la défenfe ou la condam

* Environtrente mille livres de notre monnoye, ** Environ foixante & dix mille livres de notre monnoye.

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nation doivent être communes. L'affaire fut renvoyée à la premie re affemblée du Sénat, qui fut des plus auguftes. Le Prince y préfis doit, il étoit Conful. Nous entrions dans le mois de Janvier celuy de tous qui raffemble à Rome le plus de monde, & particuliérement de Sénateurs. D'ailleurs l'importance de la caufe, le bruit qu'elle avoit fait, & que tant de remifes avoient redoublé, la curiofité naturelle à tous les hommes de voir de près les grands & rares événements, avoient de toutes parts attiré le monde. Imaginez-vous quels fujets d'inquiétude & de crainte pour nous, qui devions porter la parole en une telle affemblée,& en préfence de l'Empereur. J'ay plus d'une fois parlé dans le Sénat. J'ofe dire même, que je ne fuis nulle part auffi favorablement écoûté. Cependant tout m'étonnoit,

comme fi tout m'eût été inconnu. La difficulté de la cause ne m'embarraffoit guéres moins que le refte. Je regardois dans la perfonne de Prifcus, tantôt un Confulaire, tantôt un Septemvir, quelquefois un homme déchû de ces deux dignitez. J'avois un véritable chagrin, d'accufer un malheureux déja condamné pour le Péculat. Si l'énormité de fon crime parloit contre luy, la pitié qui fuit ordinairement une premiere condamnation, parloit en fa faveur. Enfin je me raffuray, je commençay mon difcours, & je reçûs autant d'applaudiffements, que j'avois eû de crainte. Je parlay près de cinq heures (car on me don na près d'une heure & demie au de-là des trois & demie qui m'avoient été d'abord accordées. ) Tout ce qui me paroiffoit contraire & fâcheux quand j'avois à le dire me devint favorable quand je le

dis. Les bontez, les foins de l'Empereur pour moy, je n'oferois dire fes inquiétudes, allerent fi loin, qu'il me fit avertir plufieurs fois par un affranchi, que j'avois derriere moy, de ménager mes forces, & de ne pas oublier la foibleffe de ma complexion. Claudius Marcellinus défendit Martien. Le Sénat fe fépara pour fe raffembler le lendemain: car il n'y avoit pas affez de temps pour achever un nouveau plaidoyer avant la nuit. Le jour d'après, Salvius Liberalis parla pour Marius. Cet Orateur a l'efprit délié. Il eft habile, très-véhément, & tout à la foistrès-fleuri. Ce jourlà il déploya tous fes talents. Corneille Tacite répondit avec beaucoup d'éloquence; & fit éclater ce grand, ce fublime, qui regne dans fes difcours. Catius Fronto fit une très-belle replique pour Marius ; & s'accommodant à fon fujet,il fongea

plus à fléchir les Juges qu'à juftifier l'accufé. La nuit furvint avant qu'il pût finir; & la plaidoyerie fut con tinuée au jour fuivant, où l'on traita ce qui regardoit les preuves. C'étoit en vérité quelque chofe de fort beau, de fort digne de l'ancienne Rome, que de voir le Sénat trois jours de fuite affemblé, trois jours de fuite occupé, ne fe féparer qu'à la nuit. Cornutus Tertullus Conful défigné, homme d'un rare mérite, & très - zélé pour la vérité, opina le premier. Il fut d'avis de condamner Marius à porter au Tréfor Public les fept cent mille fefterces qu'il avoit reçûs, & de le bannir de Rome & d'Italie.Il alla plus loin contre Martien, & fut d'avis de le bannir même d'Afrique. Il con clut, par propofer au Sénat de déclarer que nous avions Tacite &

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* Environ foixante & dix mille livres de notre monnoye.

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