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vivre, dit-il, dans l'inquiétude où je fuis) ; & d'obtenir de moy, à quelque prix que ce foit, d'étouffer mon reffentiment. J'étois à peine éveillé, qu'un valet me vint prier de la part de Spurinna de l'attendre. Je luy réponds, que je vais le trouver. Et comme nous allions l'un au-devant de l'autre nous nous rencontrons fous la galerie de Livie. Il m'expofe le fujet de fon ambaffade. Il me prie, me preffe, m'en fait des excufes, comme il convenoit à un fi honnête homme engagé de folliciter pour un perfonnage qui luy reffemble fi mal. Vous verrez vous-même (luy dis-je) ce qu'il faut répondre à Regulus. Voici la fituation où je me trouve. J'attends Mauricus (car il n'étoit pas encore revenu de fon exil); je ferai tout ce qu'il voudra. Il me fiéroit mal de me déterminer fans luy. C'est à luy à

me guider; c'est à moy à le fuivre. Regulus, peu , peu de jours après, me vint trouver dans la falle du Préteur. Là, après m'avoir fuivi quelque temps, il me tire à l'écart. Je crains (dit-il) que vous ne Soyez choqué de ce que je dis dans la Chambre des Centumvirs. Je plaidois contre vous & contre Satrius Rufus. Ce mot m'échappa: Satrius, & cet Orateur, qui, dégoûté de l'éloquence de notre fiècle, fe pique d'imiter Ciceron. Je luy répondis, que fon aveu feul m'ouvroit l'efprit ; que jufqu'alors je n'y avois pas entendu malice; & qu'il avoit été très-aifé de donner à fes paroles un fens fort obligeant. Pay en effet (poursuivis-je ) une grande paffion d'imiter Ciceron; &jeftime fort peu Péloquence de notre temps. Je trouve ridicule, s'il faut fe choisir des mode les, de ne pas prendre les plus excellents. Mais vous (luy dis-je ) qui

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vous fouvenez fi bien de ce qui se paffa dans cette caufe, comment avezvous oublié les questions que vous eûtes la bonté de me faire dans une autre, où vous me preffâtes tant de dire ce que je penfois de l'attachement de Metius Modeftus pour le Prince? La pâleur ordinaire de l'homme augmenta plus de deux nuances. Il me dit enfin d'une voix tremblante: Ce n'étoit pas à vous que j'en voulois; mais à Metius Modeftus. Remarquez, je vous prie, le caractere cruel de cet homme, qui ne feignoit pas d'avouer qu'il avoit voulu accabler un malheureux exilé. La raison qu'il me donna pour juftifier cet indigne procédé vous divertira. On a lû (ditil) à Domitien une Lettre Modeftus me traite du plus méchant de tous les hommes; comme fi Modeftus avoit eu grand tort. Notre converfation n'alla

ou

guére plus loin; car je voulois me réferver la liberté entiere d'agir comme il me plairoit quand Mauricus feroit de retour. Ce n'eft pas que j'ignore qu'il eft affez difficile de perdre Regulus. Il est riche, il eft intriguant; bien des gens le confiderent; beaucoup d'autres en plus grand nombre le craignent; & la crainte fouvent a plus de pouvoir que l'amitié. Mais après tout, il n'eft rien que de violentes fecouffes ne puiffent abbattre. La fortune n'eft pas plus fidelle aux fcélérats, qu'ils le font aux autres. Mais je vous le répéte encore, j'attends Mauricus. C'eft un homme de poids, d'expérience, & que fes malheurs paffez éclairent fur l'avenir. Je ne puis manquer de trouver dans fes confeils des raifons, ou pour agir, ou pour demeurer en repos. J'ay crû devoir ce récit à l'amitié qui nous unit,

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Elle ne me permet pas de vous laiffer ignorer mes démarches, mes discours, ni même mes deffeins. Adieu.

LETTRE V I.

A Corneille Tacite.

V le permets: riez-en tant qu'il

Us allez rire; & je vous

vous plaira. Ce Pline que vous connoiffez, a pris trois fangliers, mais très-grands. Quoy! luy-même, dites-vous? Luy-même. N'allez pourtant pas croire qu'il en ait coûté beaucoup à ma pareffe. J'é tois affis près des toiles; je n'avois à côté de moy ni épieu ni dard, mais des tablettes; je rêvois, j'écrivois, & je me préparois la confolation de remporter mes feuilles pleines, fije m'en retournois les mains vuides. Ne méprifez pas cette manié

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