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verons indigne, ou nous la rendrons digne de paroître. Ce n'eft pas qu'à vous parler fincérement, ce qui me fait balancer ne tombe pas tant fur la compofition que fur le fujet. N'y entre-t-il point un peu trop de vanité ? Quelque fimple que foit mon ftile, il fera difficile, que contraint à parler de la libéralité de mes Ayeux & de la mienne, je paroiffe affez modefte. Le pas eft gliffant, lors même que la plus jufte néceffité nous y engage. Si les louanges que nous donnons aux autres ne dégoûtent déja que trop, comment fe promettre d'affaifonner affez délicatement notre propre éloge? La vertu, qui toute feule fait des envieux, nous en attire bien davantage quand la gloire la fuit. Vous expofez à la malignité les plus belles actions, à mefure que vous les tirez de l'obscurité. Plein de ces pensées,

je

je me demande fouvent, fi j'ay prétendu par ma harangue travailler pour le public, ou feulement pour moy.Jefens bien même, que les ac compagnements les plus néceffaires à une action d'éclat, ne confervent pas après l'action & leur prix & leur grace. Sans aller plus loin chercher des exemples, peut-on douter qu'il ne fût très - important d'expliquer les motifs de mon deffein. J'y trouvois tout à la fois trois avantages. Je me rempliffois l'efprit de fages réflexions. Plus je les repaffois en moy-même, plus j'en découvrois les beautez ; & je me précautionnois contre le repentir, qui ne manque guére de fuivre les libéralitez précipitées. Par-là je m'aguerriffois au mépris des richeffes. Car pendant que la nature attache tous les hommes à des biens vils & périssables, l'amour d'une libéralité bien entenduë me Tom. I.

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dégageoit de ces honteux liens. Délibérer dans ces occafions, c'eft affürer au bienfait toute fa gloire. L'aveugle penchant d'un heureux naturel, les faillies de l'humeur n'y peuvent plus avoir de part. Une derniere considération mê déterminoit encore. Je ne propofois point des fpectacles ou des combats de Gladiateurs ; mais des pensions, qui affuraffent à de jeunes gens d'honnête famille les fecours que la fortune leur refufoit. S'il faut parler quand on propofe des plaisirs qui charment les yeux ou les oreilles, ce ne doit être, que pour en modérer les tranfports. Faut-il engager quelqu'un à fe livrer aux fatigues & aux dégoûts, que traîne à fa fuite l'éducation des jeunes gens? 'on n'a pas trop & des charmes de l'intérêt, & de tous les agréments de l'éloquence. Les Médecins effayent par leurs difcours de ré

pandre fur des aliments infipides, mais falutaires, la faveur qui leur manque : & quand nous ferons à nos Citoyens un préfent auffi utile que peu agréable, négligeronsnous de lui donner tout l'affaifonnement qu'il peut emprunter de la parole? On garderoit à contretemps un filence modeste, quand il faut faire approuver à ceux qui n'ont plus d'enfants une inftitution qui n'eft faite qu'en faveur de ceux qui en ont; & obtenir de ceux qui n'en ont point encore, qu'ils attendent avec patience le temps de participer à ce bienfait. Mais comme alors en rendant compte de mes intentions, j'étois plus occupé de l'utilité publique, que de ma gloire particuliere; je crains aujourd'huy en publiant ma ha rangue, de paroître plus occupé de ma gloire particuliere, que de l'utilité publique. Je n'ay pas ou

il

blié, qu'une grande ame eft plus touchée du témoignage fecret de la confcience, que des témoignages éclatants de la Renommée. Ce n'est pas à nos actions à courir après la gloire; c'est à la gloire à les fuivre. Et s'il arrive que par un fort bizarre elle nous échappe, ne faut pas croire que ce qui l'a méritée, perde rien de fon prix. Il eft difficile de vanter le bien qu'on a fait, fans donner lieu de juger que l'on ne s'en vante pas, parce qu'on l'a fait ; mais qu'on l'a fait pour s'en vanter. Notre action, que l'on admire quand d'au tres en parlent, eft méprifée dès que nous en parlors. Les hommes font ainfi faits: ils décrient comme vaine, l'action qu'ils ne peuvent décrier comme mauvaise. Quel parti prendre? Ne faifonsnous rien qui mérite que l'on parle de nous? on nous le reproche,

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