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L'âge, ou les infirmités, ont condamné celuy-cy au filence: la fageffe ménage à celuy-là une heureufe tranquillité. L'un commande une armée; la faveur du Prince dispense l'autre des emplois pénibles. Moy-même à quelles viciffitudes n'ay-je point été fujet? Les Belles-lettres m'ont élevé d'abord, abaiffé dans la fuite enfin relevé. Mes liaisons avec les gens de bien m'ont été fort utiles, puis très-préjudiciables, à la fin très-avantageufes. Si vous fuppu tez les années, où font arrivées tant de révolutions, le temps vous paroîtra court; fi vous faites attention fur les événements, vous croirez parcourir un fiécle. Tant de changements fi rapidement amenés, font bien propres à nous apprendre, qu'on ne doit défefpérer de rien, ne compter fur rien. J'ay coûtume de vous communi

quer toutes mes penfées; de vous faire les mêmes leçons, de vous propofer les mêmes exemples qu'à moy-même. C'est l'intention que jay dans cette Lettre. Adieu.

JE

LETTRE XXV.

A Maxime.

E vous avois bien dit, qu'il étoit à craindre que le fcrutin n'amenât quelque défordre. C'eft ce qui vient d'arriver à la derniére élection des Magiftrats. Dans plufieurs billets, on a trouvé des plaifanteries; en quelques-uns, des impertinences groffiéres ; dans un entr'autres, à la place du nom des Candidats, le nom des Protecteurs. Le Sénat plein d'indigna tion fit grand bruit & fouhaita que toute la colére de l'Empereur PW

pût tomber fur l'auteur de cette infolence. Mais il a échappé à tous ces reffentimens, & s'eft caché; peut-être étoit-il un de ceux qui crioient le plus haut. Quelle liberté, à votre avis, ne fe donne pas chez luy cet homme, qui, dans une affaire férieufe, en une occafion de cette importance, ofe faire ainfi le farceur, & qui boufonne & turlupine au milieu du Sénat? Un tel homme fe dit à luymême : Eh! qui le fçaura? Cette penfée produit feule cette audace dans les ames baffes. Demander du papier, prendre la plume, baifler la tête pour écrire, ne craindre point le témoignage des autres, méprifer le fien propre; voilà quelle eft la fource d'où coulent ces bons mots dignes du théâtre & des halles. De quel côté fe tourner? Quelque reméde que l'on employe, le mal fur

monte le reméde. Mais ce foin regarde quelqu'autre puiffance, au zéle & aux travaux de qui notre molleffe & notre licence préparent de jour en jour de nouveaux fujets de réforme. Adieu.

LETTRE XXVI.

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A Nepos.

Ous voulez que je charge quelqu'un de relire & de corriger avec exactitude l'exem plaire de tous mes ouvrages, que vous avez acheté. Je le feray. Quel foin plus agréable pourroisje prendre, principalement à votre priére? Lorfqu'un homme de votre importance, fi fçavant, fi éloquent, par-deffus tout cela fi occupé, & qui va gouverner une grande Province, a fi bonne opi

nion de mes ouvrages, que de les vouloir emporter avec luy; dans quelle obligation ne fuis-je pas. de mettre ordre que cette partie. de fon bagage ne l'embarraffe pas comme inutile? Je feray donc en forte, que cette compagnie ne vous foit pas à charge; & je vous en prépareray une recruë à votre retour. Car rien ne peut tant m'engager à de nouvelles compofitions, qu'un Lecteur tel que vous. Adieu.

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