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fecret témoignage de la confcience, & n'attache point la récompenfe d'une bonne action, aux louanges qu'elle s'attire, mais à la seule fatisfaction intérieure qui la fuit. En un mot, il n'eft pas aifé de trouver, même entre nos Philofophes déclarez, quelqu'un digne de luy être comparé. Vous ne le voyez point courir d'école en école, pour nourrir par de longues difputes l'oifiveté des autres & la fienne. Les affaires, le Barreau l'occupent tout entier. Il plaide pour l'un; il donne des confeils à l'autre & malgré tant de foins, il pratique fi bien les leçons de la Philofophie, qu'aucun de ceux qui en font profeffion publique ne luy peut difputer la gloire de la modeftie, de la bonté, de la juftice, de la magnanimité. Vous feriez furpris de voir avec quelle patience il

fupporte la maladie, comment il lutte contre la douleur, comment il résiste à la foif, avec quelle tranquillité il fouffre les plus cruelles ardeurs de la fiévre. Ces jours paffez il nous fit appeller quelques-uns de fes plus intimes amis & moy. Il nous pria de confulter férieufement fes Médecins, & nous dit, qu'il vouloit prendre fon parti: quitter au plûtôt une vie douloureufe, fi la maladie étoit incurable; attendre patiemment la guérifon, fi elle pouvoit venir avec le temps. Qu'il ne fe défendoit point, d'être fenfible aux prieres de fa femme, aux larmes de fa fille & à l'inquiétude de fes amis; qu'il vouloit bien ne pas trahir leurs efpérances, par une mort volontaire, pourvû qu'elles ne fûffent pas une illufion de leur tendreffe. Voilà ce que je crois auffi difficile dans l'exécution, que

grand dans le deffein. Vous trouverez affez de gens, qui ont la force de courir fans réflexion & en aveugles à la mort. Mais il n'appartient qu'aux ames héroïques, de pefer la mort & la vie ; & de fe déterminer entre l'un ou l'autre, felon qu'une férieuse raifon fait pencher la balance. Les Médecins nous font tout efpérer. If refte, qu'une divinité fecourable favorife leurs foins, & me délivre de cette mortelle inquiétu de. Auffi-tôt l'on me verra voler à ma maison de Laurentin, avec impatience de reprendre mon porte-feuilles & mes livres, & de me plonger dans une fçavante oifiveté. En l'état où je fuis, tour occupé de mon ami tant que je le vois; inquier dès que je le perds de vûë, il ne m'eft pas poffible ni de lire, ni d'écrire. Vous voilà informé de mes allarmes, de

mes vœux, de mes deffeins. Apprenez-moy à votre tour, mais d'un ftile moins trifte, ce que vous avez fait, ce que vous faites, & ce que vous vous proposez de faire. Ce ne fera pas un petit foulagement à ma peine, de fçavoir que vous n'avez rien qui vous en faffe.

LETTRE XXIII

V

A Pompée Falcon.

Ous me demandez, s'il vous convient de plaider pendant

que vous êtes Tribun. Pour fe bien déterminer, il eft bon de fçavoir quelle idée vous vous faites de cette dignité. Ne la regar dez-vous que comme un phantô me d'honneur, comme un vain ti tre? Ou la croyez-vous une puif

fance facrée, une autorité refpectable à tout le monde, même à celuy qui en eft revêtu? Pour moy, tant que j'ay exercé cette charge, je me fuis trompé peut-être, par l'opinion d'être devenu un homme d'importance: mais comme fi cette opinion eût été vraye, je ne me fuis chargé d'aucune caufe. Je me faifois fur cela plus d'une peine. Je croyois qu'il étoit contre la bienféance que le Magiftrat, à qui la premiére place eft dûë en tout lieu, devant qui tout le monde devoit être debout, fe tînt luy-même debout, pendant que tout le monde feroit affis; que luy, qui a droit d'impofer filence à qui il luy plaît, fût obligé de fe taire quand il plaît à l'horloge; que luy, qu'il n'eft pas permis d'interrompre, fût expofé à s'entendre dire des injures, traité de lâche s'il les fouffre, de fuperbe s'il s'en venge. J'y voyois

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