ne à tout ce qu'il écrit; fur la délicateffe avec laquelle il pense; on fera bien plûtôt tenté de croire qu'il avoit oublié ce qu'il devoit à Pline, ou qu'il vouloit le faire oublier aux au tres. Je l'avouerai pourtant; il fe trouve de la difference entr'eux. L'enjouëment fait le fond des Lettres de Voiture, & l'ornement de celles de Pline. Le premier eft plus hardi, le fecond plus retenu dans fes plaifanteries. Jamais Pline n'eût hazardé la Lettre du Clou à une gran. de Princeffe, ni celle des Chevaux de pofte à une Dame qu'il eût refpectée. Celuy-là n'écrit que pour rire; celuy cy ne rit que pour égayer ce qu'il écrit. Tous deux réjouiffent quand ils badinent: mais l'un ne prend point le férieux que les Lecteurs n'y perdent; l'autre, qu'ils n'y gagnent. Enfin, l'imagination peut trouver plus fon compte avec Voiture; le cœur avec Pline. On ne peut jetter les yeux fur fes Lettres, fans y reconnoître la fource de cette forte de politeffe, qui, par des paroles obligeantes, multiplie le bienfait, & donne des graces même au refus. Il a des premiers enrichi le commerce des hommes de cette agréable flatterie qui plaît fans nuire, & qui s'éloigne également de la baffeffe des Courtisans & de la bonté des Philofophes. Il eft furprenant que Montagne l'accufe de vanité. Si Pline, dans des difcours publics, eût continuellement ramené fon mérite & fes fervices; fi dans des traitez de Philofophie il eût à tour propos vanté la Nobleffe de fa race, les équipages de fes Ayeux, & le nombre de ses domestiques, l'accusation auroit peut-être fes apparences. Mais il parle de luy dans fes Lettres pouvoit-il s'en difpenfer? L'amitié qui met les amis en fociété des biens & des maux, ne les oblige-t-elle pas à fe rendre compte de leur bonne & de leur mauvaise fortune? Leur eftil permis de retrancher de ce compte leurs profperi. tez, pour n'y faire entrer que leurs difgraces? La même loy qui veut que l'ami malheureux répande verfe une partie de fa douleur dans le fein de fon ami, veut auffi , par un jufte retour que l'ami heureux y une partie de fa joye. C'est-là proprement l'offce des Lettres. Ailleurs, c'eft orgueil de parler de foy; dans les Lettres, c'eft néceffité. Nous y fommes le plus fouvent hiftoriens de nousmême; mais cette histoire, faite pour demeurer inconnuë, ne peut être raisonnablement fufpecte d'une of tentation recherchée. Perfonne n'en fut jamais plus éloigné que Pline. L'avidité de gloire feroit peut-être |