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Junon aux yeux
fait parler,
Et d'Achille aussitôt le chiar semble voler.
Les Grees en le voyant, de mille cris de joie
Soudain font retentir le rivage de Troie.
Ce prince, revêtu des armes de Vulcain
Parait plus éclatant que l'astre du matin
Ou tel le soleil co

yeux de bœuf ainsi le to

S'élève donneronimencant sa carrière

monde la futnière; Ou brillant comme uir féu que les villageois font Pendant Fobscure nuit sur le sommet du mout.

Je m'arrête, a poursuivi l'auteur tragique, laisser pour vous respirer un moment: car si je vous récitais toute ma scène de suite, la beauté de ma versification, et le grand nombre de traits brillants et de pensées sublimes qu'elle contient, vous suffoqueraient. Remarquez la justesse de cette comparaison: Plus éclatant qu'un feu que les villageois font... Tout le monde ne sent point cela, mais vous, qui avez de l'esprit, et du véritable, vous en deyez être enchanté. Je le suis sans doute, a répondu l'auteur comique en souriant d'un air malin; rien n'est si beau et je suis persuadé que vous ne manquerez pas de parler aussi dans votre tragédie du soin que Thétis prenait de chasser les mouches troyennes qui s'approchaient du corps de Patrocle. Ne pensez pas vous en moquer, a répliqué le tragique: un poète qui a de l'habileté peut tout risquer. Cet endroit-là est peut-être celui de ma pièce le plus propre à me fournir des vers pompeux; je ne le raterai pas, sur ma parole. a-t-il continué sans façon,

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Tous mes ouvrages,

sont marqués au bon coin. Aussi, quand je les lis, il faut voir comme on les applaudit: je m'arrête à chaque vers pour recevoir des louanges. Je me souviens qu'un jour je lisais à Paris une tragédie dans une maison où il va tous les jours des beaux esprits à l'heure du diner, et dans laquelle, sans vanité, je ne passe pas pour un Pradon. La grande comtesse de Vieille-Brune Ꭹ était elle a le goût fin et délicat, je suis son poète favori. Elle pleurait à chaudes larmes dès la première scène; elle fut obligée de changer de mouchoir au second acte; elle ne fit que sangloter au troisième; elle se trouva mal au quatrième, et je crus à la catastrophe, qu'elle allait mourir avec le héros de ma pièce.

A ces mots, quelque envie qu'eût l'auteur comique de garder son sérieux, il lui est échappé un éclat de rire. Ah! que je reconnais bien, dit-il, cette bonne comtesse à ce trait-là! C'est une femme qui ne peut souffrir la comédie: elle a tant d'aversion pour le comique, qu'elle sort ordinairement de sa loge après la grande pièce pour emporter toute sa douleur. La tragédie est sa belle passion: que l'ouvrage soit mauvais , pourvu que vous y fassiez parler des amants malheureux, vous êtes sûr d'attendrir la dame. Franchement, si je composais des poèmes sérieux, je voudrais avoir d'autres approbateurs qu'elle.

bon

Oh! j'en ai d'autres aussi, dit le poète tragique; j'ai l'approbation de mille personnes de qualité, tant mâles que fem... je me défierais

et

encore du suffrage de ces personnes-là, interrompit l'auteur comique: je serais en garde contre leurs jugements. Savez-vous bien pourquoi ? C'est que ces sortes d'auditeurs sont distraits, pour la plupart, pendant une lecture, qu'ils se laissent prendre à la beauté d'un vers ou à la délicatesse d'un sentiment: cela suffit pour leur faire louer tout un ouvrage, quelque imparfait qu'il puisse être d'ailleurs. Tout au contraire, entendent-ils quelques vers dont la platitude ou la dureté leur blesse l'oreille, il ne leur en faut pas davantage pour décrier une bonne pièce.

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Eh bien! a repris l'auteur sérieux, puisque vous voulez que ces juges-là me soient suspects, je m'en fie donc aux applaudissements du parterre. Eh ne me vantez pas, s'il vous plaît votre parterre, a répliqué l'autre il fait paraître trop de caprice dans ses décisions. Il se trompe quelquefois si lourdement aux représentations des pièces nouvelles, qu'il sera des deux mois entiers sottement enchanté d'un mauvais ouvrage. Il est vrai que dans la suite l'impression le désabuse, et que l'auteur demeure déshonoré après un heureux succès.

C'est un malheur qui n'est pas à craindre pour moi, a dit le tragique: on réimprime mes pièces aussi souvent qu'elles sont représentées. J'avoue qu'il n'en est pas de même des comédies: l'impression découvre leur faiblesse: les comédies n'étant que des bagatelles, que de petites productions d'esprit... Tout beau, mon

sieur l'auteur tragique, interrompt l'autre, tout beau : vous ne songez pas que vous vous échauffez: : parlez, de grâce, devant moi de la comédie avec un peu moins d'irrévérence. Pensez-vous qu'une pièce comique soit moins difficile à composer qu'une tragédie ? Détrompez-vous: il n'est pas plus aisé de faire rire les honnêtes gens que de les faire pleurer. Sachez qu'un sujet ingénieux dans les mœurs de la vie ordinaire er que le plus beau sujet

coûte pas moins à traiter héroïque.

ne

Ah! parbleu, s'écrie le poète sérieux d'un ton railleur, je suis ravi de vous entendre parler dans Calidas ans ces termes. Eh bien ! monsieur pour éviter la dispute, je yeux désormais autant estimer vos ouvrages que je les aiméprisés jusqu'ici. Je me fort peu de de vos mépris monsieur Gible reprend avec précipitation l'auteur comique; et, pour répondre à vos airs insolents, je vais vous dire nettement ce que je pense des vers que vous venez de de me réciter. Ils sont ridicules, et les pensées, quoique tirées d'Homère, n'en sont pas moins plates. Achille parle à ses chevaux; ses chevaux lui répondent: il y a là-dedans une image basse, de même que dans la comparaison du feu que les villageois. font sur une montagne. Ce n'est pas faire honneur aux anciens que de les piller de cette sorte; ils sont, à la vérité, remplis de choses admirables; mais il faut avoir plus de goût que vous n'en avez pour faire un heureux choix de celles qu'on doit emprunter d'eux.

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Puisque vous n'avez pas assez d'élévation de génie, a répliqué Giblet, pour apercevoir les beautés de ma poésie, et pour vous punir d'avoir osé critiquer ma scène, je ne vous en lirai pas la suite. Je ne suis que trop puni d'avoir entendu le commencement, a reparti Calidas. II vous sied bien à vous de mépriser mes comédies! Apprenez que la plus mauvaise que je puisse faire sera toujours fort au-dessus de vos tragédies, et qu'il est plus facile de prendre l'essor et de se guinder sur de grands sentiments que d'attraper une plaisanterie fine et délicate.

Grâce au ciel, dit le tragique d'un air dédaigneux, si j'ai le malheur de n'avoir pas votre estime, je crois devoir m'en consoler. La cour juge plus favorablement de moi que vous ne faites, et la pension dont elle m'a bien voulu... Eh! ne croyez pas m'éblouir avec vos pensions de cour, interrompit Calidas: je sais trop de quelle manière on les obtient pour en faire plus de cas de vos ouvrages. Encore une fois, ne vous imaginez pas mieux valoir que les auteurs comiques. Et pour vous prouver même que je suis convaincu qu'il est plus aisé de composer des poèmes dramatiques sérieux que d'autres, c'est que, si je retourne en France, et que je n'y réussisse pas dans le comique, je m'abaisserai à faire des tragédies.

Pour un composeur de farces, dit le poète tra gique, vous avez bien de la vanité. Pour un versificateur qui ne doit sa réputation qu'à de faux brillants, dit l'auteur comique, vous vous en faites bien accroire. Vous êtes un insolent,

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