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N°. I.

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CE beau camée dont la matiére eft une agathe-onyx de trois couleurs, ne laisse rien à defirer fur fa conservation. Nous y voyons un Ordonnateur des fpectacles, ou plûtôt un Auteur donnant le ton d'une fcéne difficile, avant de commencer la piéce, à deux Acteurs dont les mafques relevés laiffent voir les vifages à découvert. Le lieu de la fcéne eft placé entre deux gaînes, fur lefquelles le culte & les attributs de l'ancienne Comédie font pofés. On y voit auffi l'autel qui fe trouvoit prefque toûjours placé fur le théâtre, les fpectacles, felon tous les Auteurs, étant confacrés à quelque Divinité, & faisant partie des fêtes Religieufes. Le travail de ce beau morceau doit être fans contredit attribué aux Grecs; cependant je ne doute que la fcéne ne foit Romaine, & qu'un Artiste Grec n'ait fait cet ouvrage à Rome, où le morceau a été trouvé en 1732. dans les fondemens d'une maison qu'on démoliffoit, & qui étoit fituée près de l'endroit où étoit autrefois le temple d'Efculape. De plus, ce qui m'engage à parler avec tant de certitude, c'eft que les figures ont les attributs de la Comédie furnommée togata, qui n'a jamais été en usage dans la Gréce. Je puis dire encore qu'aucun des morceaux que l'on a donnés jusqu'ici auPublic en ce genre, ne préfente un pareil inftant; & ce camée devroit être ajoûté à tout ce que Ficoroni nous a rapporté de différens fujets de fcéne dans le Traité qui a pour titre : Mafchere Sceniche.

N°. II.

Voici encore un camée fur une agathe de deux couleurs. On ne peut l'attribuer qu'à la fcéne Grecque, & qu'à un Artifte du même pays. Il représente le masque d'une Actrice jeune & agréable avec les grandes boucles de cheveux pendantes fur le cou, pour cacher fans doute

la liaison du masque avec les épaules. Ce petit morceau n'a de recommandable que la beauté de fon travail, la fineffe de l'outil, & fa conservation. Il ne fe trouve pas dans les mafques que Ficoroni a publiés. Les morceaux de fon Recueil qui en approchent le plus fe voient aux Plan

ches IV. & xxx.

No. III.

CETTE Cornaline gravée en creux eft de la plus belle & de la plus riche couleur. Elle représente un Comédien en pied & en fcéne. Je crois que le travail en eft Romain; cependant la tête fur laquelle on diftingue parfaitement le mafque, eft du plus beau travail; elle paroît animée & pleine d'efprit, ainsi que d'expreffion. La difformité même n'en eft pas trop grande; ce qui prouve que les Romains ne chargeoient pas toûjours les mafques de leurs vieillards de Comédie avec autant d'excès que la vûe de plufieurs monumens pourroit nous le perfuader. La robe de cet Acteur ne permet pas de douter qu'il ne foit Romain, & le Graveur l'étoit auffi, à en juger par le travail du refte de la figure, qui n'eft pas beau, & dont le deffein est aussi lourd que cette même figure eft courte.

N. IV.

CE mafque de terre cuite n'a que vingt lignes de hauteur. Il eft fans aucun accompagnement par conféquent il feroit difficile de le donner affirmativement à un pays plûtôt qu'à un autre. Tout ce que je puis en dire, c'eft qu'il eft d'un très-bon goût de deffein, & touché de feu. J'ai vû bien peu d'antiques en ce genre, & je ne crois pas que les Auteurs modernes en aient rapporté de cette matiére. Il eft à préfumer que ces fortes de petits masques fe plaçoient fur le vifage des Dieux Lares pendant les Saturnales, ou d'autres fêtes semblables. Celui-ci peut donc avoir fervi au Dieu domeftique du Comédien même qui le portoit au théâtre, & qu'il avoit fait réduire en petit pour cet ufage:

peut-être auffi avoit-il choifi une figure de fantaisie, ou plûtôt un mafque qui lui rappelloit des idées comiques & agréables. Ce qu'il y a de certain, c'eft que l'on voit encore au haut du front le trou qui fervoit à l'attacher vraisemblablement à la figure dont il couvroit quelquefois le visage. Ces monumens m'ont conduit à faire les réflexions fuivantes fur les masques des Anciens.

travail

Les Egyptiens ne paroiffent pas avoir connu les masques, quoique les fêtes qu'ils célébroient fur le Nil pendant fon inondation eussent dû naturellement en introduire l'usage parmi eux. Ces temps de joie destinés à goûter les douceurs d'un repos qu'aucune inquiétude ne troubloit, auroient pû favorifer des déguisemens de cette nature, qui néanmoins n'eurent aucun attrait pour un peuple attaché à ses anciennes pratiques, & qui ne se délaffoit de fon que par des cérémonies de Religion. Auffi juge-t-on par le filence des Auteurs, que les Egyptiens ne connurent pas les théâtres, ni rien de ce qui en dépend, & qu'en empruntant des Grecs & des Romains une foule d'ufages, ils ne les imitérent point dans les jeux & dans les fpectacles pour lesquels ces deux Nations témoignérent toûjours le plus vif attachement. L'ufage des mafques n'étoit pas fort ancien parmi les Grecs. Thelpis qui vivoit vers l'an 535. avant Jefus-Chrift, voulant déguifer les perfonnages qui jouoient dans fes piéces, fut obligé de leur barbouiller le visage avec de la lie. Efchyle qui pouvoit avoir vû Thefpis, inventa les mafques, fi nous en croyons Horace; a mais Ariftote b qui vivoit environ un fiécle après Eschyle, & qui étoit parfaitement inftruit de l'histoire du théâtre, loin de lui faire honneur de cette invention, dit positivement que de fon temps on ne fçavoit à qui l'attribuer. Je conclus de cette incertitude que l'ufage des mafques s'étoit introduit insensiblement parmi les Grecs, que ceux-ci l'avoient reçû d'une main étrangère, &, fuivant toutes les apparences, des Etrufques. Ces deux peuples féparés feulement par un

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ap. Eufeb.de Prap.

1. x. p. 475.

Den. d'Hal. Ant. Rom. 1. 111. 46.

Plin. 1. 35. C. 3• & 12.

bras de mer qu'ils traverfoient chacun de leur côté, avoient plufieurs ufages qui leur étoient communs, & qu'ils avoient pris les uns des autres. Leur commerce réciproque eft inconteftable, & je vais l'établir fur deux exemples fi frappans, qu'ils me difpenferont d'en rapporter un plus Athenee, liv. grand nombre. Plufieurs a Auteurs attribuent l'invention p.184.Clem.Alex. de la trompette aux Etrufques. Euripide b & Sophocle parlent en plus d'un endroit de la trompette Tyrrhénienne; b Pheniff.v.1386. & les Commentateurs de ces deux Poëtes difent que ce Heracl. 830. Rhef. fut un Etrufque nommé Arichondas, qui s'étant joint aux Ajax flagel.v.17. Héraclides, introduifit cet inftrument dans les armées des Grecs. Si ce dernier fait eft vrai, le commerce des Etrufques avec les Grecs doit remonter à des fiécles bien reculés. On le peut prouver encore par l'hiftoire de Demaratus, pere de Tarquin l'ancien. Ce Grec étant parti de Corinthe, aborda en Italie fur un vaiffeau qu'il avoit chargé de différentes marchandifes. L'heureux fuccès de fon voyage lui fit naître l'idée d'entreprendre le commerce de l'Etrurie. Il le fit pendant plufieurs années, & y gagna des richesses immenfes. Les troubles qui s'élevérent à Corinthe, & la tyrannie de Cypfelus, l'ayant enfuite obligé de quitter fon pays, il vint s'établir en Etrurie avec plufieurs Grecs qui le fuivirent. Ce fait s'eft paffé environ un fiécle avant que les Grecs commençaffent à fe fervir de mafques dans leurs fpectacles, & femble autoriser l'opinion où je fuis que cet ufage fut chez eux une fuite de leur commerce avec les Etrufques. On m'oppofera peutêtre que les Auteurs Grecs, & Ariftote en particulier, auroient dû connoître cette origine; mais les Grecs négligérent bien fouvent de remonter à la fource des connoiffances qu'ils avoient perfectionnées, & ne reconnoiffoient devoir quelque chofe à des étrangers, que lorfque l'évidence leur arrachoit cet aveu. Leur filence fur les Etrufques me femble infiniment fufpect. Les Romains étoient Liv. VII. bien plus fincères. Tite-Live convient qu'ils reçûrent des

Etrufques les jeux fcéniques, & nous fçavons d'ailleurs qu'ils avoient des Comédies Atellanes, ainfi nommées d'Atella, ville d'Etrurie. Si quelques Auteurs ont avancé que les Romains avoient emprunté des Grecs les mafques & tout ce qui regarde les fpectacles, je répondrai qu'ils fe font livrés à une prévention trop favorable aux Grecs, & qu'ils auroient été plus exacts, s'ils avoient dit que les Romains ne devoient à ces derniers que les fineffes, l'élégance & la perfection de la fcéne; mais qu'ils en avoient reçû les premiéres idées des Etrufques leurs voifins. C'eft tout ce qu'il nous eft permis d'entrevoir, après la perte que nous avons faite des Hiftoriens de cette Nation; & la feule chofe que l'on puisse avancer avec quelque probabilité, c'eft que les mafques ont paffé de l'Etrurie à Rome, & dans la Gréce même. Il feroit à defirer que se point de critique fût traité par des Sçavans du premier ordre: trop heureux fi mes foibles conjectures pouvoient les engager l'approfondir.

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CE morceau de peinture à frefque eft recommandable par fon antiquité, & par le lieu d'où il vient. Il a été trouvé dans cette ville infortunée d'Herculanum, que le Véfuve engloutit au temps de Pline. On eft affez inftruit de ces faits, pour trouver bon que je n'en dife pas davantage. Une fouille auffi confidérable que celle d'une ville entiére dont on n'a prefque rien emporté dans l'inftant de fon malheur, a été & eft encore tous les jours un tréfor d'antiques que les Curieux ne ceffent d'admirer. Il faut efpérer qu'après une fi longue attente, nous ferons inftruits de toutes ces découvertes, qui doivent répandre un fi grand jour fur l'antiquité; & je facrifierois volontiers au plaifir d'être plus au fait de ces détails, le petit mérite que donne à cette peinture la difficulté que l'on a à tirer de

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