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employer toûjours cette méthode, je lui en ai souvent préféré une autre qui intéressera peut-être ceux qui aiment les Arts: elle confifte à étudier fidélement l'efprit & la main de l'Artiste, à se pénétrer de ses vûes, à le fuivre dans l'exécution, en un mot, à regarder ces monumens comme la preuve & l'expreffion du goût qui regnoit dans un fiécle & dans un pays.

Le culte d'un peuple se reconnoît aux symboles qui caractérisent ses Divinités ; fon goût eft indiqué par la maniére dont il habille fes figures. Mais toutes ces connoiffances feroient peu folides, fi l'on n'employoit la voie du deffein, jointe à l'habitude de voir & de comparer. Le deffein fournit les principes, la comparaifon donne le moyen de les appliquer, & cette habitude imprime de telle forte dans l'esprit le goût d'une nation, que fi en faifant fouiller on découvroit un monument étranger au pays où l'on eft, on pourroit conclure,fans craindre de se tromper,

qu'il eft forti des mains d'un Artiste, qui luimême étoit étranger; & ce jugement doit fuivre l'étendue & la qualité de ce même morceau, pour avancer qu'il a été apporté, ou que l'Artiste l'est venu travailler. Le goût d'un pays étant une fois établi, on n'a plus qu'à le suivre dans ses progrès, ou dans ses altérations; c'est le moyen de connoître, du moins en partie, celui de chaque fiécle. Il eft vrai que cette feconde opération est plus difficile que la premiére. Le goût d'un peuple diffère de celui d'un autre peuple prefqu'auffi fenfiblement que les couleurs primitives diffèrent entr'elles; au lieu que les variétés du goût national en différens fiécles peuvent être regardées comme des nuances très-fines d'une même couleur. D'ailleurs, comme il n'y a point d'Empire qui ait éprouvé autant de révolutions que celui des Arts, il eft quelquefois impoffible de fixer la date d'un monument. On doit dire cependant qu'en général, des yeux éclairés par le

deffein,

dessein, remarquent des différences confidérables, où le commun des yeux ne voit qu'une reffemblance parfaite ; & les régles qui conduifent les premiers font aussi sûres que celles qui nous apprennent l'âge d'un manuscrit.

Les monumens présentés fous ce point de vûe, se distribuent d'eux-mêmes en quelques claffes générales, relatives aux pays qui les ont produits; & dans chaque claffe ils fe rangent dans un ordre relatif au temps qui les a vû naître. Cette marche développe une portion intéressante de l'esprit humain, je veux dire l'histoire des Arts. On les voit formés en Egypte avec tout le caractère de la grandeur; de-là paffer en Etrurie, où ils acquiérent des parties de détail, mais aux dépens de cette même grandeur; être enfuite transportés en Gréce, où le fçavoir joint à la plus noble élégance, les a conduits à leur plus grande perfection; à Rome enfin, où fans briller autrement que par des fecours

b

étrangers, après avoir lutté quelque temps contre la Barbarie, ils s'enfeveliffent dans les débris de l'Empire.

Tel eft le chemin que les Arts me paroifsent avoir fait parmi les nations que le commerce a fucceffivement réunies; & tel eft l'ordre que j'ai donné à cet ouvrage. A l'égard du rang que chaque monument en particulier occupe dans fa claffe, j'aurois pû, quoiqu'avec peine, l'affujettir à-peu-près à l'ordre des temps; mais j'ai mieux aimé fuivre une autre distribution, qui rend chaque Planche plus agréable à l'œil. D'ailleurs je n'avois pas tous les morceaux qui sont contenus dans ce Recueil, lorfque j'ai entrepris de le donner au Public: il m'en est même arrivé une grande partie après la gravûre de quelques Planches; il m'a été impoffible de les mettre à leur véritable place; mais les explications leur rendent le rang qui m'a paru leur être dû, & la table fera aifément retrouver les morceaux de chaque genre.

J'ai cru devoir placer dans cette petite collection quelques verres, & un grand nombre de terres cuites; outre que leur fragilité exige, ce me femble, qu'on les conferve avec soin, les morceaux de ce genre inspirent naturellement un peu plus d'intérêt que les autres; car il faut convenir que lorsqu'ils préfentent des formes heureuses & un travail précis, ils fervent plus que tous les passages des Auteurs à prouver le bon goût qui regnoit dans une nation. Si tel peuple a fait briller cette noble fimplicité qui éléve l'esprit fur des vases destinés à l'usage le plus commun, quels foins n'aura-t-il pas employés en travaillant des matiéres plus précieuses!

Comme les procédés des Arts font intimement liés avec leur théorie, j'ai cru ne devoir point négliger un autre avantage, qui eft de rechercher, quand l'occafion s'en est présentée, les moyens dont les Anciens se font fervis pour opérer. En un mot, les Arts font en quelque façon l'objet principal de

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