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AN 855 Ayant donc rendu à l'empereur Louis le decret d'élection, ils revinrent à Rome, où ils donnerent avis qu'il envoyoit des députez, & rendirent fes lettres à Benoift. Les députez arriverent quelques jours après à Horta, à quarante milles de Rome, où ils prirent le parti d'Anaftafe, à la perfuafion de l'évéque Arfene, qui étoit allé au-devant d'eux avec l'évêque Nicolas, & trois capitaines, Mercure, Gregoire & Chriftofle. Deux autres évêques Radoalde de Porto & Agathon de Todi fe joignirent auffi à

eux.

Benoift l'ayant appris, envoya Gregoire & Maïon évêque avec des lettres aux députez de l'empereur: mais à la pourfuite d'Anaftafe on les lia & on les fit garder, contre le droit des gens. Benoist y envoya encore Adrien fecondicier du faint fiege, & le duc Gregoire. Le len demain les députez de l'empereur manderent à tout le clergé, le fénat & le peuple, de venir audevant d'eux au-delà du Ponte-Mole, à quoi ils obéirent, & vinrent à l'églife de faint Leucius martyr, où les députez s'étoient arrêtez, & Anaftafe avec eux. De-là ils marcherent vers Rome, menant comme prifonniers, Adrien, Gratien & Theodore officiers du faint fiege, Ils entrerent dans la cité Leonine & dans l'églife de S. Pierre, où Anastase fit briser & brûTer l'image du concile, que le pape Leon'avoit fait peindre fur la porte, apparemment celui où il avoit été déposé.

Enfuite il entra dans Rome même à main armée, & dans le palais de Latran, & s'affit dans le trône pontifical, après en avoir fait ôter de force Benoift, par les mains de Romain évêque de Bagni. Il le fit auffi dépoüiller des habits pontificaux, & charger d'injures & de coups, & le donna en garde à Jean & Adrien. Pre

tres déposez par le pape Leon, pour leurs crimes. Alors toute la ville de Rome fut dans une grande confternation, & on n'entendoit que des cris: les évêques & les prêtres fe frappant la poitrine & fondant en larmes, étoient profternez devant les autels. Cela fe paffoit le famedi.

:

Le lendemain dimanche les évêques qui étoient à Rome s'affemblerent avec le clergé & Le peuple dans l'églife d'Emiliene; & les dépu tez de l'empereur y vinrent auffi. Ils monterent jufques à l'abfide, où les évêques étoient affis chantant avec le clergé, & leur préfentoient les pointes de leurs dards & de leurs épées, difant avec fureur Rendez-vous, & reconnoissez Anaftafe pour pape. Les évéques répondirent: Nous ne recevrons jamais un homme déposé & anathematifè par le pape & par un concile: nous le rejettons de toute l'affemblée ecclefiaftique. Les François voyant leur conftance, les quitterent en colere, & entrerent dans une chapelle de l'églife, où ils commencerent à déliberer & propofer divers avis. Ils contraigni rent les évêques d'Oftie & d'Albane d'y entrer & ayant commencé par la douceur, ils finirent par les menaces & leur dirent d'un ton trèsrude: Il y va de votre tête fi vous refufez de facrer Anaftafe. Les évêques répondirent, qu'ils. aimoient mieux fouffrir la mort & être mis en pieces; ils reprirent même les députez de l'empereur, & leur remontrerent par l'autorité de l'écriture l'injuftice de leur prétention. Alors les François fe mirent à parler en fecret en leur langue Tudefque après quoi ils parurent appailez.

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Le mardi matin les évêques s'affemblerent dans la grande églife de Latran, avec le clergé & le peuple, qui cria. à. haute voix : Nous vou

lons

AN. 855. lons le bienheureux pape Benoift; c'eft lui que nous défirons. Les députez de l'empereur étonnez de cette union du peuple, & voyant qu'ils ne pouvoient faire élire Anaftafe, affemblerent les évêques & quelques-uns du clergé dans une chambre du palais patriarcal. La difpute y fut grande mais les Romains apporterent de fi puiffantes raifons, que les François fe rendirent, & dirent aux évêques: Prenez celui que vous avez élû & le menez en telle églife qu'il vous plaira: nous allons chaffer de ce palais Anastafe, que vous dites être dépofé. Paffons trois jours en jeûnes & en prieres, puis nous ferons ce que dieu nous infpirera. Les évêques s'écrierent que l'on commençât par chaffer Anaftafe, & aufli-tôt on le fit fortir honteufement du palais patriarchal, & tout le peuple en rendit graces à Dieu.

Alors les évêques tirerent Benoift de l'églife où on le gardoit, & le menerent au palais de Latran, dans la bafilique du Sauveur: puis ils le mirent fur le cheval que montoit ordinaire ment le pape Leon, & le menerent comme en triomphe à fainte Marie majeure, où ils pafferent trois jours & trois nuits en jeûnes & çn prieres. Enfuite tous ceux qui avoient fuivi le parti d'Anaftafe vinrent dans la même églife baifer les pieds de Benoift; avoüant leur faute & le priant de les recevoir. Il les reçut à bras ouverts, les embraffa & les confola. Les députez de l'empereur s'y rendirent auffi, & lui parle rent en fecret avec amitié. Tous étant ainsi réünis, les êvêques remenerent Benoist au palais de Latran, chantant des hyinnes & accompagnez d'un grand peuple, & le remirent dans le trône V. Papebr. pontifical. Enfin le dimanche premier jour de Septembre 855. ils le menerent à l'églife de S. Pierre, où il fut facré folcmnellement, en pre

conat.

Len

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XX VII.

fence des députez de l'empereur Louis & de tout AN. 855 le peuple. Il tint le fiege deux ans & demi. Cependant l'empereur Lothaire étoit malade; & n'efperant pas d'en guerir, il se retira dans le Mort de l'empereur monaftere de Prum, où renonçant au monde • Lothaire il fe fit couper les cheveux & prit l'habit mona- Ann. Bert Atique. Il partagea les états qu'il avoit audeça & Fuld. des Alpes à fes deux fils qui étoient auprès de 855. lui, Lothaire & Charles : Celui-ci eut la Provence jufques vers Lyon, & Lothaire le refte juf ques aux embouchures du Rhin & de la Meufe; ce qui fut nommé le royaume de Lothaire ; & de-là eft venu le nom de Lotharinge ou Lorraine. L'empereur crut Louis fon fils aîné affez bien partagé ayant déja le royaume de Lombardie & le titre d'empereur. L'empereur Lothaire ne vêcut que fix jours depuis qu'il eut pris l'habit monaftique, & mourut le vingt-huitiéme de Septembre 855. ayant regné quinze ans depuis la mort de fon pere.

XXVIIT Mort de

Raban.

An. Fulde

856.

An. Fuld

Raban archevêque de Mayence mourut l'année fuivante 856. le quatrième jour de Février, après avoir rempli ce fiege huit ans. Outre les ouvrages dont il a été parlé, il écrivit dans les derniers tems de fa vie une lettre canonique à Heribal évêque d'Auxerre, qui l'avoit confulté fur plufieurs cas de penitence. Il fit paroître fa Baluz. poft. charité dans une grande famine dont l'Allema- Regin. gne fut affligée l'an 850. car étant dans un village de fon diocefe, il recevoit tous les pauvres 850. qui venoient de divers lieux, & en nourriffoit tous les jours plus de trois cens, outre ceux qui mangeoient ordinairement devant lui. Il vint entre les autres une femme fi épuisée qu'elle expira en entrant, avant que de pouvoir paffer la porte; & fon enfant ne laiffant pas de la teter toute morte qu'elle étoit, excita les larmes des affiftans. Un homme marchant avec la femme

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AN. 856.

Hiftoire Ecclefiaftique.

500 & fon enfant réfolut de le tuer pour s'en nour rir, & l'arracha des bras de la mere, qui s'écarta pour ne point voir ce fpectacle. Le malheureux pere ayant déja le coûteau tiré pour l'égorger, l'enfant vit de loin deux loups qui déchiroient une biche. Le pere y courut, les chaffa & vint trouver fa femme, lui apportant de cette viande. D'abord le voyant couvert de fang elle tomba prefque pâmée: mais il la confola en lui montrant fon fils. Ain, dit l'Analiste du tems, la neceffité les contraignit de manger de la viande défendue par la loi. Ce qui montre que les Chrétiens fe croyoient encore alors obligez à obferver la défenfe portée par la loi de Moïse, Evod.xx11. de manger de la chair des animaux tuez par des bêtes. Le fucceffeur de Raban dans le fiege de Mayence, fut Charles fils de Pepin, roi d'Aquitaine, qui obtint cette dignité par la volonté du roi Louis fon oncle, plutôt que par l'élection du clergé & du peuple. Il préfida à un concile à Ann Fuld. Mayence vers le commencement d'Octobre l'année fuivante 857.

31.XXXI. 8.

XXIX. Ethelulfe

roi d'An

gleterre. Ann. Bert.

85-5.

Ethelulfe roi d'Oueffex en Angleterre allant à Rome dès l'année 855. fut reçû magnifiquement en France par le roi Charles le Chauve que je nommerai déformais ainfi, pour le dif tinguer du jeune Charles fon neveu roi de Provence. Il donna à Ethelulfe tous les habits royaux, & le fit conduire jufques à la frontiere Anaft. in de fon royaume : mais il n'arriva à Rome que fous le pontificat de Benoift. Il offrit à S. Pierre une couronne d'or du poids de quatre livres, & plufieurs autres riches prefens, & fit une lar geffe publique au clergé & au peuple. A fon retour il s'arrêta en France, & épousa Judith An. Bert: fille du roi Charles le Chauve : les fiançailles 855. furent faites au moi de Juillet, & les nôces le premier d'Octobre à Verberie. Judith fut cou

Ben

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