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truifoit les moines de leurs devoirs. Enfin il
étoit le nourricier de tous les monafteres de
Provence, de Gothie & de Novempopulanie,
c'eft-à-dire, de Languedoc & Gascogne: tous-
l'aimoient comme leur pere, & le refpectoient
comme leur maître. Le grand foin qu'il prenoit
des pauvres faifoit que chacun lui portoit ce
qu'il leur vouloit donner. Il accompagnoit tou
jours l'aumône d'inftruction; & pour les moi-
nes, il leur parloit à toute heure, pendant les
nocturnes, en chapitre, au refectoir. Il nour-
riffoit dans fon monaftere des clercs & des moi-
nés de divers lieux, à qui il donnoit un maître,
pour les inftruire dans les chofes faintes. En un ”. 33×
mot, fa charité étoit fans bornes, il avoit la
confiance de tous les difciples, & étoit leur re-
cours dans leurs tentations: car fon talent étoit
merveilleux pour calmer les efprits agitez de
mauvaises penfees.

Cependant il avoit un peu relâché de fa pre- n. 31. miere aufterité, jugeant impoffible de la foûtenir: mais il ne laiffoit pas de travailler avec les autres à fouir la terre, à labourer, à moiffonner. Et nonobftant la chaleur du pays, à peine permettoit-il à perfonne de boire un verre d'eau, avant l'heure du repas. Ils n'ofoient en murmurer: parce qu'il étoit encore moins indulgent pour lui, que pour les autres. Pendant le travail, en allant & en revenant, on n'ouvroit la bouche que pour chanter des pleaumes. Depuis le jour de fa converfion jamais il ne mangea de groffe viande, mais en fes maladies il prenoit du bouillon de volaille: ce qui mon tre qu'il la croyoit plus permife, n'étant pas défendue nommément par S. Benoît. Il mettoit Reg. c. 4t en penitence ceux qui laiffoient perdre quelque feli le de chou & quelque petit grain de legumes, tant il aimoit la pauvreté. Le nombre de. C 7

fes

XXXVIII
Benoist re-

fes moines s'étant augmenté jufques à plus de trois cens, il fit faire un bâtiment long de cent coudées, & large de vingt, qui depuis conte noit plus de mille perfonnes; & il établit en divers lieux des cellules ou petits monafteres aufquels il donna des fuperieurs particuliers : c'eft ce que depuis on a nommé des prieurez. D'ailleurs quelques évêques touchez de fa forme plu- réputation, lui demanderent inftamment des heurs mo- moines pour fervir d'exemple aux autres. Il en envoya auffi vingt à Leidrade, archevêque de Lyon, pour rétablir le monaftere de l'ifle Barbe: & c'eft à cette communauté qu'Alcuin écrivit fous le nom des freres de Lyon, pour les exciter à la perfeverance, & les prémunir contre les erreurs venues d'Espagne: c'eft-àdire, la prétendue adoption de Felix d'Urgel & le batême par une feule immerfion. Il condamne auffi ceux qui mettoient du fel au pain de l'Euchariftie.

nafteres. c. 6.

ep. 69.70.

Maxim.

6. 3.

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Alcuin lui-méme ayant oiii parler de Benoist fe lia d'une étroite amitié avec lui, & lui écrivit tant de lettres qu'on en fit un recueil particulier. Il en obtint vingt moines, par le moyen defquels il fonda l'abbaye de Cormery. TheoMirac S. dulfe évêque d'Orleans demanda auffi des moines à Benoist d'Aniane, pour le monaftere de Mici ou de faint Mefmin, entierement défolé pendant la guerre du roi Pepin contre Gaifier duc d'Aquitaine. Il n'y reftoit plus de Carm. lib. moines, & leurs logemens étoient occupez par des hommes féculiers & des femmes, cu changez en écuries & en chenils. Theodulfe entreprit donc de rétablir ce monaftere, retira les biens ufurpez, & y en ajouta du fien, & Benoist lui envoya quatre moines, qui affemblerent avec le tems une grande communauté.

Theod

2.

On

peut rapporter à ces reformes de mo

nafteres

421. c. 130

7.10.

nafteres plufieurs articles d'un capitulaire publié par l'empereur Charles à Thyonville l'an tom. 1. pa 805. Il y eft ordonné que ceux qui viennent au monaftere, faffent leur noviciat, & demeurent enfuite dans la maifon, pour apprendre parfaitement la regle, avant que d'être envoyez aux c. 8. obédiences du dehors. Ceux qui quittent le monde pout éviter le fervice du roi, doivent fervir Dieu de bonne foi; & ceux qui fe confa. c. • crent à Dieu doivent choifir une des deux profeffions; & vivre en clercs fuivant les canons; ou en moines fuivant la regle. On ne donnera c. 14. point le voile aux jeunes filles avant qu'elles foient en âge de faire un choix fi important; & elles feront le noviciat. On ne recevera pas dans les monafteres trop de ferfs, de l'un ou de l'autre fexe, pour ne pas rendre deferts les vil lages. Les communautez ne feront point plus grandes que ce que chaque fuperieur pourra c. 15. conduire par fes confeils, & des laïques ne gouverneront point l'interieur du monaftere.

C. II.

C. I2.

Vita tom 5.
Act. Ben p.

La plus illuftre colonie d'Aniane fut le mo- XXXIX. naftere de Gellone, fondé par les liberalitez de S Guillem: Guillaume duc d'Aquitaine, qui s'y retira lui- du défert. même. Il étoit de la premiere nobleffe des François, fils du comte Theodoric & d'Aldane, 73.Boll.28. que l'on dit avoir été fils de Charles Mar- Maj to 17tel. Il fut inftruit dans les arts liberaux, la phi- p. 869, lofophie & les faintes lettres, & dans les exercices du corps convenables à la naiffance. Ses parens le recommanderent au roi Charles, pour fervir continuellement dans le palais auprès de fa perfonne ; & fa conduite y fut fi fage, que fans attirer l'envie il acquit une gran de réputation. Il étoit grand, bien fait de fa perfonne, & brave; & le roi Charles lui donna le premier emploi de fon royaume, l'envoyant à la tête de festroupes s'opposer aux Sarrafins,

avec le titre de duc d'Aquitaine. Il les chaffa d'Orange & remporta fur eux de grandes victoires, enforte qu'ils n'oferent plus revenir dans le pays.

Ayant ainfi rendu la paix à l'Aquitaine, il s'appliqua à y réparer les défordres de la guerre. Il travailloit jour & nuit aux affaires publiques tenoit la main à l'obfervation des loix, jugeoit les differends, protegeoit les pauvres & les foibles, & empêchoit les feigneurs d'abufer de leur pouvoir & d'opprimer leurs fujets. I prenoit un foin particulier des perfonnes & des lieux confacrez à Dieu : honoroit les prêtres, jufqu'à fe lever de fon fiége pour les recevoir;& donnoit tous les jours à l'autel des offrandes par leurs mains. Ses aumônes étoient immenfes. Il étoit libéral envers tous les monafteres, mais il protegeoit principalement ceux que le roi Charles avoit fondez ou réparez, & leur donnoit des terres & des penfions.

Voulant en fonder un nouveau, il chercha un lieu convenable; & le trouva dans les apres montagnes du territoire de Lodéve ; à mi-chemin de cette ville à Montpellier. On le nommoit Val-Gelon;& c'étoit un défert qui ne laiffoit pas d'avoir de l'agrément & de la commodité. Il y fit bâtir tous les lieux réguliers: un oratoire, un réfectoir, un dortoir, une infirmerie, un noviciat, une hôtellerie, un hôpital pour les pauvres, un four, une boulangerie & un mou in. Il mit la premiere pierre à l'églife, qui fur dédiée au Sauveur Les bâtimens étant bien avancez, il y fit venir des moines d'Aniane: qui n'en eft qu'à une lieuë, & dont l'abbé étoit fon ami & fon directeur. Il donna au nouveau monaftere, de grandes terres avec toms.aff. quantité de ferfs & de troupeaux, de riches or7.88. nemens & beaucoup d'or & d'argent. On a

Vita n. 10.

Vita Ben.n. 42.

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804.244.

encore la charte de cette fondation, dattée du dimanche quatorzieme de Fevrier, la trente- Coint. an. quatrieme année du regne de Charles comme roi de Gothie, la quatrieme comme empereur, qui eft l'an 804, Leduc Guillaume avoit deux Vita Vil feurs, Albane & Berthane, qui voulant confa- elmin ne crer à Dieu leur virginité, prierent leur frere à genoux & avec larmes, de les offrir en fa nouvelle églife pour comble de fes offrandes. Il le fir, & c'eft un exemple fingulier de perfonnes. adultes offertes par d'autres. Les deux faintes filles formerent un petit couvent, dont l'églife dediée à faint Barthelemi fubfifte encore à vingt pas du grand monaftere.

Le duc Guillaume étoit au plus haut point de profperité temporelle, comblé d'honneur & de richeffes, ayant plufieurs enfans & une femme dont il étoit aimé, chéri de fon prince & honoré de tous: il jotiiffoit du repos qu'il avoit procuré au pays par fes victoires. Mais l'amour de Dieu lui rendoit infipides tous les plaifirs & toute la gloire du fiecle. L'exemple de fes fœurs le touchoit, & il avoit honte de leur ceder en courage. La vie des moines de Gelone lui donnoit une fainte jaloufie, & il fe déplaifoit à lui-même. L'empereur Charles l'ayant alors mandé pour quelque affaire importante, le reçut avec toute la joye & l'affection poffible; & tous les feigneurs, particulierement les parens, lui témoignerent les mêmes fentimens : mais il n'en fut point ébranlé, & s'affermit dans la réfolution de quitter le monde. Il crut devoir à l'empereur comme à fon ami, de ne le pas faire fans fa permiffion: il la demanda. Charles ne put la refufer ni retenir les larmes en l'accordant Il voulut lui faire de grands prefens, mais le duc ne lui demanda qu'une relique de la vraye croix, que le prêtre Zacha- Sup.nxx1

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