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marques qu'a faites M. du Verney fur les cœurs de la Grenoüille, de la Vipere & de la Carpe, foient plus juftes que celles de la Tortuë? Non, fi j'avois quelque interest d'y prendre part, comme à celles de ce dernier animal, je pourrois bien faire voir qu'il eft auffi changeant dans celles-ci que dans les autres: mais comme cela ne me regarde pas, je me contenteray de rapporter feulement une feuie preuve de fon instabilité dans la diftribution qu'il fait des vaiffeaux du cœur de la Carpe, & fur leur ufage.

Il ne fort du cœur de ce poiffon qu'un feul tronc d'artere, qui fe divife en plufieurs rameaux. Par la divifion que M. du Verney nous en a donnée, il nous apprend page 243. premierement que chaque artere en coulant le long de la ba Se de chaque feuillet, jette autant de paires de branches qu'il y a de paires de lames, & fe perd entierement à l'extrémité du feuillet, enforte que l'aorte & fes branches ne parcourent de chemin que depuis le cœur jufqu'à l'extremité des oüies où elles finiffent.

a été terran

Si cela est ainsi, pourquoy M. du Verney prenant com. me il fait les oüies pour les poûmons de la Carpe, donnet-il à l'artere du poûmon le nom d'aorte? Quelle raifon a-t-il euë de ruïner par des découvertes faites avec précipitation des obfervations de vingt-cinq années ? qui portoient au contraire, fecondement: Que ces branches de page 24 4. l'aorte ayant parcouru ces arcs, & fourni comme on adit une Ce paffage branche à chacune des lames, dont les oies font composées, viennent en fortant des arcs fe réunir deux à deux en differens mis le pre- endroits. Car celles qui fortent des deux dernieres paires d'arcs après avoir fourni des rameaux qui fe diftribuent à la téte, aux organes des fens, & aux parties voifines, venant à se réïnir, ne forment plus qu'un tronc, lequel defcendant fous la bafe du crane, reçoit dans fon cours les branches des deux premiers ares, après qu'elles fe font réunies enfemble, & ce méme tronc continue fon cours en defcendant le long des vertebres pour se diftribuer à toutes les autres parties.

ché; on a

cedent à la

place.

Par le premier de ces deux paffages, il est évident que l'aorte

l'aorte porte feulement dans les oüies toutes les branches, & tout le fang qu'elle reçoit du cœur de la Carpe. Par le fecond il paroît qu'elle le diftribuë en même tems par fes differentes branches à toutes les parties du corps de ce poiffon : mais non, ce font les veines des oüies qui leur envoïent tout le fang dont elles ont befoin pour leur nourriture. C'est le même M. du Verney qui nous l'apprend dans ce troifiéme paffage; écoutons-le parler.

Troifiémement. Sur le bord de chaque lame il y a, dit-il, pag. 244. nne veine, & chaque veine vient fe décharger dans un trone qui coule dans la goutiere de chaque arc. Ces veines fortant de l'extremité de chaque arc qui regarde la base du crane. prennent la confiftance d'arteres, & viennent le réunir deux à deux de chaque côté. Celle, par exemple, qui fort du quatrié. me arc après avoir fourni des rameaux qui diftribuent le fang aux organes des fens au cerveau & à toutes les autres parties de la tête, vient fe joindre avec celle du troifiéme arc; ainfi elles ne font plus qu'une branche. Cette branche après avoir fait environ deux lignes de chemin, s'unit à celle du côté oppofé, & les deux ne forment plus qu'un tronc, lequel coulant Sous la bafe du crane, reçoit aufli рец de tems après de chaque côté une autre branche formée par la réunion des veines de la Seconde & de la premiere paires d'arcs. Ce tronc continuë fon cours le long des vertebres, & diftribuant le fang à toutes les autres parties, fait la fonction d'aorte defcendante. Ces mémes veines par leur autre extremité qui regarde la naissance des arcs, viennent fe décharger dans un tronc qui va s'inferer dans le réservoir.

Voilà des découvertes auffi étonnantes que nouvelles. Quoy, eft-il croïable que les veines des oüies puiffent fervir à porter le fang dans toutes les parties du corps de la Carpe, & à le rapporter des parties au cœur? Quel autre que M. du Verney pourra s'imaginer que ces veines & le tronc qu'elles forment par leur réunion en fortant des oüies, pennent la confiftance d'artere, & que moins avoir les mouvemens de diaftole, & de fistole qu'on remarque aux arteres dans tous les autres animaux, elles

fans nean

Ccc

pag. 258.

Page 244.

a été retran

foient capables de diftribuer le fang à toutes les parties du corps de ce poiffon, & que fans reprendre la confistance de veines, elles en aïent cependant l'usage?

Quelle extraordinaire force ne faudroit-il point au cœur de la Carpe pour entretenir par fon feul mouvement la circulation du fang? M. du Verney a-t-il oublié fon Anatomie comparée à laquelle il me renvoïe dans fa Critique, & qui lui a tant fervi, à ce qu'il dit, à éclaircir la structure & l'ufage des parties du corps de l'homme ? Quel befoin n'avoit-il pas de recourir en cette occafion à fa methode pour fe détromper? S'il s'étoit donné la peine d'examiner le cœur & les parties de la refpiration dans l'homme, je fuis fûr qu'il ne fe feroit pas pû tromper fur le veritable ufage des veines de la Carpe.

Qui pourra s'empêcher de douter de la verité de ces étranges découvertes, fur tout quand on fçaura que fes anciennes obfervations faites dans un tems où il étoit fecouru de M. de la Hire, qu'on fçait être très-exact dans tout ce qu'il fait, portent tout le contraire de ce que vient de nous dire M. du Verney? Ce quatrième paffage que je vais rapporter en fait foy.

l'aorte

Quatrièmement. Chaque lame foûtient, dit-il, une branCe paffage che de veines, & toutes fes veines viennent fe décharger dans ché; celui un tronc qui coule dans la goutiere de chaque arc: lorsqu'elles qui le pre- en fortent, elles fe réuniffent de la même maniere que mis à la pla- s'étoit divifée, c'est-à-dire deux à deux, & elles ne forment ce. Mrs de plus qu'un tronc, qui en coulant par deffus l'aorte entre les deux la Hire & lobes des oüies, reçoit plufieurs veines des parties voisines, & furent en vient s'inferer au côté droit du réservoir.

cede a été

voicz en 1679. de la

part du Roy

dans les Ports de

mer pour

Il n'eft point dit dans ce paffage que les veines des oüies prennent, lorfqu'elles en fortent, la confiftance d'arteres, ni qu'elles diftribuent le fang à toutes les parties à la maniere des arteres ; il paroît qu'elles fervent feulement, travailler à comme dans tous les autres animaux, à rapporter le fang l'Anatomie des oüies au cœur de la Carpe. Par le paffage qui prefons. cede celui-ci, on a vû cependant que les veines des oüies fervent & à porter le fang qu'elles reçoivent de toutes

des Poif

les branches de l'aorte dans toutes les parties du corps de la Carpe, & à le rapporter auffi de ces mêmes parties dans le cœur de ce poiffon. Quelle contradiction!

Peut-être me dira.t-on que mal à propos je fais cette objection à M. du Verney; parce qu'étant permis à un Auteur de fe corriger, il a pû dans le tems même de l'impreffion de fa piece en retrancher, comme il a fait, fes anciennes obfervations qu'il a crû fauffes, pour mettre à leur place fes nouvelles découvertes qu'il croit vraies.

Je tombe d'accord que cette liberté eft permife à un Auteur, mais le changement qu'il a fait ne nous tire pas de l'incertitude où il nous a mis par fes nouvelles remarques car je vais faire voir qu'il retombe dans la même contradiction fans fe corriger; ainfi on ne peut pas fçavoir fi la verité fe trouve plûtôt dans fes nouvelles que dans les anciennes obfervations. Les deux paffages que je vais rapporter ne prouvent que trop clairement contre lui ce que j'avance.

Cinquièmement. Quogque les poiffons ayent, dit-il, beau- pages 249. coup de rapport avec ces animaux: c'eft des Tortues, des & 250. Serpens & des Viperes qu'il parle ; cependant la circulation s'y fait d'une maniere differente, puifque le fang qui fort du cœur à chaque batement, fe diftribue dans les ouies par un nombre infini de petites arteres qui couvrent les furfaces de toutes les lames dont elles font compofées, & que les veines qui rapportent ce fang le diftribuent à toutes les parties à la maniere

des arteres.

Il eft auffi aifé de voir par ce cinquième paffage, que par le troifiéme, que ce font les veines des ouies qui diftribuent le fang à toutes les parties, & qui le rapportent au cœur. Par le fixiéme qui va fuivre, il est visible, comme par le quatrième, que c'est l'aorte qui par fes differentes branches le diftribue aux ouies & à toutes les parties du corps de la Carpe. C'eft M. du Verney qui nous l'apprend lui-même, en nous difant que, fixiemement, les trois cavitez du cœur de la Tortue ne font en effet qu'un feul ventricule peu different de celui du cœur des poiffons & des

Cce ij

page 256.

grenouilles, & les trois arteres qui répondent à ces trois cavitez, n'ont ensemble dans la Tortuë que la même fonction qu'a l'artere du cœur de ces autres animaux, qui eft de diftribuer le Sang en même tems & au poûmon & à toutes les autres parties du corps. Donc s'il eft vrai que l'artere qui fort du cœur des poiffons diftribue le fang en même tems & aux oüies & à toutes les autres parties du corps, il eft donc faux premierement que les veines des ouies de la Carpe, que M. du Verney prend pour fes poûmons, diftribuent le fang à toutes les parties de ce poiffon à la maniere des arteres, comme il eft marqué dans le cinquième paffage.

Secondement, il n'eft pas vrai encore que l'aorte & fes branches ne parcourent de chemin que depuis le cœur jufqu'à l'extremité des oüies où elles finiflent, comme porte le premier. Voila donc & la ftructere & la diftribution nouvelle des veines des ouies de la Carpe, & leur ufage nouveau que leur a donné M. du Verney, & qu'il a tant vantez à l'Academie, détruits par fa derniere obfevation; puifqu'er fin la fonction qu'a l'artere du cœur des poiffons, eft de diftribuer le fang en même tems & au poûmon & à toutes les autres parties de leur corps.

Comment accordet enfemble des obfervations fi contraires? Il faudroit être bien peu habile en Anatomie pour ne fe pas appercevoir que M. du Verney les détruit toutes les unes par les autres.

Pour réponse, nous dira-t-il que la nature n'a pas donné aux mêmes vaiffeaux fanguins des Carpes qu'il a diffequées, la même ftructure; qu'elle en a varié la distribution, & les a destinées à des ufages differens; que c'est une découverte qu'il a faire, & que les remarques qu'il a données fur cela, font inferées dans l'Hiftoire de l'Academie? Mais n'y a-t-il pas bien plus d'apparence quand il voit les mêmes faits fi differemment, que ce font les yeux qui le trompent, ou la memoire qui lui manque, quand il tombe & retombe dans de fi manifeftes contradictions?

Pour éviter cet écueil funefte à la réputation qu'il s'eft acquife par tant de pénibles travaux, ne devoit-il pas fuivre

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