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Cependant je ne recommande point cette maniére de compter, pour la faire introduire à la place de la prati que ordinaire par dix. Car outre qu'on eft accoûtumé à celle-cy, on n'y a point befoin d'y apprendre ce qu'on a déja appris par cœur : ainfi la pratique par dix eft plus abre gée, & les nombres y font moins longs. Et fi on étoit accoutumé à aller par douze ou par feize, il y auroit encore plus d'avantage. Mais le calcul par deux, c'est-à-dire par o & par 1, en récompenfe de fa longueur, eft le plus fondamental pour la fcience, & donne des nouvelles decouvertes, qui fe trouvent utiles enfuite, même pour la pratique des nombres, & fur tout pour la Geometrie, dont la raifon eft, que les nombres étant réduits aux plus fimples principes, comme o & 1, il paroît par tout un ordre merveilleux. Par exemple, dans la Table même des Nombres, on voit en chaque colonne regner des periodes qui recommencent toûjours. Dans la premiere colonne c'eft oi, dans la feconde oort, dans la troifiéme 00001111, dans la quatrième 00000000ш, & ainfi de fuite. Et on a mis de petits zeros dans la Table pour remplir le vuide au commencement de la colonne, & pour mieux marquer ces periodes. On a mené auffi des lignes dans la Table, qui marquent que ce que ces lignes renferment revient toûjours fous elles. Et il fe trouve encore que les Nombres Quarrez, Cubiques, & d'autres puiffances; item les Nombres Triangulaires, Pyramidaux & autres nombres figurez, ont auffi des femblables periodes: de forte qu'on en peut écrire les Tables tout de fuite, fans calculer. Et une prolixité dans le commencement, qui donne enfuite le moyen d'épargner le calcul, & d'aller à l'infini par regle, eft infiniment avantageuse.

Ce qu'il y a de furprenant dans ce calcul, c'eft que cette Arithmetique par o & 1 fe trouve contenir le myf tere des lignes d'un ancien Roy & Philofophe nommé Fohy, quon croit avoir vêcu il y a plus de quatre mille ans, & que les Chinois regardent comme le Fondateur de leur Empire & de leurs fciences. Il y a plufieurs Figu

res Lineaires qu'on lui attribuë Elles reviennent toutes à cette Arithmetique; mais il fuffit de mettre icy la Figure de huit Cova comme on l'appelle, qui paffe pour fondamentale, & d'y joindre l'explication qui eft manifefte, pourvû qu'on remarque premierement qu'une ligne enfignifie l'unite ou 1, & fecondement qu'une fignifie le zero ou o.

tiere

ligne brifée

I,

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Les Chinois ont perdu la fignification des Cova ou Lineations de Fohy, peut être depuis plus d'un millenaire d'année; & ils ont fait des Commentaires là-deffus, où ils ont cherché je ne fçay quels fens éloignes. De for. te qu'il a fallu que la vraie explication leur vînt mainte. nant des Européens: Voicy comment. Il n'y a gueres plus de deux ans que j'envoyay au R. P. Bouvet Jeluite François celebre, qui demeure à Pekin, ma maniere de compter par o & 1, & il n'en fallut pas davantage pour le faire reconnoître que c'eft la clef des Figures de Eohy. Ainfi m'écrivant le 14 Novembre 1701, 1701, il m'a envoye la grande Figure de ce Prince Philofophe qui va à 64, & ne laiffe plus lieu de douter de la verité de nôtre interpretation; de forte qu'on peut dire que ce Pere a déchiffré l'Enigme de Fohy à l'aide de ce que je lui avois communiqué. Et comme ces Figures font peut-être le plus ancien monument de fcience qui foit au monde, cette restitution de leur fens, après un fi grand intervalle de tems, paroîtra d'autant plus curieufe.

Le confentement des Figures de Fohy & de ma Table des Nombres, fe fait mieux voir lorfque dans la Table on fupplée les zeros initiaux, qui paroiffent fuperflus, mais qui fervent à mieux marquer la periode de la colon

ne,

ne, comme je les y ay fuppleés en effet avec des petits ronds pour les diftinguer des zeros neceffaires, & cet accord me donne une grande opinion de la profondeur des meditations de Fohy. Car ce qui nous paroît aife maintenant ne l'étoit pas tant dans ces tems éloignés. L'Arithmetique Binaire ou Dyadique eft en effet fort aisée aujourd'huy pour peu qu'on y penfe, parce que nôtre maniere de compter y aide beaucoup, dont il femble qu'on retranche feulement le trop. Mais cette Arithmetique ordinaire par dix ne paroît pas fort ancienne, au moins les Grecs & les Romains l'ont ignorée, & ont été privés de fes avantages. Il femble que l'Europe en doit l'introduction à Gerbert, depuis Pape fous le nom de Sylveftre II, qui l'a euë des Maures d'Espagne.

Or comme l'on croit à la Chine que Fohy eft encore Auteur des Caracteres Chinois, quoique fort alterés par la fuite des tems: fon Effay d'Arithmetique fait juger qu'il pourroit bien s'y trouver encore quelque chofe de confiderable par rapport aux nombres & aux idées, fi l'on pouvoit déterrer le fondement de l'Ecriture Chinoise, d'autant plus qu'on croit à la Chine, qu'il a eu égard aux nombres en l'établiffant. Le R. P. Bouvet eft fort porté à pouffer cette pointe, & très capable d'y réüffir en bien des manieres. Cependant je ne fçay s'il y a jamais eu dans l'Ecriture Chinoife un avantage approchant de celui qui doit être neceffairement dans une Caracteristique que je projette. C'est que tout raifonnement qu'on peut tirer des notions, pourroit être tiré de leurs Caracteres par une maniere de calcul, qui feroit un des plus importans moyens d'ayder l'efprit humain.

17.03. 12 May.

OBSERVATION

Sur une Hydropifie particuliere.

PAR M. LITTRE.

"Ay fait l'ouverture du cadavre d'une Demoiselle âgée de 40 ans, qui étoit d'un temperament atrabilaire, & qui avoit eu 3 enfans avant que de tomber malade. Elle étoit morte d'une espece d'hydropifie afcite, qui avoit duré 5 ans. Pendant toute la maladie fes urines avoient été affés belles, & dans une quantité à peu prés proportionnée à celle de fa boiffon, & à la qualité des alimens qu'elle prenoit ; fes regles ne lui avoient jamais manqué que les 2 derniers mois de fa vie, durant lefquels elle avoit eu de frequens maux de cœur, des palpitarions, des envies de vomir & des foibleffes, la matiete qu'elle avoit rendue par les felles, étoit noire & d'une puanteur infupportable.

Un Chirurgien des plus habiles de Paris, voyant que les remedes qu'on faifoit à la malade, ne produifoient aucun effet, lui fit une ponction au ventre pour en tirer les eaux qui y étoient contenuës, mais fon operation fut toutà fait infructueuse, parce qu'il n'en fortit pas une feule gourre.

Avant que de faire l'ouverture du cadavre de cette Demoiselle, je l'examinai par tout. Je n'y remarquai que beaucoup de maigreur, & de l'enflure feulement au venttre, qui me parût même fort finguliere: Car 1°. elle n'occupoit qu'une partie du ventre. 2o. En frappant avec la main le ventre à la maniere ordinaire, je ne fentois de la Auctuation qu'à l'endroit de l'enflure. 3°. Les tegumens du ventre dans toute l'étenduë de l'enflure, étoient durs & fort tendus, quoique par tout ailleurs ils fuffent fans tenfion, & qu'ils euffent à peu près leur moleffe naturelle.

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