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rien tiré de ce cadre. La princeffe Camion mérite d'être diftinguée, & nous en avons fait ufage.

Léonille eft un roman qui doit être lu : fon auteur mérite de jouir de toute la réputation que fon ouvrage lui a procuré.

Comme on ignoroit le fort de mademoifelle de Lubert, on la croyoit encore vivante en 1779. La lettre fuivante, inférée dans le Journal de Paris de la même année, No. 69, a défabusé le public.

L'OMBRE de Mlle. DE LUBERT, à l'Auteur de l'Almanach des Dames Illuftres.

« QUOIQUE retirée dans un des fombres bofquets de l'Elifée, Monfieur, & très-peu occupée de ce qui fe paffe fur la terre je n'ai pas été moins fenfible à la magnifique Oraifon Funèbre que vous avez daigné faire de moi dans votre Almanach, Je ne m'attendois pas à être célébrée après ma mort, moi, qui dans ma vie ne me fuis jamais avisée de vouloir être célèbre. Les ouvrages que j'ai faits n'ont été que des amusemens de mes lecteurs, je ne prenois feulement pas la

peine de les corriger, encore moins de les relier; il n'y a rien qui n'y paroiffe. En un mot, monfieur, j'ai toujours pensé que ces ouvrages me précéderoient aux Champs Elifées, & qu'ayant paffé le fleuve de l'Oubli, je n'aurois pas à rougir ici de trouver quelqu'ombre qui fe fouvint de les avoir lus. Ce n'est pas que toute ombre que je fuis je ne fois autant reconnoiffante qu'une ombre peut l'être des louanges que vous voulez bien donner à ces bagatelles je n'en ai cependant pris aucune vanité; dans notre fombre royaume on n'y eft pas fujet. J'avois retenu de mon vivant que les actions des hommes étoient louées & blamées fort légèrement, & que furtout les Oraifons Funèbres n'étoient que des recueils de menfonges. Comme on fe défabufe ici de beaucoup d'erreurs, je pense différemment, me fouvenant qu'un fage, dont j'ai oublié le nom, difoit fort prudemment; qu'il faut attendre la mort des gens pour pouvoir les louer juftement. Ce fouvenir heureux va me faire quitter ma folitude, puifque je puis jouir de ma gloire & m'acofter de mesdemoiselles Lhéritier & Scudéri. N'étant qu'une ombre, je ne dois pas craindre qu'elles me faffent

mourir d'ennui; ainfi je pourrai me vanter avec elles de n'être pas réduite, ainfi que je croyois, comme feu Aftrate, dont on a dit unánimément : Aftratus vixit. Voilà du latin quoique je ne l'ai jamais fu; mais ayant ici Ovide, Horace & Virgile, il feroit beau voir que je ne puffe les interroger ou leur répondre. J'attends aussi ici très-impàtiemment un M. de Baftide, qui, dans fes mmenfes volumes de Contes Bleus, a dit, par deux fois, très-difcrètement à l'oreille du public, dans la crainte qu'il ne l'oubliât, que j'étois encore vivante : pour moi, qui ne fais qu'en dire après votre respectable témoignage, je ne me mêlerai point de décider entre vous deux ; c'est à vous, Meffieurs, à démêler la fusée, & à juger qui a tort ou raifon; mais au moins que je fache à quoi m'en tenir. Votre fervante DE LUBERT, au mille & unième bofquet des Champs Elifées ». Cette lettre pouvoit être plus plaifante, & ménager davantage Mademoiselle de Lubert, que l'Auteur juge avec trop de rigueur; il avoit oublié qu'elle avoit mérité, dès fa plus tendre jeuneffe le furnom de mufe & de grâce que M. de Fontenelle, Voltaire & les littérateurs les plus diftingués lui avoient donné.

Voici les vers qu'elle adreffa en 1772 à M. de la Condamine. On y retrouve cette facilité qu'on a toujours aimée dans fes ouvrages elle avoit alors foixante-deux ans.

D'Ajax impétueux & du fubtil Uliffe,
Vous avez chanté les débats :

Ovide courut cette lice,

Et de près, vous fuivez fes pas.

Dans l'âge où tout s'éteint, votre feu femble croître :
Homère, comme vous, brava le froid des ans.
Le vrai génie a le droit de renaître,

Et pour lui, la vieilleffe eft un nouveau printemps;
Mais quand vous rempliffez fi bien tous vos momens
Par les talens nouveaux que vous faites paroître,
Je vous trouve un défaut, vous l'ignorez peut-être,
Vous êtes par trop fourd aux applaudiffemens.

RÉPONSE.

OUI, je renais en ce moment,
Mufe & grâce (1) me rend la vie,
Mon cœur s'ouvre à la mélodie
De fon aimable compliment
Sur la nouvelle rapfodie

Qu'une vieille mufe engourdie
Lut hier témérairement

A la Françoife Académie

Qui le reçut bénignement,

(1) Noms que M. de Voltaire a donnés à Mlle.

de Lubert.

Et le but jufques à la lie.
On dit affez communément
Que la pitié nous humilie,

Et qu'il vaut bien mieux faire envie :
J'ofe penfer différemment.

Je dois à la pitié l'indulgence publique,
Et je me fens flatté de ce doux fentiment
Qu'on s'avoue à foi-même, & qui m'eft fympatique,
D'Alembert, élégant, non moins que pathétique,
Annonça le vieux débutant.

L'Auditeur fe difoit, peut-être en m'écoutant,
Cela fe gagne en Amérique,

Il peut m'en arriver autant.

Comme lui, d'un chef-d'œuvre antique,
Je traduirai les vers, fut-ce en ftyle gothique;
Comme lui je pourrai braver l'événement,
Je ferai fourd à l'applaudiffement,
Et plus encore à la critique.

LUSSAN (Mademoiselle DE), on la croit fille naturelle du célèbre prince Eugène de Savoye & d'une courtifanne nommée Fleury; fa mère répara du moins fon inconduite, en donnant à fa fille une édu-. cation très-foignée. Elle avoit à peine vingtcinq ans qu'elle étoit liée d'amitié avec le favant Huet, évêque d'Avranches, qui l'invita à compofer des romans; ce genre étoit analogue à fon caractère & à ses penchans; car elle étoit laide, fenfible &

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