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» mes ces caractères qu'il lit gravés fur la

>> pierre ».

ICI REPOSE

L'HOMME DE LA NATURE ET DE LA VÉRITÉ.

Revenu à foi, on ne peut fe défendre de chercher des yeux le tombeau de Voltaire, & de defirer qu'une main amie lui élève un femblable monument. Qu'on aimeroit à les voir l'un auprès de l'autre ! Rousseau, Voltaire, noms auguftes! Sans doute ces deux grands hommes n'avoient point de rapport ensemble. L'un profeffa la philofophie douce & polie de Platon & du Licée, l'autre eut prefque toujours la morgue de Diogène; mais l'un & l'autre furent quelquefois infpirés par le démon qui inspira Socrate, & cela quand il falloit réclamer tous les droits de la nature trop long-temps profcrits par des inftitutions barbares; l'autre pour répandre la tolérance dans les opinions, l'humanité dans nos codes criminels, l'humanité fur le trône, Voltaire préfenta avec aménité des vérités pratiques. Rouffeau ne ménagea point affez notre foibleffe. Tandis que Voltaire pro

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menoit fur le globe un œil obfervateur & préparoit avec adreffe un appareil falutaire aux cicatrices qu'entretenoient l'opinion & la tyrannie, Rouffeau folitaire renfermé, mettant une barrière entre fon fiècle & lui, alla chercher dans les anciens philofophes, une terre vague pour faire le procès à l'humanité. Voltaire vouloit le bien & n'avoit pas de fyftême; Rousseau, en voulant le bien, s'occupa trop d'un fyftême défolant; Voltaire étoit digne de parler à des nations policées; Rousseau pouvoit parler aux mères le langage de la nature, & Licurgue nouveau, dicter à des républicains le pacte focial, apprendre à l'homme libre jufqu'à quel point l'individu doit facrifier l'intérêt privé à l'intérêt national. Ces deux hommes célèbres n'eurent point de rapport entr'eux; mais ils eurent les mêmes motifs : ils ont des titres égaux à nos hommages.

Nous avons inféré dans notre collection un Conte de Fée, intitulé la Reine Fantafque, qui prouve que Rousseau favoit prendre tous les tons & être partout ou fublime, ou ingénieux. Nous invitons nos lecteurs à

temps on n'a fu peindre les mœurs anciennes avec ce charme & cette touchante vérité.

Combien on doit regretter qu'il ait eu à parcourir une vie agitée & mêlée de tant de contrariétés. La douleur & les chagrins ont fait tomber la plume de ses mains; la mifantropie lui a défendu de la reprendre, & nous avions prefque perdu un grand homme, quoiqu'il vécut encore parmi nous. Nous nous difpenferons de donner la lifte de fes ouvrages. Qui ne connoît, qui n'a lu toutes les productions de cet auteur ! Lui feul a eu le fecret de faire lire par les femmes les ouvrages les moins fufceptibles de leur attention.

M. le Brun, connu par des Odes dans le genre pindarique, & qui s'élève souvent à la hauteur du grand Rouffeau, a compofé l'épitaphe fuivante :

Parmi ces peupliers qu'entoure une onde pure,
La cendre de Jean-Jacques honore ce tombeau :
C'eft ici que repofe au fein de la nature,
Son peintre, fon amant, fon Génie & Rouease.

SAGE

S

SAGE (Alain-René LE), naquit à Van~ nes (1) en Baffe - Bretagne, vers l'année 1668. Son père étoit riche, il le perdit de bonne heure ainfi que fa mère, & il paffa fous la tutelle d'un oncle que la nature avoit formé le plus négligent des hommes.

Sa fortune & fon éducation fouffrirent également des défauts d'un pareil tuteur. Elles allèrent l'une & l'autre en fens contraire, comme elles devoient aller. La fortune s'éclipfa rapidement, & les études du jeune le Sage furent conduites avec tant

(1) Les écrivains de l'Histoire du Théâtre François le font naître (Tom. XV, pag 4 ), à Ruys, isle de la Bretagne, en quoi ils ont été fuivis par l'auteur de Za Bibliothèque du Théâtre François; mais outre qu'il n'y a point d'isle en Bretagne du nom de Ruys, & que Saint-Gildas de Ruys, à deux lieues de Vannes, qu'ils ont eu probablement en vue, eft terre-ferme ; l'autorité du fils. de le Sage qui, dans une lettre fur la vie de fon père, lui donne Vannes pour patrie, me femble préférable à celles de deux étrangers, comme MM. Parfait, quoiqu'en général ils foient très-exacts. De Beauchamps qui, dans fes Recherches fur les Théatres, dit que le Sage eft de Paris, fe trompe.

de lenteur, qu'étant venu à Paris, en 1693, âgé de vingt-cinq ans, fon principal deffein étoit d'y faire fa philofophie.

Heureusement il avoit eu de bons maîtres, & un excellent fond, les femences qu'on y jeta, pour s'être développées tard, n'en germèrent & n'en produifirent que mieux enfuite. Le père Bochard, jéfuite, fils du préfident de ce nom, & qui depuis ayant quitté la fociété, fe fit connoître fous le nom de l'abbé principal du collège de Vannes, pendant que le Sage y étudioit, s'étoit attaché à lui; il prit plaifir à cultiver fon inclination pour la belle littérature, & à lui former ce goût pur qu'il a fidellement confulté dans tous fes ouvrages.

Peu de temps après fon arrivée dans la capitale, le Sage, avec beaucoup d'efprit & une figure très agréable, fe trouva répandu dans les meilleures fociétés, dont on fut ravi de lui voir partager les agrémens, qu'il augmentoit par fa présence; ce fut fans doute une de ces occafions que la fcène civile offre affez communément à ceux qui s'y diftinguent, qui lui procura la connoiffance de cette femme de condition, laquelle, felon les historiens du théâtre

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