propre, l'union fréquente des idées religieufes & des idées de morale, enfin une certaine gravité majeftueufe qui tient à la fois à la fimplicité des mœurs & à la pompe de l'imagination: deux caractères dominans des orientaux fe retrouvent dans l'ouvrage de M. de Saint-Lambert; nous n'avons pas befoin de dire que l'auteur a fu, à la palme des talens, unir les tributs d'une eftime journalière. Puiffe-t-il en jouir longtemps, & contribuer au bonheur de fes amis qui ne pourroient fe paffer de fa préfence ! SAURIN (Bernard-Jofeph), né à Paris, avocat de l'Académie Françoife, mort en 1782. Il étoit fils de Jofeph Saurin de l'académie des fciences de Paris, qui fut accufé par Jean-Baptifte Rousseau d'être l'auteur des Fameux Couplets qui firent exiler ou plutôt bannir le poëte lyrique. Bernard Saurin vivoit dans le grand monde & favoit s'y faire eftimer : fes vertus (dit M. de Nivernois) étoient fans fafte, fon commerce étoit fans épines, une certaine pétulance dans la difpute donnoit à fa fociété quelque chofe de piquant, fans y rien mêler de fâcheux : c'étoit de la véracité & non pas de l'orgueil; on dit que dans la jeuneffe de M. Saurin, cette effervefcence alloit jufqu'à une espèce d'emporte ment; mais la raifon l'avoit réduite à n'être que de la vivacité, & fous cette forme plus douce, il l'a confervée jufqu'à fon dernier jour. M. Saurin jouiffoit toujours d'une belle mémoire, d'une imagination féconde, étudioit, compofoit avec fuccès à la fin de fa vie: comme on voit quelque chêne antique & courbé par les orages, pouffer des rejetons vigoureux & verdoyans, fon efprit & fon caractère n'ont jamais rien perdu de leur énergie, & fachant allier à l'énergie la circonfpection & la mesure, ce qui eft fi rare & fi digne d'éloges, il n'a jamais rien outré, rien exagéré même dans la culture de la fageffe & de la philofophie. Une lettre de Mde. Saurin qui eft à la tête du recueil des œuvres de fon mari, nous apprend qu'il a exercé pendant quinze ans la profeffion d'avocat, qu'il avoit plus de quarante ans lorfqu'il lui fut loifible de fe livrer à fon goût pour les lettres, qu'il pouffoit fi loin la modeftie, que dans la con fiance la plus intime, & pendant une longue fuite d'années, perfonne ne lui a jamais entendu parler de lui-même, qu'il étoit vrai, jufte, bienfaifant, indulgent, quoi. qu'auteur; affez gai, malgré l'apparence, & qu'il n'avoit jamais pu vaincre la terreur que lui infpiroit la feule idée de la mort; je me trouve bien ici, disoit-il, pourquoi ne puis-je y refter encore quarante ans? On peut ajouter qu'il eut des amis, & qu'il les aima; nous fûmes tous attendris jufqu'aux larmes quand nous entendîmes ce vieillard réciter dans une féance de l'académie françoife, ces vers à l'ombre de Voltaire, de fon ami. VERS A L'OMBRE DE VOLTAIRE, PAR M. SAURIN; Récités à la Séance de l'Académie Françoife & 1779. O toi! dont la Mufe immortelle, Sera des âges à venir: Toi, qui nous privas fi long-temps Du plaifir de te voir, du charme de t'entendre, De ce Grand Homme, encor tout m'offre ici les traits Oui, tu me parles, je te vois : C'eft avec cette grâce, avec ce fin fourire, Tu mettois fous nos yeux & l'exemple & les loix. Notre ame fufpendue à tes moindres difcours, Nous nous plaifions à t'admirer. Que n'ai-je un moment ton génie ! J'oferois...... Vain fouhait! je n'ai que ma douleur. Chargé d'ans, & voifin des bornes de la vie, Tout mon talent eft dans mon cœur. Mais quand toute l'Europe avec refpect te nomme Que tu fais à ton gré faire couler des larmes Et nous peut, de ta perte, adoucir les douleurs : Ce grand jour à jamais vivra dans la mémoire, Ce jour où d'Apollon on a traité le fils |