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L'emporter fur leurs agrémens.

En vain, des bords fameux d'Itaque,
Le fage & renominé Mentor
Vint nous enrichir du tréfor
Que renferme fon Télémaque;
En vain l'art de fon précepteur
Étale avec délicateffe,

Dans ce roman de rare efpèce,
Ce qu'ont d'utile, ou de trompeur,
La politique & la tendreffe,
Et cette fatale douceur,
Tendre fille de la molleffe

Dont s'enivre un héros vainqueur,
Aux pieds d'une jeune maîtreffe
Ou d'une habile enchantereffe,
Telles que les peint ce docteur,
Inftruit de l'humaine foibleffe),
Et curieux imitateur

Du ftyle & des fables de Grèce.
La vogue qu'il eut dura peu;
Et las de ne pouvoir comprendre
- Les myftères qu'il met en jeu ;
On courut au palais les rendre,
Et l'on s'empreffa d'y reprendre,
Le Rameau d'or & l'Oifeau bleu.

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T

Qui, loin de fe perdre en chemin,

Parut, fortant de chez Barbin,
Plus arabe qu'en Arabie.

Mais enfin, grâces au bon fens,
Cette inondation fubite

De califes & de fultans,

Qui formoient fa nombreufe fuite Déformais en tous lieux profcrite, N'endort que les petits enfans.

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CE fut dans cette paix profonde,
Que moi, miférable pécheur,
Je m'avifai d'être l'auteur

D'un fatras qu'on lut par le monde.
Je l'entrepris en badinant,
Et je fourai dans cet ouvrage
Ce qu'a de plus impertinent
Des contes le vain étalage;
Mais je ne fus pas affez fage
Pour m'en tenir à ce fragment,
Je joignis un fecond étage,
Pour marquer les abfurdités.
De ces récits mal inventés :
Un effai peut être excufable;
Mais dans ces effais répétés,
L'écrivain lui-même eft la fable
Des contes qu'il a critiqués.

Vous, qui difpofez de ma vie Qui la comblez d'heur ou d'ennuis, Souffrez, de grâce, que j'oublie Les engagemens où je fuis.

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JE ne connois que trop la honte
De mettre au jour conte fur conte;
Cependant, fi vous l'ordonnez,
Je vais, en depit du fcrupule,
Suivre les loix que vous donnez,
Et me livrer au ridicule

Des fatras que j'ai condamnés.

C'est ainsi que l'ingénieux auteur des quatre Facardins peignoit, en badinant, un genre aimable qui tient tous fes charmes de l'imagination du conteur, & qui, au lieu de grands efforts, ne demande qu'une plume délicate & fine, un récit fimple, un ton doux, & beaucoup d'imagination pour présenter avec intérêt, d'une manière tantôt piquante & tantôt affectueuse, la morale la plus faine, & l'on peut dire la plus ufuelle.

Nous ajouterons peu de chofe à cette définition, fans cependant diffimuler que ce

(1) Auteur des Mille & une Nuits.

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genre n'exifteroit point chez une nation qui auroit rejeté le merveilleux. Dans ce fiècle trop penfeur, pour ofer entreprendre l'apologie du genre fabuleux, nous avouerons ingénument que nous avons été frappé de fon origine; il eft certain que le merveilleux tient à l'ignorance; & fi on doutoit de cette vérité, il feroit poffible de la démontrer par le feul rapprochement des fables de chaque nation. On verroit taut de reffemblance entre les fictions des Grecs & des Américains, qu'on ne feroit point tenté de difputer. La même mesure d'ignorance a produit partout une égale quantité d'apologues. Un fait bien éclairci par les contemporains, & abandonné à la tradition populaire, acquiert, après une longue fucceffion, tous les caractères de l'imagination des conteurs. Telle eft l'origine raisonnée de tous les contes en général,

On vit naître Oromafe, le dieu du bien; Arimane, le dieu du mal. Enfuite les peris, les génies, les fées, les noirs enchanteurs.. Scythes, Huns, Arcadiens, Indiens, Afiatiques, tous ont imaginé des romans nationaux & des romans fabuleux. Les Grecs, du débris de mille fables abfurdes ou bril

lantes, composèrent leur mythologie, les Romains en adoptèrent une grande partie, les Maures les reçurent des Afiatiques, les Provençaux dûrent tout aux Grecs, les anciens Bretons tout aux Danois. On a tant écrit fur toutes ces origines, que nous nous difpenfons d'étaler ici une érudition d'emprunt, qui nuiroit au genre auquel nous allons arriver, c'eft-à-dire à la féerie.

Elle fut reproduite par les Arabes, & mife en œuvre par les Troubadours. Les uns & les autres l'avoient puifée dans les fables miléfiennes, & avoient, pour parler le langage des artiftes, réduit dans un petit deffin un grand tableau national ou mythologique. Les Arabes & les Troubadours, n'ayant aucun intérêt à conferver les traits allégoriques des anciennes fables, n'en prirent que les peintures qu'ils pouvoient s'approprier, & qui convenoient à tous les peuples. Les Arabes parurent s'en tenir à toutes les couleurs qui peignoient la galanterie chevalerefque, qu'ils. fondirent dans leurs hiftoires particulières. Les Troubadours, toujours comptés pour une claffe de beaux efprits, deftinée uniquement à chanter l'amour, & laiffée fans

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