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de fon Diocefe. L'Abbé de Rancé par tit auffi-tôt pour l'aller confulter.

CHAPITRE XVII.

L'Abbé de Rancé confulte l'Evêque d'Alet fur le genre de vie qu'il devoit embraffer; & fur tous les doutes qui luy étoient furvenus depuis fa converfion.

UOTQUE la réfidence exacte que

Diocefe depuis tant d'années, ne luy permit pas de connoître quantité de perfonnes de merite qui avoient paru dans le monde, depuis qu'il s'étoit retiré dans fon Evêché, l'Abbé de Rancé ne luy étoit pas inconnu ; fa converfion & fes grandes qualitez avoient fait trop d'éclat pour que fa reputation ne fût pas venue à luy. D'ailleurs les Evêques de Châlons & de Comminges, fes amis particuliers, luy en avoient écrit trop avantageufement, pour qu'il n'eût pas pour luy toute la confideration poffible, quand il ne fe la fût pas attirée par luy-même. Il le reçut donc avec

une cordialité qui luy gagna d'abord toute la confiance de l'Abbé de Rancé. Il luy ouvrit fon cœur, & luy propofa toutes les difficultez dont on a parlé.

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Sur la premiere, qui confiftoit à fça voir l'employ qu'il devoit faire de fon patrimoine, teu égard au mauvais usa ge que fon pere & luy avoient pu faire des biens de l'Eglife, l'Evêque d'Alet après luy avoir recommandé de demander à Dieu fes lumieres, & les avoir demandées luy-même, répondit: qu'a près avoir fatisfait aux changes de fa fucceffion, tant à l'égard d'un frere & d'une fœur qui luy reftoit à pourvoir, qu'à tout autre, il ne pouvoit fe difs penfer de vendre fon patrimoine ; qu'il devoit en employer le prix aux repara tions des Eglifes qui avoient été négli gées, & au foulagement des pauvres qui avoient été privez pendant tant d'années, des aumônes qu'on étoit indifpenfablement obligé de leur faire.

L'Abbé de Rancé luy reprefenta que ee dédommagement feroit difficile, ou même impoflible à faire, parce que ceux à qui on le devoit étoient morts, ou étoient allez s'établir ailleurs. L'E vêque répondit qu'il fuffiroit de le fai

te à l'Hôtel-Dieu, ou à l'Hôpital Ge neral de Paris, parce que les pauvres de toutes les Provinces du Royaume y étoient reçus, & que d'ailleurs it fçavoit que ces deux Hôpitaux avoient un extrême befoin d'être fecourus, & que la vie d'une infinité de malheureux qui n'avoient point d'autres reffources dépendoit de ce fecours.

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Mais, dit l'Abbé de Rancé, en donnant ainfi tout mon patrimoine aux pauvres, je vas foûlever contre moy toute ma famille, elle ne me le pardonnera jamais, & je puis bien m'attendre à en devenir l'anathême. L'Evêque d'Alet luy demanda s'il avoit quelque autre moyen de dédommager les pauvres & les Eglifes. L'Abbé répondit qu'il n'en avoit point d'autre. Si cela eft, repartit l'Evêque, je ne crois pas que vous me demandiez mon avis fur ce qui peut faire plaifir à vôtre famille, mais fur ce que vous êtes obligé de faire. C'eft dans les occafions dont nous parbons, ajoûta-t-il, que la maxime de l'Evangile a lieu: Quiconque aime fon pere & fa mere plus que moy, n'eft pas gne de moy. Et c'eft précisement ce que faint Paul a voulu nous marquer, lors qu'il a dit: Si je voulois plaire aux hom

dim

mes, je ne ferois pas ferviteur de JESUSCHRIST.

Pour ce qui eft de la pluralité des Benefices, l'Evêque fut d'avis qu'elle étoit trop expreffément condamnée par les Loix de l'Eglife, pour pouvoir user en cela de condefcendance, & que l'Abbé de Rancé étoit d'autant plus obligé de s'y conformer, que l'eftime & la confideration où il étoit dans le monde, rendoit fon exemple d'un plus grand poids. Il ajoûta, qu'ayant donné tout fon patrimoine aux pauvres, il pourroit fe referver de fes Benefices ce qui luy étoit neceffaire pour une honnête fubfiftence. Je dis une honnête fubfiftence (continua-t-il ) car on ne peut pas douter que l'Eglife n'ait inten→ tion de la donner à fes Miniftres; mais pour ce qui eft de favorifer leur ava rice, ou leur luxe, c'eft luy faire injure que de croire qu'elle en ait jamais eu la penfée. L'honnête fubfiftence même (ajoûta-t-il) ne fe doit accorder qu'aux Miniftres de l'Eglife, c'eft-à-dire, ceux qui la fervent, & qui luy font utiles, c'eft le feul titre legitime par où on la puiffe prétendre: car pour ce qui eft de ces Ecclefiaftiques qui ne le font que de nom, qui en portent à peine

l'habit, qui s'occupent de toute autre. chofe que du fervice de l'Eglife, qui ne fervent même fouvent qu'à la fcandalifer, la deshonorer & la détruire, quel droit peuvent-ils avoir de prendre leur fubfiftence fur des biens uniquement deftinez au fervice de Dieu, & au foulagement des pauvres ?

Cette reflexion engagea l'Evêque d'Alet à parler des devoirs des Abbez Commendataires. Il pretendit que ce n'étoit pas un titre vain & fans fonction, comme la plupart fe l'imaginoient; il foûtint qu'un Abbé Commendataire devoit veiller à la confervation des bâtimens & des biens temporels de l'Eglife qui luy étoit confiée, & au foulagement des pauvres; qu'il devoit l'exemple d'une vie irreprochable, qu'il étoit obligé de s'oppofer aux defordres, & d'employer tout fon pouvoir pour maintenir le bien, ou même pour le procurer, s'il ne le trouvoit pas établi; que c'étoit dans ces vues & par rapport à ces foins & à cette protection, qu'on donnoit aux Abbez Commendataires le tiers, ou même les deux tiers des revenus tem

porels de ces Eglifes; & que manquant à tous ces devoirs, ils renonçoient euxmêmes aux titres legitimes qu'ils avoient

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