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LA VIE

DE

DOM ARMAND JEAN

LE BOUTHILLIER

DE RANCE,

ABBE' REGULIER ET REFORMATEUR du Monaftere de la Trappe, de l'Etroite Obfervance de Cîteaux.

LIVRE PREMIER.

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Naissance de l'Abbé de la Trappe. L'éclat où étoit alors la Maifon dont il eft forti. Son éducation : qualitez extraordinaires qui éclatoient en luy dés fon enfance.

A Maison le Bouthillier occupoit les premieres Charges de l'Eglife & de l'Etat, lorfque l'Abbé de Rancé vint au monde. Elle avoit pour chef Claude le

I. Partie.

A

Bouthillier, Secretaire d'Etat, depuis Sur - Intendant des Finances, pere de Leon le Bouthillier Comte de Chavi gny, Secretaire d'Etat, Tréforier des Ordres du Roy, & Chancelier de Gafton de France, Duc d'Orleans: Claude le Bouthillier eut une fœur qui fut Abeffe de faint Antoine, & trois freres, Sebaftien le Bouthillier Evêque d'Aire, Prelat d'une pieté diftinguée, Denys le Bouthillier Seigneur de Rancé, Confeiller d'Etat, Prefident en la Chambre des Comptes, Cour des Aydes, & Finances de Bourgogne, Secre taire de la Reine Marie de Medicis ; & Victor le Bouthillier Archevêque de Tours, premier Aumônier de Gafton de France, Duc d'Orleans, frere unique du Roy Louis XIII. Tous ces enfans avoient pour pere Denys le Bouthillier, Confeiller d'Etat, l'un des plus illuftres Magiftrats de fon tems," Denys le Bouthillier de Rancé, frere de Claude, eut huit enfans de Charlotte Joly fa femme, trois fils & cinq filles, L'aîné des fils fut Denys-François le Bouthilliers le fecond ArmandJean, le troifiéme Henry Chef d'Efcadre, fert encore aujourd'huy le Roy, & fe diftingue par fa probité & par la

valeur; l'aînée des filles fut mariée premierement au Comte de Belin, & en fecondes nôces au Comte d'Albon; les autres fe firent Religieufes, à la reserve de la plus jeune, qui fut mariée au ficur de la Roche Verftafal, Gentilhomme d'Auvergne. De tous ces enfans le plus illuftre, fans contredit, a été ArmandJean de Rancé, Abbé Regulier & Reformateur du Monaftere de NôtreDame de la Maison-Dieu de la Trappe, de l'Etroite Obfervance de Câteaux, dont, avec l'affistance du Ciel, j'entreprens d'écrire la Vie.

Il nâquit à Paris l'an mil fix cent vingt-fix, le neuviéme de Janvier; on le baptifa le même jour dans la maifon de fon pere, fans les ceremonies ordinaires de l'Eglife. Elles furent celebrées depuis avec beaucoup d'éclat le trentiéme May mil fix cent vingt-fept dans l'Eglife de S. Côme; le Cardinal de Richelieu & la Marquife d'Effiat, femme du Sur-Intendant des Finances, luy fervirent de parrain & de marraine.

Son enfance fut remarquable par tous les endroits qui la pouvoient distinguer; une phyfionomie heureufe prevenoit tout le monde en fa faveur, un air fpirituel, mille agrémens répandus dans

toutes fes manieres, un efprit doux, vif & brillant luy gagnoient tous les cœurs, Tant de qualitez foutenues de la fayeur du Cardinal de Richelieu,devoient, ce femble, porter Monfieur de Rancé à concevoir de grands deffeins pour la fortune de fon fils; un autre que luy n'eût point mis de bornes à fes efperances; mais les broüilleries qui furvinrent entre la Reine Marie de Medicis, dont il étoit Secretaire, & le Cardinal de Richelieu, l'obligerent de borner ses vûës; la probité même dont il faifoit profeffion, ne lui ayant pas permis de profiter de la faveur de fon frere, qui étoit Sur-Intendant des Finances, ni de l'accés qu'il avoit lui-même auprés du premier Miniftre, aprés avoir engagé fon aîné dans l'état Ecclefiaftique, fes deffeins pour Arinand-Jean fon fecond fils n'allerent pas plus loin qu'à le faire Chevalier de Malte,

Dieu qui l'appelloit à de grandes cho fes ne permit pas qu'on fe contentât de l'éducation qu'on donne d'ordinaire aux enfans deftinez à la profeffion des armes; fon pere fut touché de ce naturel heureux qui ne laiffoit prefque rien à faire à l'éducation. Il crut qu'il ne luy étoit pas permis de negliger un fonds f fi

riche, qui produifoit de luy-même, & qui ne pouvoit manquer de répondre à la culture qu'on auroit foin de luy don' ner: le jeune Armand apprit à lire & écrire, & les premiers élemens des fciences avec une facilité qui n'a peut-être point eû d'exemple. Ce fuccez porta Monfieur de Rancé à le faire élever fous fes yeux; il luy donna en mêmetems trois Précepteurs; l'un luy apprenoit la langue Latine, l'autre la langue Grecque, & le troifiéme n'étoit occupé qu'à former fes mœurs, à veiller fur fa conduite, & à luy apprendre les principes de la Religion Chretienne.

Cet admirable enfant ne fuffifoit pas feulement à tant d'occupations differentes, il avoit encore du tems de refte, & ce tems étoit employé aux exercices qui convenoient à une perfonne de fa qualité, & à la profeffion des armes à la quelle il étoit deftiné. Monfieur de Rancé ne le perdoit point de vûë; il voyoit avec plaifir qu'il étoit également propre aux Sciences & aux exercices du corps, & fes maîtres ne fe pouvoient laffer d'admirer qu'il réüfsît dans tous fes exercices, comme s'il ne fe fût appliqué qu'à un feul en particulier.

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