Imágenes de páginas
PDF
EPUB

la vertu dont l'éclat frappe le plus vive? ment les yeux.

L'Evêque d'Alet admire fur tout cette foy vive, cette charité ardente qui l'avoit porté à préferer l'amour de la vo"cation à fa propre vie, & il fait fur cela Pune reflexion trop importante pour ne "pla pas rapporter. La maladie (dit-il-)

[ocr errors]

qui vous eft furvenue dans votre No

» viciat, doit beaucoup vous affermir "s dans la perfuafion & la confiance tres

[ocr errors]

vive & tres-conftante de vôtre invio"lable fidelité à cet état, & que vôtre 2, vocation fera fuivie de la fidelité & "s de l'accompliffement de vos promeffes & de vos vœux. Car s'il y avoit tentation qui eût dû apparemment vous bébranler, c'étoit celle de la foibleffe de vôtre complexion, pour porter la rigueur d'une Regle fi étroite, & fi rebutante à la nature. Mais puisque ss cette épreuve n'a pas fait la moindre -impreffion de découragement dans

دو

[ocr errors]

vôtre cœur, on en peut tirer avec taifon le préjugé de l'inutilité des attaques que le démon vous pourroit faire à l'avenir; non qu'il ne faille toujours demeurer dans la crainte & dans la défiance de foy-même, mais parce que la confiance en la grace de Dieu doir

toujours prévaloir, & on ne doit employer le premier mouvement, que pour paffer au fecond d'une maniere a plus affurée, & auquel toutes nos crain- « tes, & toutes les experiences de nos « foibleffes fe doivent terminer. Voilà « ce que l'Evêque d'Alet penfe de cette épreuve qui eft en effet la plus grande de celles aufquelles la foibleffe humaine puiffe être expofée.

CHAPITRE V.

Les Superieurs de l'Abbé de Rance l'envoyent au Monaftere de Champagne, pour y favorifer l'établif fement de la Réforme. Il y réuffit. Ils veulent l'envoyer en Touraine pour le même fujet : Il s'en excufe. Raifons de ce refus. Il va trouver L'Abbé de Prieres.

Q

[ocr errors]

UELQUE TEMPS avant que l'Abbé de Rancé eut écrit à l'Evêque d'Afet la Lettre à laquelle celle qu'on vient de rapporter fert de réponse, on avoit établi la Réforme de Citeaux au Monaftere de Champagne; les anciens Religieux qui n'en étoient pas contens s'y

[ocr errors]

oppoferent, & engagerent des Gentils hommes du païs à foutenir leur oppofi tion. La démarche étoit délicate fous un regne où les voyes de fait avoient un air de rebellion, dont les fuites pouvoient être tres-fâcheufes. Cependant, les anciens Religieux fçurent fi bien perfuader à la Nobleffe de leur voifinage, que le Roy n'étoit pas favorable à l'Etroite Obfervance, qu'elle prit leur parti, & leur promit d'obliger de gré ou de force les Réformez de fe retirer.

Cette nouvelle étant venue à Perfeigne, le Prieur crut que ce qu'on pouvoit faire de mieux étoit d'envoyer l'Abbé de Rancé en Champagne, pour ménager les efprits de la Nobleffe, & l'empêcher d'executer fon deffein. A peine l'Abbé y étoit il arrivé, qu'on y vit venir vingt-cinq Gentilshommes bien montez, & bien arinez. Ils s'étoient affemblez fous pretexte d'une partie de chaffe, mais en effet, pour obliger les Réformez de fe retirer. Le Marquis de Vaffé qui étoit à leur tête apprit en arrivant à Champagne, que l'Abbé de Rancé venoit de s'y rendre ; ils s'étoient vûs fouvent à la Cour, & même l'Abbé de Rancé luy avoit rendu un service des plus importans; il s'en fouvint dans ce

moment, & fa reconnoiffance l'empor tant fur l'engagement qu'il avoit pris avec les Gentilshommes qui l'accompa+ gnoient; il ne vit pas plutôt l'Abbé de Rancé, qu'il courut l'embraffer, & luy faire mille offres de fervices. L'Abbé le prit au mot, & il le pria de favorifer la Réforme, ou du moins de ne s'y pas oppofer, & de porter les Gentilshom mes qui l'accompagnoient à prendre le même parti. Le Marquis le luy promit & l'ayant quitté pour aller parler à ceux qui l'accompagnoient, il les obligea de fe retirer. Il les fuivit quelque temps aprés, & fut toujours depuis tres-favo rable à la Réforme.

2

Environ ce même temps, quelques Monafteres de Touraine ayant été reformez, on y trouva à peu prés les mêmes obftacles; le Prieur de Perfeigne jetta auffi-tôt les yeux fur l'Abbé de Rancé il crut que s'il l'envoyoit en Touraine,

y auroit le même fuccès qu'il venoit d'avoir à Champagne, & fur cela, il luy propofa de faire ce voyage. L'Abbé de Rancé qui n'avoit quitté le monde que pour vivre dans le filence & dans la retraite, ne put goûter cette propofition.

Il confideroit d'un côté l'obéïffance qu'il devoit à fes Superieurs, le bon

ordre, & la difcipline reguliere qu'il s'agiffoit d'établir dans plufieurs Monasteres, les amis & le credit qu'il avoit dans la Province, la protection dont la Réforme avoit befoin, & les inconveniens du refus qu'il pourroit faire. Mais il confideroit de l'autre qu'il s'agiffoit de retourner dans une Province où il ne pouvoit manquer de rencontrer les compagnons de fes égaremens paffez, & une partie des objets qui les avoient causez, qu'il n'étoit pas encore affez affermi dans le bien pour s'expofer à des occafions dont perfonne ne comprenoit mieux le danger que luy, qu'il luy faudroit effuyer des entretiens & des vifites qu'il ne pouvoit éviter avec trop de foin, que c'étoit expofer la grace de fa vocation; que l'Ecriture Pavertiffoit, que qui n'a pas foin d'éviter le peril, ne manque jamais d'y fuccomber. Qu'il étoit même contre le bon ordre, qu'un Novice allât courir ainfi de Province en Province, qu'il fe mêlât de negociations, d'accommodemens & de traitez, que rien n'étoit plus contraire à l'efprit de componction & de penitence; qu'en un mot, le temps des épreuves devoit fe paffer dans. la folitude & dans le filence. L'Abbé de Rancé s'étant affermi dans ces dernieres

« AnteriorContinuar »