fource de la Theologie; & qu'une fcien→ ce toute fondée fur l'autorité pouvoit bien fe fervir de la raifon, mais qu'elle ne devoit pas s'y borner. Le travail prodigieux que demande une fcience d'une fi grande étendue, ne fuffit pas pour occuper l'activité de fon efprit; il obtint la permiffion de prêcher, & il le fit avec le même fuccez q 'il avoit eu dans tout ce qu'il avoit entrepris jufques alors. Il poffedoit cette haute éloquence qui perfuade, qui touche, & entraîne ; fa prononciation étoit pathetique & vehemente; en un mot il avoit tous les talens & toutes les qualitez qui peuvent former le parfait Orateur. Il ne laiffa pas de foutenir fes Thefes avec un applaudiffement general; il dédia sa 16 52. Tentative à la Reine Mere, & fe fir admirer par la vivacité de fon esprit, par la grace naturelle qu'il avoit à parler, & par la facilité qu'il avoit aquife de s'expliquer en Grec & en Latin avec une élégance dont peu de gens avoient jufques alors approché. Enfin aprés qu'il eut paffé par toutes les épreuves qui font en ufage dans la Faculté de Paris, il finit fa Licence, dont il eut le premier licu, & acheva le cours reglé de fes études. La mort de fon pere, qui arriva quelque tems aprés, acheva de le mettre dans cette funefte liberté, dont il expia depuis le mauvais ufage par une penitence fi auftere. Monfieur de Rancé étoit allé à fa Terre de Veret, où il s'occupoit à faire de nouveaux embelliffemens, lors qu'il fe fentit attaqué d'une fauffe pleurefie. Il écrivit auffitôt à l'Abbé de Rancé l'état où il fe trouvoit, & luy manda de le venir trouver avec fon frere le Chevalier. L'Abbé de Rancé prit auffi-tôt la poste avec fon frere, & fe rendit à Veret. Mais quelque diligence qu'il pût faire, il trouva Monfieur de Rancé fi mal qu'on defefperoit de fa vie. Son premier foin fut de luy faire recevoir les Sacremens de l'Eglife, & de le preparer à la mort. Il avoit un fond de Religion aifé à émouvoir, & qui prenoit le deffus de tems en tems. Comme Monfieur de Rancé avoit fait fon Teftament, & qu'il l'avoit confié à une de fes filles, qui eft prefentement Religieufe aux Annonciades de Paris, l'Abbé fe contenta de prendre de luy quelques lumieres pour la conduite de fes affaires. Tout ce qu'on a fçû de ce dernier entretien fur lequel l'Abbé ne s'eft jamais bien expliqué, eft que Mon- fciences, on pourra même vous furpaf fer; vous aurez peu de concurrens dans le chemin de la vertu. Suivez-le conftamment, & foyez perfuadé que vous n'aurez de fatisfaction veritable qu'autant que vous ferez folidement ver tueux. Monfieur de Rancé mourut quelques heures aprés luy avoir tenu ce discours. L'Abbé avoit le cœur trop bon pour n'en être pas penetré de douleur; il n'épargna ni foins, ni dépense pour luy rendre les derniers devoirs; mais fur tout il n'oublia jamais le dernier entretien qu'on vient de rapporter ; il en parloit fouvent au milieu de fa retraite & de fa penitence aprés fa converfion; & il avoüoit qu'il en avoit été fenfible ment touché. Portrait de l'Abbé de la Trappe: fes qualitez. Il abufe de la liberté & des biens dont il fe voit en poffef fion par la mort de fon pere. Il s'abandonne au luxe, & à l'esprit du monde. Il reçoit l'Ordre de Prê trife, & prend le bonnet de Do Eteur. Lde fa Maifon, vit augmenter par la mort de fon pere fes revenus, de la Châtellenie de Veret, une des plus belles & des plus agreables Terres de la Touraine, de celle des Clayes, & de plufieurs autres biens; de forte qu'il eut alors environ trente mille livres de rente. B B E' de Rancé qui étoit l'aîné Il étoit à la fleur de fon âge, n'ayant qu'environ vingt-cinq ans; fa taille étoit au-deffus de la mediocre, bien prife & bien proportionnée; fa phyfionomie étoit heureufe & fpirituelle, il avoit le front élevé, le nez grand & bien tiré fans être aquilin, fes yeux étoient pleins de feu, fa bouche & tout le refte du vifage avoient tous les agrémens qu'on peut fouhaiter dans un homme.Il fe formoit de tout cela un certain air de douceur & de grandeur qui prévenoit agreablement, & qui le faifoit aimer & refpecter. Au refte il étoit d'une complexion fi délicate que le moindre vent fuffifoit pour l'enrhumer; on avoit peine à comprendre comment il pouvoit refifter à la fatigue de la chaffe & de l'étude; mais on fut bien plus furpris, |