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verbal de cette Affemblée, que François de Harlay Archevêque de Rouen fon ancien ami, ayant déplû à la Cour, il eut ordre de fe retirer à Gaillon, & on luy défendit de fe trouver à l'Affemblée. L'Abbé de Rancé ayant appris cette fâcheufe nouvelle, fut le trouver à Gaillon avec les Evêques d'Angoulême & de Conferans, pour le confoler dans fa difgrace. Il fit plus, il porta l'Affemblée à employer fon entremife & fes follicitations pour le remettre dans les bonnes graces du Roy. Elle deputa en Cour pour cet effet les Evêques de TouJon & d'Angoulême, les Abbez de Rancé & de Boucherat. Ces Deputéz obtinrent de la bonté du Roy tout ce qu'ils demandoient. L'ordre envoyé à l'Archevêque de Rouen fut revoqué, & ce Prelat reconnut qu'il en avoit la principale obligation à l'Abbé de Rancé.

La même Affemblée donna encore une marque bien éclatante de l'eftime qu'elle faifoit de fon fçavoir, & de la connoiffance parfaite qu'il avoit de la langue Grecque, lors qu'ayant resolu dans l'Affemblée tenue le dix-neuvième de Juillet de faire faire des Editions correctes d'Eufebe, & de quelques autres Peres Grecs; Elle pria l'Abbé de Ran B iiij.

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cé d'en prendre le foin, & luy donna pour Ajoints les Evêques de Vence & de Montpellier, avec l'Abbé de Ligny.

L'Abbé de Rancé penfoit à s'acquit ter de cette commiffion d'une maniere digne de l'estime qu'il s'étoit acquife, & de la confiance que le Clergé de France avoit en luy, lorfque l'Affemblée apprit de l'Archevêque de Sens que l'Abbé de Rancé avoit été reçû en furvivance à la Charge de premier Aumônier de Gafton de France Duc d'Orleans, oncle du Roy, du confentement & à la follicitation de l'Archevêque de Tours fon oncle. L'Affemblée deputa fur le champ à l'Archevêque l'Evêque de Vannes & l'Abbé de Bonzy, pour le remercier de fa part de la grace qu'il venoit de faire à fon neveu. Elle ne fe

contenta pas de cette preuve de l'interêt qu'elle prenoit à l'avancement de l'Abbé de Rancé ; elle en donna une plus éclatante en priant le celebre Archevêque de Sens, Louis de Gondrin, d'écrire en fon nom à fon Alteffe Royale, pour le remercier de l'honneur qu'il avoit fait à cet illuftre Abbé, en le choififfant pour la premiere Charge Ecclefiaftique de fa Maifon. L'Archevêque de Sens, qui étoit depuis long

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tems ami particulier de l'Abbé de Rancé, fe chargea d'autant plus volontiers de cette commiffion, qu'il avoit deffein de s'en acquitter d'une maniere qui feroit connoître également & l'eftime que le Clergé de France faifoit de l'Abbé de Rancé, & la part qu'il prenoit à tous fes avantages. On peut voir fa Lettre & la réponse de fon Alteffe Royale dans le Procés verbal du Clergé, imprimé en 1655.

L'Aflemblée qui avoit commencé au mois d'Octobre 1655. avoit duré toute l'année 1656. on étoit même entré dans l'année 1657. fans qu'il parût qu'elle dût fi-tôt finir; lorfque ceux qui vouloient fe rendre maîtres des affaires, & qui redoutoient la droiture, la fermeté & les lumieres de l'Abbé de Rancé, formerent le deffein de l'obliger à la quitter de luy-même. Ils luy firent dire pour cet effet par des perfonnes interpofées, qu'il étoit fufpect au premier Miniftre, & qu'ils fçavoient de bonne part qu'on devoit luy envoyer un ordre de fe retirer de l'Affemblée. L'avis étoit faux, comme on le reconnut depuis ; il ne laiffa pas d'embarraffer étrangement l'Abbé de Rancé. D'un côté non feulement fa confcience ne luy

reprochoit rien touchant la fidelité qu'il devoit au Roy, au contraire elle luy rendoit témoignage de cet attachement refpectueux & fans bornes, qu'il toute la vie pour fa Perfonne facrée, & qui n'a fait qu'augmenter aprés même qu'il fe fut dépouillé de tous les autres fentimens humains. Mais il fçavoit d'ailleurs combien le témoignage d'une confcience droite étoit foible contre les intrigues & les cabales, & fur tout contre des préventions, quand elles fe font une fois emparées de l'efprit & du cœur. Il fçavoit qu'il ne plaifoit pas à plufieurs perfonnes de l'Affemblée; il en connoiffoit les intrigues, il en redoutoit le credit; dans cette perplexité il crut qu'il feroit beaucoup mieux de ceder au tems, de pretexter des affaires preffantes, & de fe retirer de l'Affemblée; ce fut le parti qu'il prit. - Il reconnut alors pour la premiere fois, que de grandes qualitez ne fervent bien fouvent qu'à faire des ennemis, qu'en frappant trop vivement les yeux, elles les offenfent, & qu'un merite éclatant eft une efpece d'injure qu'on n'a prefque jamais pardonné. Ces reflexions occupoient fon efprit à Veret où il s'étoit retiré,lorfque les amis qu'il avoit dans

l'Affemblée, luy manderent qu'on luy avoit fait une fauffe confidence, & qu'il s'étoit trop preffé de quitter l'Aflemblée. L'Abbé de Rancé qui fçavoit qu'il s'y étoit paffé bien des chofes qui luy avoient fait de puiffans ennemis, pretendit au contraire que foit que l'avis qu'on luy avoit donné fût faux, ou qu'il ne le fût pas, il n'avoit pû mieux faire que d'y deferer: que s'il eût tardé de le faire, la feinte auroit bien pû se changer en realité. Que rien n'étoit plus aifé que de rendre de mauvais offices à un homme qui ne se défie de rien, & qui n'eft point en garde contre les coups qu'on luy peut porter. Qu'en un mot, fa prefence étant tres-peu utile à l'Af femblée, il avoit crû devoir ceder au tems. Qu'au refte s'ils vouloient venir fe divertir à Veret, il pourroit leur dis re de fi bonnes raifons qu'ils approuveroient fa conduite. L'Affemblée generale finit le vingt- troifiéme de May 1657. environ trois mois aprés que l'Abbé de Rancé s'en fut retiré.

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