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mieux apprêtées; il y ajouta les œufs, avec quelques fruits pour le deffert. On devoit fuppléer au refte par une grande propreté, une honnêteté & une charité qui n'ont peut-être point d'exemple. Comme l'experience luy avoit appris que la bonne chere avoit commencé à s'introduire dans les Monafteres, par celle qu'on s'étoit crû obligé de faire aux hôtes; il s'attacha fi fortement à ce reglement, que dans la fuite il ne permit jamais qu'on s'en difpenfat. Dieu donna tant de benediction à cette conduire, que quoique les perfonnes les plus diftinguées dans l'Eglife & dans l'Etat, des Princes & des Princeffes de la Maison Royale, des Rois mêmes & des Reines, foient depuis venus souvent à la Trappe, & qu'on ne fe foit point relâché en leur confideration de ce reglement; non feulement ils n'y ont rien trouvé à redire, mais même ils en ont été tres-édifiez. Tant il eft vrai que la veritable vertu fe fait toujours refpecter, & qu'on ne trouve jamais mauvais que chacun obferve ce qui convient à fon état, quand on eft perfuadé que l'hypocrifie n'y a point de part, & que ceux qui fe difpenfent des bienséances du monde, ne le font que pour obéir

aux regles que leur condition leur pref

crit.

L'Abbé de la Trappe refolut auffi de reBrancher fi abfolument l'ufage du linge, qu'on ne s'en fervit pas même à l'Infir merie dans les plus grandes maladies; il crut auffi qu'il en devoit bannir les lits de plume & les matelats, & fe reduire à des paillaffes qui ne fuffent point piquées; elles le font dans les Cellules, & fi dures & fi inégales, qu'on feroit mieux fi on étoit couché fur des planches; ainfi le jour & la nuit, fain & malade, on devoit être dans la pratique d'une peni tence continuelle, & être toujours revêtu du même habit.

L'amour du filence & la persuasion où étoit l'Abbé de la Trappe, que moins fes Religieux auroient enfemble de communication, plus il feroit aifé de les porter à la perfection, le fit refoudre à leur retrancher enfin absolument toute forte de recreation, l'ufage des promenades communes, fur tout celles que l'on appelle les grandes forties: il crut même qu'il devoit reduire les Conferences qui fe faifoient d'abord tous les jours, à trois par femaines ; & enfin à une feule qui fe feroit le Dimanche ; c'est le pied fur lequel elles font aujourd'huy.

Pour ce qui eft de la matiere des Con ferences, on fe contentoit au commencement de s'entretenir de chofes utiles. 11 refolut d'en reduire le fujet précifément à ce qui regarderoit le falut, à ce qui pourroit porter à la penitence, à la vie interieure, à l'imitation des anciens & au renoncement abfolu aux manieres nouvellement introduites. Dans cette vuë il prit pour fujet ordinaire de fes entretiens, les endroits les plus touchans de la vie & des actions des Peres des deferts, de faint Jean Climaque, des Afcetiques de faint Bazile, & des Conferences de Caffien ; il en bannit absolument toutes les queftions de Theologie, dans la penfée que rien n'étoit plus capable d'alterer l'efprit de folitude, &. de diffiper la devotion & la componction. Il la regardoit comme l'ame de la penitene, fans laquelle il ne croyoit pas qu'elle pût fubfifter long-temps.

Les habits devoient être de ferge groffiere, moins amples & moins longs que de coutume, & il ne devoit jamais être permis de quitter l'habit de chœur, hors le temps du travail, Lous pretexte des grandes chaleurs, pour le foulager, ou pour quelque raifon que ce put être.. Par la même raifon d'une mortification

continuelle, on ne devoit le chauffer que rarement, même pendant les plus grands froids, & il ne devoit jamais être permis de s'affeoir en fe chauffant. En un mot, il fe propofa de former fes Religieux à fouffrir la faim, la foif, les veilles, les chaleurs les plus exceffives, les froids les plus rudes, les travaux les plus penibles, les maladies les plus aiguës; en un mot toutes les incommoditez de la vie, & la mort même, non feulement avec patience, mais même avec joye; il appelloit tous ces maux que le peché a introduit dans le monde, la penitence de tous les hommes, & celle que Dieu leur a luy-même impolée.

Enfin, il fe propofa deflors de leur infpirer cet efprit de modeftie, d'humilité, de pauvreté, de pieté, d'une priere prefque continuelle, d'une charité & d'une abnegation fans bornes. Il les a enfin établies dans la Trappe, & elles y font encore aujourd'hui l'édification de toute l'Eglife.

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CHAPITRE VIII.

L'Abbé de la Trappe trouve de gran des difficultez à établir fa Refor me. Il en écrit à l'Abbé de Prieres: Réponse remarquable que luy fait cet Abbé.

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E projet qu'on vient de rapporter n'étoit, pour ainfi dire, qu'un effay de la Reforme que l'Abbé de la Trappe avoit deffein d'établir dans fon Monaftere; on en peur juger par les reglemens qu'il y ajouta depuis. Comme on les a donnez au public, on ne s'étendra pas davantage fur cet article.

Cependant, comme ce projet n'étoit pas fait pour n'être pas executé, l'Abbé de la Trappe commença de prendre des mefures pour porter fes Freres à cette haute perfection, où il s'étoit proposé de les conduire; mais comme il ne vouloit rien faire par autorité, il fe con tenta d'employer l'exemple & les exhortations les plus vives. On le voyoit toujours le premier à tous les exercices de penitence & de regularité, auftere dans les jeûnes, affidu à l'Office divin

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