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AN. 1521. affez défert de la Saxe auprès d'Altstad. Luther y demeura enfermé pendant neuf mois; fort bien nourri à la vérité, mais fans aucun commerce extérieur, & fans qu'on pût fçavoir où il étoit, tant l'affaire avoit été conduite avec adreffe & fidélité. On dit même que l'électeur de Saxe n'avoit pas voulu qu'on lui fît fçavoir à lui-même le lieu où ce religieux fut enfermé, afin qu'il pût protester à l'empereur & au pape qu'il l'ignoroit abfolument.

XVI. Bruits qu'on

l'enlèvement

de Luther.

Pallavic. hift.

La nouvelle de cet enlévement fut bien-tôt répanrépand fur due de tous côtés; Aleandre en donna avis au pape. Charles V. foupçonna la chofe comme elle étoit ar1. 1. 28.p.121. rivée, & les personnes judicieuses penserent de même. Cependant les partisans de Luther ne manquerent pas de publier par-tout, que les émissaires de la cour de Rome l'avoient fait affaffiner, ou du moins le tenoient enfermé contre la foi publique. Il y en eut d'affez furieux pour publier qu'ils avoient trouvé fon cadavre percé de coups dans une mine d'argent, ce qui penfa exciter une fédition dans Wormes, & mit les deux nonces Caraccioli & Aleandre, déja fort haïs des Luthériens, en danger de perdre la vie. L'empereur, après avoir délibéré avec les princes & les électeurs fur ce qu'il étoit à propos de faire dans les conjonctures préfentes avant la clôture de la diéte, on convint qu'il falloit donner un édit contre Luther. Il fut dreffé le fixiéme de Mai, & l'on en porta deux copies à l'empereur, l'une en latin & l'autre en allemand. Ce prince étoit alors dans l'église avec fa. cour, & environné du peuple qui y étoit accouru : il figna ces deux copies avec beaucoup de joie en préfence des cardinaux de Mayence & de Sion qui les

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fignerent auffi. Cet édit avoit été lû auparavant & AN. 1521.
approuvé dans une assemblée qui fut tenue le huitié-
me Mai, qui étoit cette année le dimanche de la Tri-
nité. Quand l'édit fut revêtu de toutes ces formalités,
on le fit imprimer pour le rendre public.

XVII.
Edit de l'em-

les V. contre

Joan. Cochieu

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1521. in

fine oper.de act.
Sleidan, 1.3.p.

fcript. Luth.
75. apud Gol-
imper. 1. p.
vic. hift.

alum. conftit.

143.

conc. Trid. lib.

I. c. 18.

L'empereur y expofe d'abord, qu'il eft du devoir d'un prince chrétien d'accroître la religion, & d'é, pereur Chartouffer les héréfies dès leur naissance. Il y raconte en- Luther. fuite comment Luther tâchoit d'infecter l'Allemagne, Extat apud de cette contagion, & le danger évident qui menaçoit cette nation de tomber dans le précipice, fi l'on n'y remédioit de bonne heure ; que le pape Leon X. après avoir exhorté paternellement ce religieux, mais fans fuccès, à fe rétracter, avoit été obligé avec le facré collége, de condamner fes écrits & de le déclarer hérétique, fi dans un certain tems qu'il lui prefcrivoit, il ne révoquoit fes erreurs : de laquelle fentence Jérôme Aleandre nonce apoftolique résident auprès de fa perfonne, lui avoit donné une copie, le priant de la part du pape, comme le vrai protecteur de l'église, de la faire publier & exécuter par tout l'empire & dans toute l'étendue de fes états; que cependant Luther, au lieu de s'amander & de rentrer dans fon devoir, écrivoit de jour en jour des livres en latin & en allemand, remplis non-feulement d'héréfies nouvelles, mais encore de celles que les facrés conciles avoient condamnées par le paffé; qu'il n'y a pas un feul de fes écrits qui ne foit pestiféré, ou qui ne porte quelque aiguillon mortel, ni même une parole qui ne foit un pur poison: que pour ces causes. voulant fuivre les traces des empereurs Romains fes prédécesseurs, après en avoir conféré avec les élec◄

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AN. 1521. teurs, les princes & les états de l'empire, comme auffi avec fon confeil particulier, compofé de personnes choifies de toutes les nations foumifes à fa domination, de leur avis & confentement unanime, & pour ôter tout fujet de plainte & de contestation à ceux qui difoient qu'il falloit l'écouter avant que de procéder à l'exécution de la bulle du pape, ( quoique peut-être il ne fût pas à propos d'entendre un homme condamné par le faint fiége, obstiné dans ses mau◄ vaises opinions, & connu publiquement pour hérétique) il l'avoit fait citer par un de ses hérauts, non pas pour connoître ni pour juger des chofes de la foi, ce qui appartient seulement au pape; mais pour le ramener dans le bon chemin par de fortes & falutaires exhortations.

Enfuite l'empereur expofe comment Luther fut introduit dans l'affemblée, fur quoi il fut interrogé, & ce qu'il répondit: enfin la manière dont il avoit été congédié & renvoyé chez lui. Pour conclufion it ajoute, que pour fatisfaire à ce qu'il doit à Dieu, à l'églife, au pape, & à la dignité impériale dont il est revêtu; du confeil & confentement des électeurs, princes & états de l'empire, & en exécution de la fentence du souverain pontife, il déclare qu'il tient Martin Luther pour hérétique obstiné & notoire, féparé de l'église, & commande qu'il foit tenu pour tel par un chacun; défend à qui que ce foit, fous peine de crime de léze-majefté, de perte de biens, & d'être mis au ban de l'empire, de le recevoir, de le défendre, de le foutenir ou de le protéger, foit de fait ou par écrit: ordonne à tous les princes & états de l'empire, fous les peines accoutumées, de le pren

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dre & emprisonner après le terme de vingt-un jour AN. 1521. expiré, & de pourfuivre tous fes complices, adhérans & fauteurs, les dépouillans de tous leurs biens, meubles & immeubles. Il défend encore de lire ni de garder aucun de fes livres, quand même il y en auroit quelqu'un où il fe trouveroit de bonnes chofes, ordonnant aux princes & aux magistrats de les brûler & abolis entiérement. Et d'autant qu'on avoit imprimé en divers endroits des abrégés de fes livres, il défend de les imprimer, comme auffi de garder aucune de fes eftampes ou images, où le pape, les cardinaux & les prélats font représentés avec des habits & des postures ridicules; commande aux magistrats de s'en faifir & de les brûler, punissant les imprimeurs, & tous ceux qui en vendront & en acheteront. Enfin il fait une défense générale d'imprimer aucun livre en matiere de foi, fi petit qu'il puiffe être, fans l'approbation de l'ordinaire, ou de quelque univerfité voisine.

XVIII. Cenfure de

théologie de

les erreurs de

leci, judice nou. error

D'Argentré, in collect,

p. 365. & Lego;

Luther eut nouvelle de cet édit dans fa retraite, qu'il appelloit fon isle de Pathmos, & n'en devint la faculté de que plus furieux; mais ce qui le déconcerta davanta- Paris contre ge, fut d'apprendre que la faculté de théologie de Luther. Paris venoit de cenfurer fes ouvrages & fes erreurs, & qu'elle avoit condamné fa doctrine en plus de cent de propofitions. La maniere rigoureuse dont elle le traitoit lui parut d'autant moins fupportable, qu'il l'avoit au commencement reconnue pour juge de fes différends avec le faint fiége, & qu'il s'y étoit foumis avec de grands éloges. Cette cenfure fut rendue dans une affemblée tenue chez les Mathurins le quinziéme d'Avril 1521. arrêtée & confirmée du confen

AN. 1521.

16.

Y

tement unanime de tous les docteurs. La faculté expose d'abord la néceffité de s'oppofer au poifon des nouvelles erreurs capables d'infecter les fidéles, fuiII. ad Timoth. Vant l'avis de faint Paul, donné à Timothée, de fe 1.2. v. 15 & conduire comme un miniftre du Seigneur fans reproche, pour fçavoir à propos difpenfer la parole de la vérité, & fuir les difcours vains & profanes, qui contribuent beaucoup à infpirer l'impiété. Car fi ces erreurs faififfent une fois l'efprit des fimples, elles font un progrès infini, elles comme la gangagnent comme grene, qui auffi-tôt qu'elle a atteint les chairs vives, ne manque pas d'infecter tout ce qu'elle approche jufqu'à ce qu'elle ait caufé la mort. La cenfure le prouve par les exemples d'Hermogenes, de Philetes, d'Himenée, d'Ebion, de Marcion, d'Apelles, de Sabellius, de Manès, d'Arius, dans ce dernier tems par ceux de Valde, de Wiclef & de Jean Hus, & enfin par celui de Luther même & de fes fectateurs. « Ces » enfans d'iniquité s'efforcent, dit la faculté, de dé» chirer l'église leur mere; Luther tient entr'eux le premier rang comme un autre Ahiel, qui, contre >> l'anathême de Jofué, voulut rebâtir Jéricho. Il ramé» ne les anciennes erreurs, s'applique à en forger de » nouvelles, & croit avoir plus de fageffe que tous » ceux qui font & ont été dans l'églife. Il ofe préfé>> rer fon jugement à celui de toutes les univerfités. Il méprife les autorités des faints peres & des an>> ciens docteurs de l'églife; & pour mettre le com» ble à son impiété, il s'efforce de détruire les décisions » des facrés conciles, comme fi Dieu lui avoit réser» vé la connoiffance de plufieurs vérités néceffaires » au falut, que l'église auroit ignorées dans les fiécles

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